NdlR : le débat fait déjà rage en Israël. Bientôt en France dès la fin de la vaccination ? Les gouvernements peuvent effectivement demander aux entreprises privées de faire le sale boulot à leur place.Privés de travail, ceux qui n’acceptent pas le vaccin – quelle que soit sa marque :-) – ne pourront dès lors ni vendre ni acheter. Apparenté à une démission volontaire, il est peu probable de pouvoir prétendre aux indemnisations chômage.
Salariés vaccinés ou non-vaccinés : les employeurs en pleine confusion. La réouverture de l’économie suppose un équilibre entre santé publique et droits individuels et certains refusent d’être vaccinés. Le gouvernement n’a pas encore pris de décision
« Nous remettons un bracelet vert aux employés qui ont été vaccinés », explique Gil Messing, chef de la communication de l’entreprise dans le monde, au cours d’un entretien téléphonique. « Cela permettra aux employés de se déplacer librement entre les bâtiments, de prendre part aux réunions dans la même pièce – le port du masque reste obligatoire – ou d’utiliser les salles de loisirs ou de yoga. Ils pourront accéder à tous ces avantages qui nous autoriseront enfin à retrouver la vie d’avant la pandémie. Toutes ces salles, qui ont été fermées depuis l’apparition de l’épidémie, ne rouvriront que pour ceux qui ont été vaccinés ou qui ont guéri de la maladie ».
Les employés seront encore néanmoins dans l’obligation de se couvrir le visage, où qu’ils aillent.
Les personnes non-vaccinées ou qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas l’être continueront de leur côté leurs activités en télétravail et, s’ils veulent venir au bureau, ils devront remplir le questionnaire et ils seront soumis à des limitations plus astreignantes.
Mais la compagnie a décidé qu’à partir du 1er avril, seuls les employés ayant été vaccinés pourront s’aventurer dans les bureaux. Les autres continueront leur travail depuis leurs habitations ou ils devront montrer un test PCR négatif lorsqu’ils se rendront dans les locaux de l’entreprise.
La majorité des travailleurs, au sein de Check Point, ont été vaccinés, selon Messing, et ceux qui ne l’ont pas été n’ont seulement pas eu l’occasion de l’être et ne s’opposent pas idéologiquement à l’idée. « L’âge moyen de nos employés est de 34 ans », note-t-il. « Pour encourager ceux qui ne se sont pas encore faits administrer le vaccin, nous pensons à organiser les vaccinations dans nos bureaux ».
Ces règles s’appliquent aux 2 400 employés de Check Point en Israël, poursuit-il. Mais il se pourrait bien qu’elles en viennent à être mises en place dans tous les bureaux de l’entreprise dans le monde, le moment venu. « De nombreuses choses que nous commençons, ici, sont finalement déployées dans toutes nos branches internationales », dit Messing. La firme emploie environ mille personnes aux Etats-Unis, qui sont actuellement en télétravail. 5 400 personnes travaillent, au total, chez Check Point, Israël compris.
Les experts de l’université Hébraïque et les avocats du cabinet Feinberg ont estimé de concert qu’en termes d’évaluation de la santé publique et des droits individuels dans le contexte très spécifique de la pandémie, c’était la préoccupation de la santé publique qui prenait le dessus avec la mise en place de mesures à la fois proportionnées et appropriées.
Ainsi, dans son plan politique, Feinberg a estimé que jusqu’à ce qu’il y ait une législation, les employeurs pouvaient utiliser des « outils proportionnés » pour garantir la sécurité de leurs employés.
Les avocats utilisent le cadre légal pour apporter leurs réponses : Les patrons ont le droit de demander à ceux qui travaillent sous leurs ordres s’ils sont vaccinés ou non parce que cela garantit la sécurité des personnels face à une éventuelle infection par un tiers, et les employés qui refusent de répondre à la question doivent, pour leur part, être considérés comme non-vaccinés.
Il est impossible de laisser l’individu imposer sa volonté au détriment du public
Il est également possible de mettre en place différents arrangements de travail pour les personnes vaccinées ou ayant guéri de la COVID-19 et les autres – comme permettre des réunions en présentiel ou l’entrée à la cafétéria. Il est possible de conditionner l’entrée des employés sur le lieu de travail à la présentation d’un certificat ou d’un test actualisé, comme il est possible de récompenser les personnes vaccinées en leur offrant une journée de congé supplémentaire ou des cadeaux, ont déclaré les avocats.
Les employeurs peuvent aussi installer une salle de vaccination dans les locaux de l’entreprise ou organiser un système de transport vers un centre de vaccination pour les salariés.
« Il y a un mélange de droits – avec d’un côté les droits individuels, qui sont des droits très importants qu’il faut que personne n’entrave et, de l’autre côté, il y a cette nécessité de protéger le public », précise Feinberg.
« Mais il est impossible de laisser l’individu imposer sa volonté au détriment du public », ajoute-t-il. « Si vous pesez le pour et le contre, l’entrave faite aux droits individuels et les droits du public, c’est le public qui l’emporte ».
