Les militaires américains envisagent plusieurs scénarios d’attaque israélienne pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. «Jamais les échanges entre services secrets américains et israéliens sur l’Iran n’ont été aussi poussés» , a avoué un war planner [planificateur de guerre] du Pentagone. «Mais, dès que la question d’une attaque contre l’Iran arrive sur le tapis, Israël devient mutique et ne laisse rien filtrer de ses projets. C’est le plus grand secret israélien à l’heure actuelle.»
D’après plusieurs hauts responsables du renseignement américain, militaires ou civils, les stratèges du commandement central américain et du Pentagone ont retenu au moins trois hypothèses, dont l’une porte sur une série de raids particulièrement risqués visant le site nucléaire iranien de Fordow. Cette attaque est surnommée l’«Entebbe iranien», en référence à l’opération commando menée par Israël en 1976 en Ouganda pour libérer des ressortissants retenus en otage. Si ce scénario venait à se concrétiser, des commandos israéliens donneraient l’assaut au complexe qui renferme la plupart des centrifugeuses nucléaires du pays, et emporteraient autant d’uranium enrichi que possible, avant de truffer les lieux d’explosifs pour détruire le site après leur départ.
1/ Des bombardements intensifs
La première, et la plus évidente, serait celle d’une campagne de bombardements intensive menée par l’aviation israélienne et ciblant les sites nucléaires stratégiques de l’Iran. Selon un haut gradé américain, cette offensive serait appuyée par des missiles de croisière lancés depuis des sous-marins et par des missiles israéliens de type Jericho II (moyenne portée) et Jericho III (longue portée). Elle pourrait également être précédée ou accompagnée d’une guerre électronique coordonnée.
Si Israël possède 125 chasseurs bombardiers F-15I et F-16I très sophistiqués, seuls environ 25 F-15I peuvent transporter le missile anti-bunker à guidage précis GBU-28. Celui qui a le plus de chances de détruire les installations nucléaires de l’Iran – qui se trouvent sur des sites fortifiés. Et encore, chaque F-15I ne peut transporter qu’une munition à la fois. La force aérienne d’Israël, bien que meurtrière, demeure limitée. L’attaque israélienne impliquerait également des frappes de F-16I contre le réseau de défense aérienne de l’Iran. Ces appareils pourraient en outre larguer des munitions anti-bunker pour renforcer la sortie des F-15I. Quelques-uns de ces F-16I, mais pas tous, pourraient se réalimenter en kérosène auprès des avions ravitailleurs KC-707 (Israël en compte entre sept et dix).
La bombe : Massive ordnance penetrator (GBU-57) a récemment fait son entrée dans l’arsenal américain. Elle peut s’enfoncer à 61 mètres dans du béton armé, avant que sa charge de 2.400 kg n’explose. Le bruit court que l’armée des Etats-Unis n’en détiendraient qu’une vingtaine.
Quant aux Israéliens, Sam Gardiner explique: « seul un bombardier B-2 peut transporter la GBU-57…Or – vous le savez peut-être, mais ça vaut le coup de le rappeler –, Israël ne possède pas de B-2».
2/ Le déroulement de l’opération éclair
Voici comment les officiers américains voient la chose. Les membres de l’unité d’élite israélienne seraient transportés dans trois ou, au maximum, six avions C-130 (d’une capacité de 70 hommes), protégés par un «essaim» de F16I lourdement armés.
Les C-130 atterriraient dans le désert proche de Fordow. Le commando israélien neutraliserait les gardes lourdement armés au niveau du complexe. Ensuite, il pénètrerait dans le site et effectuerait des tirs d’interdiction sur toutes les unités ennemies se trouvant à proximité, avant de prendre possession de l’uranium et de retourner en Israël avec. Avant son départ, le commando détruirait le complexe.
Ainsi, plus besoin de bombardements massifs. «C’est faisable et ils doivent réfléchir dans ces termes»…a souligné l’officier américain haut placé. Les forces spéciales de Tsahal sont le meilleur atout d’Israël.». Le stratège américain qui m’a indiqué l’éventualité de cette opération a tout de même ajouté: «Selon les scénarios , les pertes israéliennes pourraient être très nombreuses en raison de la proximité des divisions des Gardiens de la révolution islamique. Cette opération risquerait d’être assez sanglante».
3/ Un renversement du régime
Moins «exotique», la troisième option est peut-être la plus dangereuse de toute: la «décapitation» du régime. «Les Israéliens pourraient se contenter de déboulonner les dirigeants iraniens», a expliqué le war planner du Pentagone. Mais ils ne pourraient le faire que dans le cadre d’une attaque aérienne ou d’un raid de commando.»
L’inconvénient d’une frappe visant à anéantir le régime, c’est qu’elle ne mettrait pas fin au programme nucléaire de l’Iran. L’avantage, c’est qu’elle déclencherait probablement une réponse iranienne qui viserait des cibles militaires américaines de la région, puisque ce sont les Gardiens de la révolution iranienne qui hériteraient du pouvoir politique. Les officiers américains avec qui je me suis entretenu pensent que ce serait l’un des meilleurs moyens pour Israël de mêler les Etats-Unis à son offensive contre l’Iran – l’Amérique se retrouverait à intervenir dans un conflit qu’elle n’a pas provoqué.
