Vers une bataille navale US/IRAN au large du Yémen ?

Anthony N. Hilkowski (US NAVY/AFP)Yémen: le convoi de bateaux iraniens a fait demi-tour (Marine US)

La coalition menée par l’Arabie saoudite a poursuivi jeudi ses raids contre les rebelles chiites

Anthony N. Hilkowski (US NAVY/AFP)« USS Theodore Roosevelt dans le Golfe d’Aden »

Le convoi de bateaux iraniens soupçonné par les Américains de transporter des armes pour les rebelles chiites du Yémen a fait demi-tour, ont indiqué jeudi des hauts responsables américains.  « Ils ne sont plus sur la même route », a indiqué l’un de ces responsables, précisant que le convoi se trouvait au sud de Salalah (sultanat d’Oman). Mais les bateaux, qui progressent lentement, « peuvent à tout moment » reprendre leur cap vers le Yémen, selon cette source, précisant que les Américains « surveillaient de très près » ce convoi.

« Nous souhaitons que l’Iran contribue clairement à la désescalade » au Yémen en éloignant ces navires sans ambiguïté, a ajouté ce responsable. Le convoi iranien est composé de neuf navires, dont deux patrouilleurs armés.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 14 avril une résolution qui impose un embargo sur les armes destinées aux rebelles houthis au Yémen. Après la découverte de ce convoi, les États-Unis ont renforcé leur présence navale dans la région, amenant notamment près des côtes du Yémen le porte-avions Roosevelt qui se trouvait dans le golfe Persique. Neuf navires de combat et trois navires de soutien américains se trouvent dans la zone s’étendant du sud de la mer Rouge au golfe d’Aden et au nord de l’Océan indien.

Les raids se poursuivent

Par ailleurs, la coalition menée par l’Arabie saoudite a poursuivi jeudi ses raids contre les rebelles chiites au Yémen, au moment où l’ONU annonçait la nomination d’un nouveau médiateur, chargé de mettre fin à un conflit qui a déjà fait plus de 1000 morts.

Le Mauritanien Ismaïl Ould Cheikh Ahmed remplacera le démissionnaire Jamal Benomar, critiqué par les partisans du président yéménite en exil Abd Rabbo Mansour Hadi et leurs alliés du Golfe. Sa nomination sera effective lundi si aucun pays du Conseil de sécurité ne s’y oppose. Mais la reprise de pourparlers sous l’égide des Nations-Unies, ce que souhaitent les rebelles chiites Houthis, ne pourra se faire qu’après un arrêt total des frappes, ont prévenu ces derniers.

Or deux jours après l’annonce par Riyad de la fin de la campagne aérienne déclenchée le 26 mars, les raids continuent. Dans la nuit puis jeudi, ils ont touché pratiquement toutes les zones où les rebelles sont présents: près de la capitale Sanaa (nord), à Hodeïda (ouest) et près d’Aden (sud), où des affrontements opposent toujours rebelles et combattants fidèles au président Hadi, selon des témoins. Dans cette grande ville du sud, six personnes ont été tuées et 56 blessées en 24 heures de combats, a affirmé jeudi à l’AFP un responsable de santé. À Dhaleh, au moins 23 rebelles chiites ont été tués jeudi par des frappes de la coalition arabe, selon un bilan d’un responsable local qui n’a pas pu être confirmé de source indépendante. Un peu plus au nord, à Taëz, un responsable de la Croix-Rouge a indiqué à l’AFP qu’une de ses équipes avait retrouvé les corps de dix soldats après la prise mercredi par des rebelles d’un camp de militaires pro-Hadi.

Geste agressif

Jeudi soir, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement yéménite en exil a accusé Téhéran, qui soutient les Houthis, d’essayer de « violer le blocus maritime » imposé au Yémen pour empêcher que des armes ne parviennent aux rebelles. En annonçant la fin des frappes mardi, le gouvernement saoudien avait précisé qu’il maintenant ce blocus et qu’il se réservait la possibilité d’intervenir de nouveau si des mouvements rebelles se faisaient menaçants. Les développements depuis 48 heures prouvent que « les conditions objectives d’un véritable cessez-le-feu ne sont pas réunies » et que « la guerre n’est pas finie », a estimé l’analyste émirati Abdelkhaleq Abdulla. La poursuite des raids suscite par ailleurs des interrogations sur les raisons qui ont poussé l’Arabie saoudite à annoncer la fin de la campagne aérienne. Les spéculations vont bon train à ce sujet.

Certains mettent en avant des pressions internationales en raison des nombreuses victimes civiles du conflit, d’autres des conseils amicaux de pays occidentaux alliés de Riyad pour l’amorce d’un règlement politique et d’autres encore évoquent des négociations en coulisse qui ont déjà commencé avec des parties yéménites.

