La gauche israélienne et les arabes israéliens rejettent le Plan de paix de Trump

Des milliers de personnes à Tel Aviv contre le plan de paix de Trump : Les manifestants ont fustigé un plan d’annexion et d’apartheid à défaut d’un plan de paix ; le chef du Meretz a dit à Ayelet Shaked qu’elle détruit le rêve sioniste

Des activistes de gauche manifestent contre le plan de paix américain à Tel Aviv, le 1er février 2020 (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Des activistes de gauche manifestent contre le plan de paix américain à Tel Aviv, le 1er février 2020 (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Des milliers d’Israéliens se sont réunis samedi soir, à Tel Aviv, pour protester contre la proposition de paix au Moyen-Orient soumise par les Etats-Unis et contre le projet gouvernemental d’annexion de territoires en Cisjordanie.

Selon le groupe de lutte contre les implantations La Paix Maintenant, qui organisait le défilé, des milliers de personnes ont pris part à la manifestation qui a eu lieu place Dizengoff à Tel Aviv, qui s’est rassemblée sous le slogan « Plan de paix, pas accord d’annexion ».

La proposition, dévoilée mardi, accorde à Israël le contrôle sur Jérusalem, sa capitale « indivisible », exclut le retour des réfugiés palestiniens sur le territoire d’Israël et prévoit l’élargissement de la pleine souveraineté de l’Etat juif à toutes les implantations israéliennes. Elle permet également la création d’un État palestinien démilitarisé sur environ 70 % de la Cisjordanie, à Gaza et sur une partie de l’ouest du Negev – mais seulement dans un délai de quatre ans et sous réserve du respect de certaines conditions.

Le plan a été catégoriquement rejeté par les Palestiniens qui ont obtenu, samedi, le soutien unanime de la Ligue arabe : « Le plan de Trump n’est pas un plan de paix », a déclaré la députée Travailliste-Gesher-Meretz Tamar Zandberg lors du rassemblement, selon la Douzième chaîne. « C’est une proposition d’annexion, de transfert et assurément, une recette explosive qui ouvrira la voie aux violences et à l’apartheid ».

Dans la matinée, des centaines de personnes s’étaient rassemblées pour dénoncer le plan de paix dans la ville arabe israélienne de Baqa al-Gharbiye qui, selon la proposition, intégrerait la Palestine.

« Personne ne nous privera de la citoyenneté de la patrie dans laquelle nous avons vu le jour », a clamé Ayman Odeh, chef du parti politique de la Liste arabe unie.

Tandis que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait promis de procéder rapidement à l’application de la souveraineté israélienne dans la vallée du Jourdain et dans les implantations de Cisjordanie, le gouvernement a depuis fait marche arrière sous les pressions exercées par les Américains, annulant une réunion prévue dimanche où la procédure d’annexion devait être lancée.

Samedi soir, la députée de Yamina, Ayelet Shaked, a expliqué que son parti de droite « exercera toutes les pressions nécessaires pour garantir que l’extension de la souveraineté se fera » au cours d’un débat qui l’opposait au leader du Meretz, Nitzan Horowitz, sur la Douzième chaîne.

Horowitz a répondu qu’en annexant les territoires, le gouvernement anéantirait toute chance d’une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien : « Vous voulez un Israël annexé, qui ne sera ni Juif, ni démocratique – vous détruisez le rêve sioniste », a-t-il accusé.

« Les pères du sionisme se retourneraient dans leurs tombes s’ils vous voyaient », a-t-il ajouté. « David Ben-Gurion se retournerait dans sa tombe s’il voyait qui le parti Travailliste a rejoint », a-t-elle riposté, se référant à l’alliance unissant les Travaillistes et le parti du Meretz d’extrême-gauche en amont du scrutin du 2 mars.

 

Plan US : Des centaines d’Arabes israéliens manifestent contre le « transfert »

Une ONG clame que la proposition de redessiner les frontières en plaçant des villes hors d’Israël cherche à changer la démographie à travers « une séparation à motivation raciale »

Les députés de la Liste arabe unie manifestent contre le plan de paix du président américain Donald Trump à Baqa al-Gharbiya, le 1er février 2020 (Autorisation)

Les députés de la Liste arabe unie manifestent contre le plan de paix du président américain Donald Trump à Baqa al-Gharbiya, le 1er février 2020 (Autorisation)

Des centaines d’Arabes israéliens ont manifesté samedi, dans le nord d’Israël, contre le plan de paix américain qui a été récemment révélé – critiquant l’inclusion d’une clause proposant de redessiner les frontières pour inclure des villes habitées par la minorité palestinienne du dénommé « Triangle » sur le territoire d’un futur Etat palestinien.

Le mouvement de protestation organisé à Baqa al-Gharbiya – c’était le deuxième dans la zone du Triangle en l’espace de quarante-huit heures – a réuni des députés de la Liste arabe unie, qui en ont pris la tête. Ils ont déploré l’adoption par le président américain Donald Trump des points de vue de l’extrême-droite.

L’idée de transférer des villes arabes israéliennes dans un futur État palestinien « était autrefois considérée comme marginale et délirante mais elle est dorénavant adoptée par la droite israélienne et américaine mainstream », a commenté Yousef Jabareen, député de la Liste arabe unie, lors du rassemblement.

« En compagnie des milliers de personnes qui sont ici aujourd’hui, nous manifestons contre les dangereuses initiatives de l’annexion, de l’apartheid et du transfert », a-t-il ajouté.