Désormais, Israël nourrit secrètement l’espoir de voir les Iraniens se retourner contre leur régime et, pourquoi pas, provoquer son renversement. « Les manifestations de l’opposition qui ont eu lieu en juin 2009 vont revenir avec plus de force, a prédit le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman. Il va y avoir une révolution de la place Al-Tahrir à la mode iranienne. »
«Obama tentera de dialoguer avec l’Iran» tout en sachant que c’est probablement peine perdue. Le président américain «préférerait que les Israéliens n’attaquent pas [l’Iran] et il n’est pas prêt à assurer la sécurité d’Israël s’il échoue [par la voie diplomatique] et si les Etats-Unis empêchent Israël d’attaquer», ajoute l’article. «Dès lors, bien qu’Israël n’ait pas de feu vert pour attaquer l’Iran, il n’en a pas non plus l’interdiction. La décision revient à Israël. Les Etats-Unis n’aideront pas ni n’entraveront [une attaque israélienne].»
Selon un officier à la retraite très respecté, qui travaille comme consultant pour le Pentagone (et qui s’entretient régulièrement avec des hauts gradés israéliens) : «Si Israël déclenche une guerre, la première réaction de l’Amérique sera d’y mettre fin. D’appeler à un cessez-le-feu. Du reste, ce sera aussi la deuxième et la troisième réaction. Nous ferons tout pour empêcher l’escalade. Nous aurons 72 heures pour le faire. Passé ce délai, impossible de dire ce qui se passera.»
Iran: ce que pensent vraiment les généraux américains d’une attaque israélienne
Slate – Publié le 12/10/2012,
Les militaires américains envisagent plusieurs scénarios d’attaque israélienne pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Une chose est sûre: les Etats-Unis n’«aideraient pas ni n’entraveraient» une opération de leur allié.
Au sein de l’administration Obama, nul ne peut dire avec certitude qu’Israël finira par attaquer l’Iran pour contrecarrer son programme nucléaire. Mais l’état-major américain envisage une multitude d’hypothèses quant à une action militaire israélienne, tout en cherchant à éviter que les Etats-Unis ne se retrouvent impliqués dans un conflit sanglant qui embraserait le Golfe persique.
«Jamais les échanges entre services secrets américains et israéliens sur l’Iran n’ont été aussi poussés» , m’a avoué un war planner [planificateur de guerre] du Pentagone.
«Mais, dès que la question d’une attaque contre l’Iran arrive sur le tapis, Israël devient mutique et ne laisse rien filtrer de ses projets. C’est le plus grand secret israélien à l’heure actuelle.»
Selon ce haut gradé américain, les Israéliens persistent à ne rien vouloir dire de leurs plans, et ce malgré plusieurs demandes émanant du secrétaire à la Défense, Leon Panetta.
Alors que le débat public fait rage, aux Etats-Unis comme en Israël, autour de la possibilité d’une attaque militaire contre l’Iran, les huiles du Pentagone ont dû naviguer «à l’aveugle» et conjecturer sur les décisions de l’Etat hébreu et sur l’impact pour l’armée américaine.
«C’est en quelque sorte de l’ingénierie inverse, a commenté mon contact. Nous examinons leurs moyens matériels et leurs 2
capacités, nous essayons de nous mettre à leur place, d’imaginer ce que nous ferions en pareille situation. Du coup, même si cela reste de l’ordre des hypothèses, nous avons une assez bonne idée de ce qu’ils pourraient ou ne pourraient pas faire.»
Trois hypothèses
D’après plusieurs hauts responsables du renseignement américain, militaires ou civils, les stratèges du commandement central américain et du Pentagone ont retenu au moins trois hypothèses, dont l’une porte sur une série de raids particulièrement risqués visant le site nucléaire iranien de Fordow. Cette attaque est surnommée l’«Entebbe iranien», en référence à l’opération commando menée par Israël en 1976 en Ouganda pour libérer des ressortissants retenus en otage. Si ce scénario venait à se concrétiser, des commandos israéliens donneraient l’assaut au complexe qui renferme la plupart des centrifugeuses nucléaires du pays, et emporteraient autant d’uranium enrichi que possible, avant de truffer les lieux d’explosifs pour détruire le site après leur départ.
Le Centcom, qui supervise les moyens militaires américains au Moyen-Orient, s’est vu confier la mission d’étudier l’éventualité d’une frappe israélienne. D’après différentes sources, au cours de l’année écoulée, ses officiers se sont réunis plusieurs fois au siège de Tampa, en Floride, mais aussi à Doha, au Qatar, où ils ont rencontré des officiers de la cinquième flotte pour discuter de leurs conclusions.
L’analyse militaire des plans israéliens est intervenue en même temps que la controverse autour de l’insistance du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui souhaite que les Etats-Unis imposent à l’Iran une «ligne rouge» en matière de nucléaire, dont le non-respect entraînerait une intervention militaire américaine. Cette polémique n’a toutefois eu aucune répercussion sur le processus.
