En une nuit, le Mossad vole les archives iraniennes et les ramène en Israël
Un haut responsable israélien déclare au New York Times que le Mossad avait découvert l’entrepôt en 2016 ; Trump a été informé du raid par le chef du Mossad Yossi Cohen
Des espions de l’agence israélienne du Mossad ont découvert l’emplacement top secret d’un entrepôt utilisé pour stocker les dossiers d’armes nucléaires de l’Iran, sont entrés par effraction dans le bâtiment, ont pris une demi-tonne de documents et ont réussi à les faire passer en contrebande en Israël la même nuit, a rapporté lundi le New York Times.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a révélé l’opération audacieuse alors qu’il montrait les documents dans une présentation visant à prouver que l’Iran a menti au sujet de son programme secret d’armes atomiques.
Un haut responsable israélien, qui a parlé sous couvert de l’anonymat pour évoquer la mission secrète, a déclaré au Times que le Mossad avait découvert l’entrepôt en février 2016 et que le bâtiment était sous surveillance depuis lors.
Les agents sont entrés par effraction dans le bâtiment une nuit de janvier dernier, ont retiré les documents originaux et les ont ramenés clandestinement en Israël la même nuit, selon le journal.
Le président américain Donald Trump a été informé de l’opération par le chef du Mossad, Yossi Cohen, lors d’une visite à Washington en janvier dernier.
Le haut responsable a déclaré que le retard dans la publication des documents était dû au temps qu’il a fallu pour les analyser, la grande majorité d’entre eux étant en persan.
Netanyahu a décrit le bâtiment abritant les archives comme un « entrepôt délabré » dans le quartier de Shorabad, au sud de Téhéran.
« C’est là qu’ils gardaient les archives atomiques. Peu d’Iranien connaissaient l’endroit où elles se trouvaient, seules quelques personnes, et aussi quelques Israéliens », a ajouté M. Netanyahu.
« De l’extérieur, ce complexe semblait anodin. On aurait dit un entrepôt en ruines. Mais à l’intérieur, il contenait les archives atomiques secrètes de l’Iran enfermées dans d’immenses conteneurs », a-t-il expliqué.
Il a montré une photo de longues rangées de coffres-forts et a dit que les agents ont réussi à rapporter « une demi-tonne de documents » comprenant 55 000 fiches et 55 000 documents sous forme de 183 CD.
La cache, a-t-il poursuivi, contenait « des documents incriminants, des graphiques incriminantes, des exposés incriminants, des plans incriminants, des photos incriminantes, des vidéos incriminantes et plus encore ».
« Nous avons partagé ces documents avec les États-Unis, et les États-Unis peuvent se porter garants de leur authenticité », a-t-il conclu.
Iran: Les révélations du Premier ministre ne feront changer personne d’avis
Pour les défenseurs de l’accord, l’impressionnante saisie du Mossad confirme ce qu’on savait déjà : l’Iran a un programme nucléaire secret ; mais aucun signataire n’en sera ému
A la fin de son discours, Netanyahu a semblé exprimer l’espoir – sans toutefois le dire explicitement – que le président américain Donald Trump annoncera son retrait de l’accord, le 12 mai.
« Je suis sûr qu’il fera ce qui s’impose. Ce qui s’impose pour les Etats-Unis, ce qui s’impose pour Israël et ce qui s’impose pour la paix dans le monde », a dit le Premier ministre.
Le présentation de Netanyahu, faite majoritairement en anglais, pourrait bien avoir été organisée à l’intention du locataire de la Maison Blanche. Netanyahu a peut-être craint que Trump ne revienne sur ses déicisions quant au retrait de l’accord. Les propos tenus par Trump à la Maison Blanche, peu après, n’ont guère été concluants.
Quoi qu’il en soit, les cinq autres pays qui ont signé l’accord avec l’Iran en 2015 – la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine et la Russie – devraient probablement rester imperturbables à l’issue de la présentation de Netanyahu.
« Tout cela soulève manifestement des questions en ce qui concerne la crédibilité iranienne », a déclaré le diplomate européen au Times of Israel quelques minutes après la fin de la conférence de presse. « Mais nous avons conçu cet accord sur le nucléaire très précisément parce que nous ne faisons pas confiance aux Iraniens, pas parce que nous considérerions qu’ils sont dignes de confiance ».
Ilan Goldenberg, expert sur l’Iran au Centre d’une nouvelle sécurité américaine, a déclaré de manière similaire que ceux sont précisément les mensonges de l’Iran qui ont imposé l’accord sur le nucléaire, connu sous le nom de « Joint Comprehensive Plan of Action » (JCPOA).
« Bien sûr, l’Iran a menti dans le passé sur son programme nucléaire. C’est précisément ce POURQUOI le JCPOA ne les prend pas seulement au mot, mais met en place l’un des régimes d’inspection les plus profonds, les plus intrusifs de l’histoire », a-t-il tweeté.
Tandis que le fait que les Iraniens aient mené un programme nucléaire illicite n’est pas une nouveauté, « il peut y avoir de nouvelles informations précieuses dans les fichiers dont parle Netanyahu », a noté Goldenberg.
« La chose intelligente à faire est d’étudier tous ces renseignements [et], s’il y a des preuves convaincantes d’un comportement problématique, de mettre la pression sur l’Iran ».
Goldenberg a expliqué que les informations glanées par le Mossad – Netanyahu s’est vanté d’une « demi-tonne de matériels », avec notamment 55 000 pages et 55 000 dossiers supplémentaires sur 183 CD – devraient être confiées à l’Agence internationale de l’Energie atomique, qui « enquêterait sur les inquiétudes liées à ces informations avec notamment, si nécessaire, des inspections sur des sites militaires ou tout autre site auquel l’agence devra avoir accès » sur la base des conditions établies par le JCPOA (Netanyahu a précisé qu’il partagerait les renseignements avec l’agence).
Si l’Iran devait refuser l’accès des inspecteurs internationaux aux sites soupçonnés, il y aurait alors un consensus global sur la nécessité de restaurer les sanctions suspendues par l’accord, a déclaré Goldenberg.
Netanyahu, sans aucun doute, répliquerait à la logique de certains diplomates et analystes : Comment pouvez-vous, et pourquoi, passer un marché avec des gens auxquels vous ne faites pas confiance ?
Mais cinq des six pays qui ont négocié et signé l’accord pensaient – et ils pensent encore – que son mécanisme de vérification est suffisant pour garantir que l’Iran se trouve dans l’incapacité de s’échapper et de produire suffisamment de matière fissile pour une bombe nucléaire, au moins pendant la durée de l’accord.
Les Etats-Unis vont probablement se retirer du pacte le mois prochain et réinstaurer des sanctions liées au nucléaire sur la république islamique. Les Européens, les Russes et les Chinois ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne suivraient pas le mouvement. C’est d’autant plus vraisemblable que la conférence faite par Netanyahu n’a en rien modifié leur état d’esprit.