Plus de 1000 morts

L’Arabie saoudite a fait l’objet de nombreuses critiques à propos du coût humain des raids, dont celles de Human Rights Watch, qui a demandé jeudi une enquête sur les bavures présumées de la guerre.  L’Organisation mondiale de la santé a fait déjà état d’un bilan de 1080 morts et 4352 blessés – civils et militaires – depuis le 19 mars.

« Le prix à payer par les civils est immense », a dénoncé depuis Genève le coordinateur humanitaire de l’ONU au Yémen, Johannes Van Der Klaauw. Face à la situation humanitaire, l’ONU, qui avait évacué son personnel étranger, prévoit de le redéployer sur place « ces prochains jours », a annoncé M. Van Der Klaauw.

Au plan diplomatique, le premier ministre du Pakistan, pays qui a pour le moment refusé de s’associer à l’intervention militaire de la coalition arabe, a été reçu jeudi par le roi Salmane et a exprimé sa « solidarité » avec l’Arabie saoudite. Un responsable pakistanais s’exprimant sous couvert de l’anonymat indiqué à l’AFP que la décision du Parlement pakistanais rejetant la demande d’aide militaire de Riyad dans le cadre des opérations de la coalition au Yémen n’était « pas du tout » un point de discorde entre les deux pays, qui sont des alliés de longue date et cultivent une relation « très mûre ».

Au plan régional, la Somalie, déjà gravement déstabilisée par des islamistes radicaux, a dit craindre les retombées de ce conflit. « Notre économie ne peut supporter cet afflux de réfugiés » venus du Yémen, a déclaré à le premier ministre somalien Omar Abdirashid Ali Sharmake.

Le marché pétrolier a lui aussi été sensible au risque d’escalade au Yémen, les cours rebondissant jeudi à New York pour clôturer à 57,74 dollars le baril.

MISE EN PLACE D’UNE COLLISION NAVALE IRANO-AMÉRICAINE DANS LE GOLFE D’ADEN

US Iran

 

Les États-Unis et l’Iran sont en route vers une confrontation navale directe au Yémen après l’annonce du lundi soir que l’USS Theodore Roosevelt, connu sous le nom « The Big Stick», faisait son chemin vers le golfe d’Aden pour rejoindre la force navale américaine comprenant neuf navires de guerre afin d’intercepter des navires iraniens transportant des armes pour les rebelles Houthi au Yémen. L’attaque du Groupe Roosevelt 12 a été dépêchée du golfe Persique pour parer à une armada navale iranienne de 8 à 9 vaisseaux en route vers le golfe d’Aden chargés de réserves militaires fraiches destinées aux rebelles.

Le transporteur Roosevelt est accompagné de destroyers de la marine américaine et d’autres navires, dont le croiseur lance-missiles USS Normandy. Les navires de guerre américains transportent des équipes capables de monter à bord de navires afin d’y opérer des recherches liées à la livraison d’armes iraniennes, conformément aux résolutions de l’ONU.

L’arrivée de porte-avions fera monter d’un cran le partenariat actif de l’Amérique dans le blocus mené par l’Arabie saoudite et l’Égypte sur les rives yéménites. Elle soulignera la volonté de Washington de devancer toute tentative de navires de guerre iraniens de briser ce blocus, ainsi que l’implication profonde des États-Unis contre les forces rebelles soutenues par l’Iran au Yémen.

Des sources haut placées à Washington craignent que les flottes américaines, saoudiennes et égyptiennes accumulées dans le golfe d’Aden ne tombent sous les attaques des navires de guerre iraniens dans leurs tentatives de décharger des réserves militaires à terre pour les rebelles.

Le 10 Avril, DEBKAfile évoquait la possibilité d’une collision irano-Arabie saoudienne en mer, après que le porte-parole de l’armée saoudienne, le Brig. Général Ahmad Al-Assiri, avait prévenu : « Les navires iraniens ont le droit d’être présents dans les eaux internationales, mais ils ne seront pas autorisés à entrer dans les eaux territoriales yéménites ». Le même jour, Washington avait annoncé que l’US Air Force avait entamé des missions de ravitaillement en vol aux forces de la coalition dirigées par l’Arabie saoudite afin d’effectuer des frappes aériennes et d’enrayer les progrès des rebelles Houthi.

Le lundi, 20 Avril le chargé d’affaires saoudien à Téhéran a été convoqué au ministère iranien des Affaires étrangères en protestation contre les bombardements aériens de l’Arabie saoudite d’un quartier dans la capitale Sanaa mitoyen à l’ambassade d’Iran. Il n’y eut pas de blessés mais le bâtiment a été endommagé. L’Arabie saoudite a déclaré que son objectif était d’atteindre le plus grand arsenal d’armes Houthi dans la ville, lequel se situe près de l’ambassade iranienne.

Cette protestation a été indirectement adressée à Washington aussi, puisque les États-Unis ne font aucun secret du renfort de renseignement fourni à l’armée de l’air saoudienne afin de contribuer à la précision de leurs attaques qu’ils approuvent de facto.

 

 

(Avec AFP)

 

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