«C’est un problème politique, pas militaire, m’a expliqué mon contact au Pentagone. Ce n’est pas du tout notre champ d’action. Nous partons du principe qu’Israël peut attaquer à tout moment.»
Israël en a-t-il les moyens?
Pourtant, malgré sa solide réputation militaire, difficile de savoir si Tel-Aviv a les moyens de réussir une telle offensive: il est possible que Netannyahou ne cherche pas seulement l’appui politique des Etats-Unis, mais qu’il ait en réalité besoin qu’ils s’impliquent militairement.
Comme me l’a confié Bobby Ray Inman, amiral à la retraite:
«Toutes ces histoires de ligne rouge et d’ultimatum ne sont qu’un moyen pour les Israéliens de nous faire dire que nous attaquerons avec eux».
Et Sam Gardiner, ancien Colonel de l’Air Force, de renchérir:
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«Au bout du compte, nous pouvons mener des actions que les Israéliens ne pourraient pas envisager, car nous disposons de moyens qu’ils n’ont pas»
.
«Pas question de se lancer dans un conflit pour faire plaisir aux Israéliens.»
Une chose est sûre: selon mes sources, l’état-major américain n’a pour l’heure aucun intérêt à mener une attaque préventive.
«Le scénario d’une offensive conjointe avec Israël est très peu probable, vous pouvez oublier cette hypothèse dès à présent», m’a averti Joe Hoar, ancien commandant au Centcom. Nous ne combattrons pas non plus aux côtés des Israéliens si le conflit éclate, ajoute-t-il.
«On sait que certains dignitaires iraniens, notamment dans la Marine, rêvent d’en découdre avec les Etats-Unis
, a déclaré un ancien officier du Centcom.
Et, s’ils nous cherchent vraiment, ils finiront par nous trouver, mais il n’est pas question de se lancer dans un conflit simplement pour faire plaisir aux Israéliens.»
Résultat des courses, les militaires et le président Obama parlent, pour une fois, d’une seule voix. D’autres problématiques, notamment la situation en Afghanistan, auraient pu les opposer, mais s’agissant de l’Iran, c’est l’unanimité: il faut empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire; il faut éviter que les Israéliens saisissent ce prétexte pour déclarer la guerre; enfin, il est clair qu’une attaque israélienne ne déclencherait pas automatiquement une intervention américaine. Toutefois, pour éviter d’être utilisés par les Israéliens, mieux vaudrait savoir ce qu’ils ont au juste derrière la tête.
Selon trois sources sérieuses issues de l’état-major et du renseignement américain, le Centcom aurait identifié trois grands scénarios si Israël décidait de se lancer dans une action militaire préventive contre l’Iran:
Des bombardements intensifs
La première, et la plus évidente, serait celle d’une campagne de bombardements intensive menée par l’aviation israélienne et ciblant les sites nucléaires stratégiques de l’Iran. Selon un haut gradé américain, cette offensive serait appuyée par des missiles de croisière lancés depuis des sous-marins et par des missiles israéliens de type Jericho II (moyenne portée) et Jericho III (longue portée). Elle pourrait également être précédée ou accompagnée d’une guerre électronique coordonnée.
Cependant, les têtes pensantes du comité des chefs d’états-majors interarmées et du Centcom ont conclu que, du fait des moyens militaires limités d’Israël, une campagne aérienne de cette envergure ne pourrait pas durer très longtemps.
«Ce serait une attaque ponctuelle, ils n’auraient pas les moyens de mener des frappes répétées», a affirmé mon contact au sein de l’armée américaine.
Si Israël possède 125 chasseurs bombardiers F-15I et F-16I très sophistiqués, seuls environ 25 F-15I peuvent transporter le missile anti-bunker à guidage précis GBU-28. Celui qui a le plus de
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chances de détruire les installations nucléaires de l’Iran – qui se trouvent sur des sites fortifiés. Et encore, chaque F-15I ne peut transporter qu’une munition à la fois.
La force aérienne d’Israël, bien que meurtrière, demeure limitée. Il faudrait certainement que l’aviation israélienne fasse une soigneuse sélection de ses cibles. Elle en choisirait très probablement quatre: l’usine de
production d’eau lourde d’Arak, les centres d’enrichissement d’uranium de Fordow et Natanz et le site de conversion d’uranium d’Ispahan. Seraient exclus le site militaire de Parchin et le réacteur nucléaire de Bushehr, qui abritent des ingénieurs russes.
L’attaque israélienne impliquerait également des frappes de F-16I contre le réseau de défense aérienne de l’Iran. Ces appareils pourraient en outre larguer des munitions anti-bunker pour renforcer la sortie des F-15I. Quelques-uns de ces F-16I, mais pas tous, pourraient se réalimenter en kérosène auprès des avions ravitailleurs KC-707 (Israël en compte entre sept et dix).