Ceux qui ne sont pas vaccinés peuvent choisir de travailler de chez eux, continue-t-il, ou fournir un test de dépistage réactualisé à l’employeur toutes les 48 heures s’ils veulent venir au bureau. C’est seulement s’ils ne répondent pas à ces exigences que l’employeur pourra les mettre en congé sans solde et finalement, en l’absence d’une autre solution, qu’ils pourront les licencier sous des conditions spécifiques. Les travailleurs qui sont dans l’incapacité, pour des raisons de santé ou autres, de se faire vacciner doivent, pour leur part, être autorisés à travailler depuis chez eux ou dans un bureau à l’écart au sein de l’entreprise, et il peut leur être demandé de montrer un test de dépistage au coronavirus.
« Nous sommes dans une situation exceptionnelle et extrême », une situation jusqu’alors inconnue dans le droit du Travail, ont écrit les avocats du cabinet Feinberg dans leur avis juridique.
De la même manière que la loi a imposé le port du casque aux motards, entravant leur droit à choisir, une législation similaire doit être établie pour protéger les salariés vaccinés.
« Cette tension existe en permanence – entre les droits de l’individu et les droits du public – pour précisément protéger le public », dit Feinberg. « Une personne à moto, sans casque, deviendra un fardeau pour les fonds publics si elle se blesse ».
Mais les experts de l’université Hébraïque affirment pour leur part qu’aucune nouvelle loi n’est nécessaire et qu’une ordonnance sanitaire publique peut être utilisée pour limiter l’entrée des personnes vaccinées dans des lieux publics ou pour ordonner à des membres spécifiques du même public de se faire vacciner si de telles mesures sont nécessaires pour des raisons médicales ou épidémiologiques. Ces limitations doivent néanmoins être « justifiées et proportionnées, morales et légales », écrivent-ils.
La politique d’immunisation adoptée pour prendre en charge l’épidémie de coronavirus et son impact sont « une affaire de santé publique, et non une affaire médicale qui serait unique et personnelle », disent les auteurs.
L’Ordonnance de santé publique avait été émise en 1940 pour prendre en charge les épidémies et autres menaces graves à la santé publique. Elle offre aux responsables du ministère de la Santé l’autorité nécessaire pour imposer des restrictions aux personnes non-vaccinées, et elle exige même la vaccination dans certains cas.
« En Israël et ailleurs, l’orientation donnée aux réponses à la pandémie a compris de restreindre les droits individuels et la grande question est de savoir quelles restrictions sont justifiées », explique Barak-Corren de l’université Hébraïque. « Le débat n’est pas de forcer physiquement un individu à recevoir le vaccin mais plutôt d’étudier si la société peut mettre en place des règles en faveur des personnes qui ont été vaccinées par rapport aux autres, alors que se profile notamment aujourd’hui la reprise des activités impliquant de grands rassemblements – après une année environ de fermeture ».
« Ce que nous disons, c’est que la pandémie de COVID-19 est un phénomène collectif qui exige une réponse sanitaire et publique coordonnée », ajoute-t-elle. « C’est différent des situations médicales personnelles où chaque personne vit une situation unique et est en droit de décider pour elle-même ce qu’elle veut faire. Une pandémie qui influence simultanément un si grand nombre, qui se développe de façon exponentielle et qui a un effet si large non seulement sur la santé individuelle, mais aussi sur l’économie et sur la santé psychique, nécessite la mise en œuvre de solutions systémiques ».
Le plan politique de l’université Hébraïque est destiné aux ministères de la Justice et de la Santé et il cherche à leur présenter la manière de mettre au point de telles mesures, les desseins qu’elles doivent servir et, de manière plus pragmatique, la façon de garantir qu’elles seront proportionnelles, explique-t-elle.
« Notre plan ne ferme aucunement le débat et il ne résout pas non plus toutes les questions difficiles. Nous ne nous sommes focalisés que sur certaines des questions qui se posent aujourd’hui » alors que la nation se prépare à rouvrir son économie et à un retour à la normale.
L’utilisation de l’Ordonnance de santé publique pour passer à l’acte dans le cadre de la pandémie est simplement « la première démarche nécessaire pour pouvoir justifier les restrictions de la liberté de l’être humain dans le cadre du droit constitutionnel israélien », poursuit Barak-Corren. L’État doit aussi prouver que son intérêt à utiliser l’ordonnance est justifiable et il doit s’assurer que les mesures ne représenteront pas « une restriction démesurée des libertés individuelles ».
Les auteurs de l’article de l’université Hébraïque évoquent quatre desseins qui justifieraient l’usage de l’ordonnance : la préservation de la santé publique ; le rétablissement économique ; l’incitation à la vaccination ; et la responsabilisation des personnes non-vaccinées, qui se trouveraient dans l’obligation de porter le fardeau de leur choix.
Les droits des personnes non-vaccinées doivent néanmoins être
préservés : Elles doivent pouvoir accéder aux activités qui leur sont vitales et répondre à leurs besoins essentiels – aller à la pharmacie ou à l’hôpital, par exemple – et elles doivent être autorisées à assister, quand c’est possible, aux événements en distanciel. Il doit pouvoir y avoir aussi l’option d’entrer dans les espaces publics, autant que c’est possible, en montrant un test de dépistage négatif récent, indique Barak-Corren.