Ayman Odeh, chef de la Liste arabe unie, a indiqué que les personnes rassemblées pour le mouvement de protestation répondraient au plan de Trump dans les urnes en votant en masse pour son parti.

« Personne ne nous privera de la citoyenneté de la patrie dans laquelle nous avons vu le jour », a-t-il ajouté.

Le Triangle est un secteur situé au sud-est de Haïfa, à proximité de la ville palestinienne de Jénine, qui comprend 14 villes et villages où vivent plus de 260 000 Arabes israéliens.

Le plan accorde à Israël une grande partie de ce que l’Etat juif a pu chercher au cours de décennies de diplomatie internationale, en particulier le contrôle sur Jérusalem, sa capitale « indivisible » plutôt qu’une ville à partager avec les Palestiniens, qui auraient pour capitale de leur futur État une banlieue de la municipalité – sans la Vieille Ville et sans les quartiers avoisinants si convoités.

Le plan prévoit également que les réfugiés palestiniens ne reviendront pas sur le territoire israélien et que toutes les implantations israéliennes de Cisjordanie seront placées sous souveraineté de l’Etat juif.

Le plan de paix dit « prendre en considération la possibilité – sous réserve de l’accord des parties – que les frontières d’Israël soient redessinées de manière à ce que les communautés du Triangle puissent intégrer l’Etat de Palestine ».

« Ces communautés, qui s’identifient elles-mêmes très largement comme Palestiniennes, devaient à l’origine être confiée au contrôle des Jordaniens pendant les négociations de la Ligne d’armistice de 1949 et elles ont été ultérieurement retenues par Israël pour des raisons militaires qui, depuis, se sont atténuées », dit encore la proposition.

A Umm al-Fahm, une ville située au sommet d’une colline, dans laquelle vivent plus de 50 000 habitants, les résidents disent à l’AFP avoir été consternés par la clause.

« Nous ne prenons pas ça à la légère. La situation est très grave et elle me fait très peur », s’exclame Rosine Zaid. « On ne va pas laisser faire ça », renchérit son amie Lubna Asali.

« Nous sommes prêts à défendre les terres qui sont les nôtres. Nous sommes contre ce projet », affirme pour sa part Abdel, 16 ans.

Il dit soutenir un État palestinien mais dont la capitale sera Jérusalem.

« S’ils veulent nous faire sortir d’Israël alors on veut que Jérusalem nous suive », poursuit-il.

La proposition de Trump, en fait, ne prône pas la relocalisation des résidents du Triangle. Elle changerait plutôt le statut de leurs communautés en en faisant une enclave palestinienne, en la coupant de la Cisjordanie voisine par la barrière israélienne érigée pendant la Seconde intifada sanglante, au début des années 2000.

Les locaux craignent qu’en tant que citoyens palestiniens, ils ne perdent les bénéfices de l’économie prospère de l’Etat juif, de son système de santé et d’allocations sociales ainsi que de la liberté d’entrer en Israël où vivent un grand nombre de leurs proches depuis avant la création du pays, en 1948.

« Nous faisons partie de la minorité arabe en Israël et nous vivons sur notre territoire national », dit Jabareen, membre du Parlement israélien né lui-même à Umm al-Fahm. « Nous refusons ce plan, nous voulons continuer à exister socialement et politiquement ».

« Je suis Arabe, je suis Palestinien et je suis également citoyen de l’Etat d’Israël », continue-t-il, ajoutant qu’il craint que le Triangle ne devienne un « canton » entravé en Israël.

Il affirme que la mise en oeuvre du plan reviendrait à noyer la population arabe en Israël et à effacer son influence. Les Arabes sont actuellement environ 1,8 million au sein de l’Etat juif, représentant à peu près 20 % de la population.

L’ONG arabe israélienne Adallah a également accusé la proposition de chercher à changer la démographie du pays par le biais d’une « séparation à motivation raciale ».

Le président de l’alliance Travailliste-Gesher-Meretz a également critiqué la proposition de paix de Trump, disant qu’il « n’y a rien de plus dangereux que des propos sur le transfert de citoyens arabes israéliens ».

« Nous, en tant que Juifs vivant en minorité dans des pays variés de la diaspora, ne pouvons pas légitimer les discours sapant les droits des minorités sur la base de leur religion », a-t-il expliqué dans un entretien accordé à Kafr Qasim.

Pour sa part, le chef d’Yisrael Beytenu Avigdor Liberman a salué samedi la proposition du plan de Trump au sujet du Triangle, disant qu’il était heureux de constater que la Maison Blanche était prête à adopter une politique que lui-même vante depuis longtemps.

Le député de droite, connu pour ses échanges verbaux avec les législateurs arabes israéliens, a indiqué que sa faction soutiendrait les initiatives d’annexion de certaines parties de la Cisjordanie, même avant les élections du mois de mars, et il a prédit que de telles mesures seraient adoptées si elles étaient présentées au cabinet.

Toutefois, Liberman a déclaré que Netanyahu tentait d’utiliser le plan de Trump comme un instrument pour éviter de traiter « un système de santé qui s’effondre, le déficit budgétaire, la coercition religieuse et la soumission au Hamas ».

Une autre manifestation contre le plan de Trump devait avoir lieu samedi à Tel Aviv, à laquelle les députés de l’alliance Travailliste-Gesher-Meretz et de la Liste arabe unie devaient participer.

 

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