Retarder l’échéance
Même ainsi, et dans des conditions optimales (temps clair sans vent, ciblage précis, ravitaillement bien huilé, surprise quasi totale, tirs d’interdiction [tirs sur une zone pour empêcher l’ennemi de l’exploiter] de missiles air-air, nombre minime d’accidents et destruction effective des moyens de défense contre avions de l’Iran), les haut gradés américains estiment qu’Israël ne ferait que retarder d’un ou deux ans maximum la capacité nucléaire de l’Iran. L’aviation israélienne ne serait pas en mesure de l’anéantir.
C’est peut-être ce qui explique l’impatience de Benyamin Netanyahou vis-à-vis de l’administration Obama. Il attend de la Maison Blanche qu’elle lui fasse savoir si elle compte participer à des frappes et, si oui, à quel moment. Comme l’explique l’ancien commandant de Centcom, Joe Hoar, sans mâcher ses mots:
«Comparé aux Etats-Unis, Israël N’A PAS d’armée.»
La bombe
Massive ordnance penetrator (GBU-57) a récemment fait son entrée dans l’arsenal américain. Elle peut s’enfoncer à 61 mètres dans du béton armé, avant que sa charge de 2.400 kg n’explose. Le bruit court que l’armée des Etats-Unis n’en détiendraient qu’une vingtaine.
Pas de B-2, pas de GBU-57
Quant aux Israéliens, ils n’en possèdent pas. Sam Gardiner explique:
«Il y a une bonne raison à cela: seul un bombardier B-2 peut transporter la GBU-57.»
Et de poursuivre, après une pause en guise d’effet de style:
«Or – vous le savez peut-être, mais ça vaut le coup de le rappeler –, Israël ne possède pas de B-2»
.
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Un Entebbe iranien
La vraisemblable inaptitude d’Israël à détruire d’un coup d’un seul la capacité nucléaire de l’Iran, même en imaginant le plus favorable des scénarios, a conduit les stratèges militaires américains à élaborer une deuxième option militaire «clé en main», mais extrêmement dangereuse: c’est ce qu’ils appellent un «Entebbe iranien».
Dans ce scénario, les Israéliens renonceraient à une attaque aérienne de grande envergure. Ils orchestreraient plutôt un raid commando à haut risque, mais extrêmement payant. Objectif: parachuter une unité d’élite de Sayeret Matkal à proximité du site d’enrichissement d’uranium de Fordow, près de Qom. Cette unité (ou d’autres unités spéciales du même type), forte de 400 hommes, s’emparerait de l’uranium enrichi et le transporterait jusqu’en Israël.
Le succès d’une telle opération dépendrait d’une série de paramètres, notamment la vitesse d’exécution, la discrétion, la simplicité, et la crédibilité du renseignement israélien.
Selon le
war planner du Pentagone, l’accès d’Israël aux renseignements sur l’armée iranienne et ses politiques est sans précédent. De même que sa volonté de les partager avec les responsables du renseignement américain.
Le déroulement de l’opération éclair
Voici comment les officiers américains voient la chose. Les membres de l’unité d’élite israélienne seraient transportés dans trois ou, au maximum, six avions C-130 (d’une capacité de 70 hommes), protégés par un «essaim» de F16I lourdement armés.
Les C-130 atterriraient dans le désert proche de Fordow. Le commando israélien neutraliserait les gardes lourdement armés au niveau du complexe. Ensuite, il pénètrerait dans le site et effectuerait des tirs d’interdiction sur toutes les unités ennemies se trouvant à proximité, avant de prendre possession de l’uranium et de retourner en Israël avec. Avant son départ, le commando détruirait le complexe.
Ainsi, plus besoin de bombardements massifs. Des hauts gradés américains affirment avoir connaissance de rapports selon lesquels une partie de l’uranium de Fordow est stocké sous forme d’
hexafluorure d’uranium, un composé chimique utilisé durant le processus d’enrichissement. Dans ce cas, le commando n’aurait pas besoin de s’en saisir avant de détruire le complexe.
«C’est faisable et ils doivent réfléchir dans ces termes»
, a souligné l’officier américain haut placé. Les forces spéciales de Tsahal sont le meilleur atout d’Israël.». Le stratège américain qui m’a indiqué l’éventualité de cette opération a tout de même ajouté:
«Selon les scénarios
, les pertes israéliennes pourraient être très nombreuses en raison de la proximité des divisions des Gardiens de la révolution islamique. Cette opération risquerait d’être assez sanglante».
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Sanglante ou pas, les dirigeants israéliens ne devraient pas écarter d’office la possibilité d’une telle opération car, lors d’opérations antérieures, Israël a déjà eu recours à ces unités. Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense, Ehoud Barak, sont d’anciens officiers de Sayeret Matkal.
Le risque d’escalade
En outre, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Benny Gantz (lui-même un ancien de l’unité Sayeret Matkal) a annoncé la formation d’un corps d’élite dédié aux opérations spéciales, qui sera chargé de pénétrer en plein coeur des terrains hostiles pour y mener des attaques. Reste ce douloureux souvenir: celui du colonel Jonathan, le frère de Netanyahou, le seul à être décédé au cours de l’opération Entebbe menée par Israël.
La difficulté d’une opération comme Entebbe, c’est qu’Israël serait contraint de préparer
«une unité de soutien CSAR [recherche et sauvetage au combat] efficace», m’a expliqué un haut responsable des états-majors interarmées. Cela impliquerait de faire atterrir d’autres C-130 transportant des hélicoptères qui pourraient récupérer les commandos en danger ou extraire des équipes dont l’avion a été abattu.
Il faudrait que ces unités CSAR soient déployées dans des pays voisins
«ou qu’elles atterrissent dans le désert irakien», explique ce gradé. La composante CSAR vient compliquer ce qui pourrait être une opération simple, parce qu’elle implique d’autres vulnérabilités: une «échelle» qu’Israël ne souhaite peut-être pas «escalader».
Le pour et le contre
Ce scénario laisse certains militaires sceptiques, à l’image de l’amiral Inman:
«Les Israéliens ont réussi à Entebbe, mais ils ne peuvent pas en faire autant en Iran. J’ai le sentiment que si les Israéliens se mettent à envisager – même théoriquement – cette opération, c’est qu’ils ont conscience que leur première option, les bombardements, échouera. Ils essaient désespérément de se raccrocher à une solution militaire tout en sachant qu’ils n’en ont pas.»
Le colonel Gardiner, lui, est persuadé que cette opération Entebbe bis est tout à fait possible:
«C’est une option qui n’implique aucune escalade; elle est parfaitement viable et pas aussi dangereuse qu’elle en a l’air. Il faut comprendre le but recherché par Israël dans une attaque contre l’Iran. Tout l’objectif consiste à démontrer que Tel-Aviv peut exercer sa puissance n’importe où dans la région. Analysons les choses de ce point de vue. A côté de Fordow, il n’y a pas trois divisions, il n’y en a qu’une, et elle est retranchée. Les Iraniens ne mettraient pas trois heures à riposter, ils mettraient trois jours. Cela me rappelle
Osirak [le réacteur nucléaire irakien qu’Israël a détruit par un raid aérien en 1981]. Les Irakiens étaient les derniers à bien vouloir reconnaître que cette attaque avait été menée par Israël. C’est ce qui se passera pour l’Iran. Les Iraniens seront
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embarrassés. Cette opération est intéressante et elle a du sens. Si elle est simple et si elle est menée avec efficacité et diligence, ça pourrait marcher.»
Un renversement du régime
Moins «exotique», la troisième option est peut-être la plus dangereuse de toute: la «décapitation» du régime.
«Les Israéliens pourraient se contenter de déboulonner les dirigeants iraniens», a expliqué le war planner du Pentagone. Mais ils ne pourraient le faire que dans le cadre d’une attaque aérienne ou d’un raid de commando.»
L’inconvénient d’une frappe visant à anéantir le régime, c’est qu’elle ne mettrait pas fin au programme nucléaire de l’Iran. L’avantage, c’est qu’elle déclencherait probablement une réponse iranienne qui viserait des cibles militaires américaines de la région, puisque ce sont les Gardiens de la révolution iranienne qui hériteraient du pouvoir politique. Les officiers américains avec qui je me suis entretenu pensent que ce serait l’un des meilleurs moyens pour Israël de mêler les Etats-Unis à son offensive contre l’Iran – l’Amérique se retrouverait à intervenir dans un conflit qu’elle n’a pas provoqué.
Comment l’armée américaine riposterait-elle à une attaque de l’Iran?
«Tout dépend, répond le war planner du Pentagone. Si les Iraniens nous harcèlent, on saura gérer. Mais s’ils s’en prennent à l’un de nos navires les plus stratégiques, impossible de dire comment tourneront les choses». Dans tous les cas, les Etats-Unis ne livreraient pas une guerre terrestre de grande envergure et coûteuse contre le régime de Téhéran, mais plutôt une campagne aérienne à base de tirs d’interdiction visant à épuiser les capacités militaires de l’Iran, y compris son programme nucléaire, poursuit le war planner.
En tout état de cause, une campagne de décapitation du régime creuserait le fossé entre l’administration Obama et le gouvernement de Netanyahou. Le discours belliqueux tenu à Tel-Aviv épuise déjà de nombreux hauts gradés aux Etats-Unis. Auparavant fortement solidaires d’Israël, ils en veulent aujourd’hui à Netanyahou, car celui-ci tente de faire pression sur les Etats-Unis pour les pousser vers une guerre dont ils ne veulent pas.
«Notre engagement vis-à-vis d’Israël est très fort. Il l’est d’ailleurs vis-à-vis de tous nos alliés. Beaucoup d’officiers sont fiers de ça,
a affirmé le lieutenant-général retraité Robert Gard.
Mais cet engagement est là pour lui permettre de se défendre. Pas pour qu’il déclenche la troisième Guerre mondiale!»
Les implications d’une intervention américaine forcée
Cela fait quelque temps que les Etats-Unis répugnent à l’idée d’être mêlés à une attaque israélienne contre l’Iran. En mars, le New York Times a publié un long article consacré à une simulation stratégique du Centcom, baptisée
Internal Look, selon laquelle les Etats-Unis seraient «entraînés» dans un conflit au Moyen-Orient à la suite d’une offensive menée par Israël. 8
Ce qui en ressort est jugé
«particulièrement inquiétant» par le général James Mattis, commandant du Centcom. Selon Internal Look, les représailles de l’Iran contre des cibles militaires étasuniennes pourraient provoquer des «centaines de victimes côté américain», notamment si des missiles iraniens touchaient un navire de la marine américaine. Cette simulation, ajoutée aux menaces de Téhéran de fermer le détroit d’Hormuz, a motivé la demande du général Mattis auprès de la Maison Blanche concernant le déploiement d’un troisième porte-avions dans le Golfe.
De l’avis de ses plus proches collaborateurs, le général Mattis, en plus d’être inquiet à propos des Iraniens, s’inquiète aussi de l’attitude d’Israël, dont les tentatives d’intimidation le mettent fortement mal à l’aise. L’analyse d’
Internal Look indique non seulement que les conséquences d’une attaque israélienne seraient imprévisibles, mais elle implique aussi que moins les Etats-Unis en savent à propos d’une attaque israélienne, plus le nombre de victimes américaines serait important. C’est ce que m’a confié une source civile proche du Pentagone: «Moins nous sommes avertis, plus il y aura de morts!»
Obama s’est sérieusement penché sur la question
D’après un autre responsable haut placé au Pentagone, le président Obama et le général Martin Dempsey
«ont discuté en détail» de la possibilité d’une attaque israélienne. Dès l’automne 2011, lorsque Martin Dempsey est passé chef d’état-major des armées, Barack Obama lui a fait savoir que les Etats-Unis n’«aideraient pas ni n’entraveraient» une action militaire israélienne contre l’Iran.
Si cette formule du président, soigneusement protégée, n’a pas filtré dans la presse américaine, les responsables politiques israéliens en ont eu connaissance. De fait, les propos d’Obama avaient été repris en juillet 2009, à peine six mois après son investiture, dans un éditorial très lu du quotidien pro-Netanyahou Israel Hayom.
L’auteur fait savoir qu’
«Obama tentera de dialoguer avec l’Iran» tout en sachant que c’est probablement peine perdue. Le président américain «préférerait que les Israéliens n’attaquent pas [l’Iran] et il n’est pas prêt à assurer la sécurité d’Israël s’il échoue [par la voie diplomatique] et si les Etats-Unis empêchent Israël d’attaquer», ajoute l’article. «Dès lors, bien qu’Israël n’ait pas de feu vert pour attaquer l’Iran, il n’en a pas non plus l’interdiction. La décision revient à Israël. Les Etats-Unis n’aideront pas ni n’entraveront [une attaque israélienne].»
Seulement voilà, l’armée américaine craint que l’Iran ne pense que les Etats-Unis ont cautionné l’attaque de l’Etat hébreu, même si tel n’est pas le cas. C’est pourquoi Téhéran n’hésiterait pas à s’en prendre aux militaires américains présents dans le Golfe. C’est sans doute la raison pour laquelle le patron de l’état-major des armées a déclaré au mois d’août devant un parterre de journalistes londoniens qu’il ne souhaitait pas passer pour le
«complice» d’Israël en cas d’attaque contre l’Iran. 9
Cette remarque a alimenté les spéculations sur un assouplissement de la position de Washington vis-à-vis de Téhéran. Ou sur la pression désormais exercée sur Israël pour qu’il s’abstienne de recourir à la force militaire. En réalité, rien n’avait changé. Le message explicite du général Martin Dempsey adressé à l’Iran était que les Etats-Unis ne cautionneraient pas ni ne contribueraient à une offensive israélienne.
Tel-Aviv et Washington ne sont pas sur la même longueur d’onde
A la suite de la déclaration du général Dempsey, aucune précision ou mise au point d’Obama espérée par Israël n’est arrivée.
«Dempsey était parfaitement conscient de ce qu’il disait, m’a expliqué l’un des hauts gradés du Pentagone, et il n’aurait pas dit ça sans l’approbation de la Maison Blanche.» Il a ajouté, après une pause:
«Tout ce que l’armée déclare doit faire l’objet d’une autorisation. Absolument tout.»
Même en dehors du gouvernement américain, les experts géopolitiques vont dans le même sens.
«Le message de l’administration Obama est remarquablement cohérent», affirme le spécialiste des relations Etats-Unis-Iran et auteur Trita Parsi.
«On nous dit toujours que l’Amérique considère la guerre comme le « dernier des recours », mais en l’occurrence, le président Obama le pense vraiment.»
Robert Gard, le lieutenant-général à la retraite, est du même avis:
«
Pour moi, c’est clair que le président Obama fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher l’Iran d’obtenir une bombe. Mais aucun président ne laissera un autre pays décider à la place de l’Amérique quand elle doit verser son sang. Pas même Israël.»
Israël pourrait être surpris par la réaction américaine
Avec sa réputation de militaire intellectuel, Robert Gard a dirigé plusieurs projets d’officiers à la retraite sur des questions de défense. Il semble qu’il soit un bon baromètre de l’opinion des militaires en service sur un certain nombre de controverses politiques.
«La plupart des militaires de notre armée n’aiment pas l’idée d’une guerre préventive. Or, c’est ce que voudraient faire les Israéliens en attaquant l’Iran.»
George Little, le porte-parole du Pentagone, précise pour sa part:
«Les Etats-Unis sont prêts à toute éventualité relative à des menaces de sécurité au Moyen-Orient. En revanche, il est parfaitement faux de dire que nous avons définitivement entériné ou écarté telle ou telle décision sur des scénarios qui ne se sont pas produits. Par ailleurs, les Etats-Unis et Israël sont totalement d’accord quant à la nécessité d’empêcher l’Iran de se doter d’une arme nucléaire.»
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Selon un officier à la retraite très respecté, qui travaille comme consultant pour le Pentagone (et qui s’entretient régulièrement avec des hauts gradés israéliens), si elle ordonnait une attaque préventive contre les sites nucléaires de l’Iran, l’élite politique israélienne risquerait d’être surprise par la réaction du président Obama et de l’armée américaine. Selon lui:
«Si Israël déclenche une guerre, la première réaction de l’Amérique sera d’y mettre fin. D’appeler à un cessez-le-feu. Du reste, ce sera aussi la deuxième et la troisième réaction. Nous ferons tout pour empêcher l’escalade. Nous aurons 72 heures pour le faire. Passé ce délai, impossible de dire ce qui se passera.»
Mark Perry Traduit par Micha Cziffra
Israël – Iran : jusqu’où ira le poker menteur ?
Sur JEUNE AFRIQUE
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16/10/2012 à 08h:00 Par Maxime Perez, à Jérusalem
Benyamin Netanyahou à la tribune de l’ONU, le 27 septembre. © Sipa
À l’ONU, Benyamin Netanyahou semble avoir déclenché le compte à rebours d’une frappe contre les installations nucléaires de Téhéran. À moins que, d’ici là, un effondrement de l’économie iranienne, fragilisée par les sanctions, ne provoque la chute du régime.
Du discours tant attendu de Benyamin Netanyahou à la tribune de l’ONU, le 27 septembre, beaucoup ne retiennent que le grotesque dessin d’une bombe brandi par le Premier ministre israélien pour expliquer que l’Iran se rapproche dangereusement de son but ultime : l’arme atomique. Son explication, certes simpliste, a suscité l’amusement et inspiré sur la Toile de nombreuses répliques de la « Bibi Bomb ». Ses détracteurs l’ont analysée comme un nouvel exercice de communication politique aussi méprisant que ridicule, et sans réel fondement.
Pourtant, derrière ces appréciations mitigées, l’allocution de Netanyahou avait des allures d’ultimatum, comme si l’avertissement qu’il lançait à la communauté internationale était le dernier avant un passage à l’acte contre Téhéran. Il faut dire qu’après avoir maintes fois tiré la sonnette d’alarme, c’est bien la première fois qu’un leader israélien se risque à définir publiquement une « ligne rouge » sur le dossier du nucléaire iranien ; la première fois aussi qu’une échéance claire semble se profiler à l’horizon.
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L’équation israélienne est la suivante : d’ici au printemps prochain, si la République islamique ne renonce pas à ses activités d’enrichissement d’uranium, elle aura acquis suffisamment de combustible – soit 240 kg – pour fabriquer une bombe ou, plus exactement, faire un usage militaire de l’énergie nucléaire. C’est ce cap fatidique que Benyamin Netanyahou veut empêcher à tout prix l’Iran de franchir, quitte à précipiter l’État hébreu et son allié américain dans un conflit régional dévastateur.
Alarmisme
« Je n’ai jamais renoncé au droit d’Israël d’agir à tout instant, et ce droit est clair aux yeux de tous, confiera-t-il à la télévision israélienne au lendemain de son intervention remarquée à New York. L’Iran se trouve à un certain stade de ses activités d’enrichissement d’uranium, et j’ai transmis le message qu’il était hors de question que l’Iran puisse les mener à leur terme. Nous devons donc arrêter son programme nucléaire avant cela, ce qui, au rythme où vont les choses, ne nous laisse pas beaucoup de temps. »
Tout en maintenant un alarmisme de circonstance, le chef du gouvernement israélien estime avoir rempli ses objectifs en replaçant le dossier du nucléaire iranien au coeur des préoccupations internationales. Netanyahou est-il pour autant crédible et, surtout, a-t-il réellement l’intention de lancer son armée à l’assaut des centrales iraniennes ? Le ton employé le suggère, d’autant que, en fixant une période butoir au-delà de laquelle il sera trop tard pour neutraliser les ambitions nucléaires de Téhéran, le Premier ministre israélien engage plus que jamais sa crédibilité et, au passage, celle de son pays. Par conséquent, à moins d’un étonnant coup de bluff, le voici condamné à joindre in fine les actes à la parole.
Secret bien gardé
Mais il existe une autre grille de lecture de la position israélienne. D’abord, les observateurs noteront que, en repoussant l’heure de vérité au printemps prochain, l’État hébreu éloigne le spectre de frappes préventives avant l’élection présidentielle américaine de novembre, longtemps redoutées par la Maison Blanche. « Des lignes rouges ne mènent pas à la guerre, elles servent à l’empêcher », a martelé Netanyahou à l’Assemblée générale de l’ONU. Dans le cas présent, elles lui seraient utiles pour rallier à sa cause l’administration américaine, en premier lieu le président Barack Obama, pour qui la voie diplomatique n’a pas encore été épuisée.
Jusqu’ici, seul le candidat républicain Mitt Romney a ouvertement défendu l’idée d’une action militaire israélienne contre le régime iranien
. Mais, dans son ensemble, l’appareil sécuritaire américain y reste fermement opposé. En témoigne la dernière étude du très sérieux magazine Foreign Policy, qui, à l’aide des têtes pensantes du Pentagone, démonte un à un les scénarios d’attaque d’une aviation israélienne dépourvue d’appui logistique ou de base arrière proche. De l’avis de très nombreux généraux américains, toute tentative serait vouée à l’échec où, du moins,
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ne causerait que des dommages limités aux installations nucléaires iraniennes pour une prise de risque maximale.
Le président Ahmadinejad dénonce une « guerre cachée » de l’Occident contre Téhéran.- ©
AFP
Parallèlement, tout semble indiquer qu’Israéliens et Américains sont engagés dans une partie de poker menteur. « Le partage de renseignements sur l’Iran est extraordinaire et sans précédent », affirme une source proche du dossier à Washington, tout en admettant une faille, et non des moindres : « Dès qu’il s’agit de plans d’attaque, les Israéliens ne nous communiquent rien. C’est leur secret le mieux gardé. » Du coup, bien que peu disposés à se retrouver engagés dans une nouvelle guerre après leurs délicates campagnes irakienne et afghane, les États-Unis n’ont d’autre choix que de se préparer au pire. En cas d’escalade, leurs troupes stationnées dans les régions du Golfe et du Caucase sont promises à une violente riposte iranienne. Le maintien de trois porte-avions près du détroit d’Ormuz ne paraît pas étranger à cette perspective.
Mais tandis que les spéculations vont bon train, une autre éventualité est évoquée avec insistance : un effondrement brutal de l’économie iranienne. Fortement dépendante du pétrole, celle-ci affiche pour la première fois des signes de fléchissement sous la pression des sanctions occidentales. Ainsi, à en croire un rapport interne du ministère israélien des Affaires étrangères, les exportations d’or noir auraient lourdement chuté au cours du premier semestre 2012, entraînant des pertes colossales évaluées à près de 50 milliards de dollars (environ 40 milliards d’euros). Ce manque à gagner pénalise directement les ressources budgétaires du gouvernement iranien.
Étranglement
Conjuguée à la hausse vertigineuse du chômage, à l’inflation galopante et à la dégringolade du rial à son plus bas niveau historique, cette nouvelle donne écorne sérieusement l’image d’une « économie de résistance » bâtie par les dignitaires du régime pour contourner les sanctions. Le président Mahmoud Ahmadinejad a, dans un premier temps, imputé la crise à une mauvaise gestion des autorités, suscitant des tensions internes qui se seraient cristallisées autour du soutien à la Syrie. Depuis le début de la révolte, pas moins de 10 milliards de dollars ont été accordés à Bachar al-Assad. Mais Ahmadinejad a fini par reconnaître, le 2 octobre, que son pays rencontrait des « difficultés » pour vendre son pétrole en raison de « la guerre cachée » menée par l’Occident contre Téhéran.
À l’évidence, la stratégie d’« étranglement » économique voulue par les Occidentaux semble enfin porter ses fruits. « Nous allons maintenant intensifier les sanctions », a promis un diplomate européen impliqué dans les négociations avec l’Iran, comme pour asséner le coup de grâce à son
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programme nucléaire. Désormais,
Israël nourrit secrètement l’espoir de voir les Iraniens se retourner contre leur régime et, pourquoi pas, provoquer son renversement. « Les manifestations de l’opposition qui ont eu lieu en juin 2009 vont revenir avec plus de force, a prédit le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman. Il va y avoir une révolution de la place Al-Tahrir à la mode iranienne. »
La crainte d’un Tchernobyl iranien
Quels dégâts humains provoqueraient des frappes contre les centrales nucléaires iraniennes ? À cette question largement occultée par le débat public, un rapport scientifique américain donne pour la première fois des réponses alarmantes. D’après le Hinckley Institute of Politics, dans l’Utah, plus de 80 000 Iraniens pourraient être tués, blessés ou contaminés des suites d’un bombardement israélien.
Pour le professeur Khosrow Semnani, qui a enquêté durant deux ans, le danger le plus grave proviendrait de la libération dans l’atmosphère de matières hautement toxiques qu’abritent les sites iraniens. Un risque démultiplié par le fait que la République islamique a dispersé ses installations nucléaires à proximité de grands centres urbains. Ainsi, à Bouchehr, considéré comme l’une des cibles prioritaires de Tsahal, les nuages radioactifs pourraient facilement atteindre les pays du Golfe, voisins de l’Iran. Les populations se retrouveraient alors exposées à des problèmes de santé similaires à ceux rencontrés après la catastrophe de Tchernobyl.