Transition énergétique : le troisième choc pétrolier a commencé

Par Michel Janva
Transition énergétique : le troisième choc pétrolier a commencé

Cette fois c’est probablement malheureusement la bonne. L’explosion des prix du gaz et les nombreuses tensions autour de cette énergie carbonée, jusqu’ici restée dans l’ombre du tout puissant pétrole, révèle que le délicat mix énergétique mondial, déjà en surchauffe, est au bord de l’explosion.

Jean-Baptiste Giraud est directeur de la rédaction d’EconomieMatin.fr, et auteur de « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru le 16 septembre chez Ring. Le troisième choc énergétique fait l’objet de tout un chapitre de l’ouvrage, co-rédigé avec l’économiste et universitaire Jacques Bichot.

Depuis que la transition énergétique s’est invitée dans le débat politique, c’est toujours la même histoire. Le noir pétrole est systématiquement opposé à la lumineuse électricité, l’un devant céder sa place à l’autre pour sauver la planète, et fissa encore. Entre les deux, comme des cousins lointains dont on aurait honte, le gaz et le charbon sont priés de rester cachés derrière les nuages de vapeur ou de fumées noires des cheminées d’usines qu’ils alimentent.

Pourtant, dans le mix énergétique mondial, gaz et charbon occupent une place de choix. 25 % pour le premier, et 27 % pour le second. Autrement dit, plus de la moitié du total des énergies consommées dans le monde ! Mais on n’en parle pas ou très peu, du moins en France.

Pourquoi ?

TOUT LE MONDE CONFOND ENERGIE ET ELECTRICITE

Parce que chez nous, en France, l’électricité est d’abord nucléaire. 72,6 % d’après le dernier pointage du ministère de la Transition écologique, n’en déplaise aux verts de toutes les nuances, contre 8,6 % d’électricité produite avec du gaz, et un tout petit peu de charbon et de fuel.

Et à cause de cela, la plupart des intervenants dans les débats consacrés à la transition énergétique confondent justement énergie, et électricité. Et donc, ils opposent toujours le pétrole à l’électricité, comme si la seconde allait remplacer le premier. En France donc, mais aussi partout dans le monde !

C’est malheureusement totalement impossible, ce n’est même pas une utopie.

A l’instant où vous lisez ces lignes, la quasi-totalité de ce qui vole ou roule dans le monde utilise du pétrole, sous ses différentes formes raffinées. Le charbon et le gaz sont quant à eux omniprésents dans l’industrie, mais servent aussi à chauffer, à parité avec le fuel. Et l’électricité dans tout cela ? On pourrait caricaturer en disant qu’elle éclaire, anime les ascenseurs, les lave-linge, les réfrigérateurs et les data-centers. Et les box Internet. Les trains et les voitures électriques ne sont pas la norme, mais l’exception, toujours à l’échelle de la planète. Seuls les Français (un bon tiers) se chauffent à l’électricité, un accident (nucléaire) de l’histoire de l’énergie mondiale. Et une aberration totale, qui panique un peu plus les ingénieurs d’EDF tous les hivers, dès que la température s’installe sous zéro.

L’EXPLOSION DES PRIX DU GAZ, UN SIGNAL D’ALARME

Que nous dit en réalité l’explosion des prix du gaz, contre laquelle le gouvernement tout entier va se dresser pour préserver-le-pouvoir-d’achat-des-Français-? Non pas que cette ressource est devenue rare : elle est au contraire abondante. On parle en centaines d’années pour les réserves de gaz. Mais ce qui fait son prix, c’est l’impérieuse nécessité d’avoir stocké suffisamment de gaz pour passer l’hiver. Et quand tout le monde stocke et même sur-stocke en même temps, ça ne passe pas, ça casse.

La Chine a acheté deux fois plus de gaz cette année que l’an dernier, et pourtant, elle est obligée de couper l’éclairage urbain sur des pans entiers de son immense territoire, et de contraindre des milliers d’entreprises à ralentir ou arrêter leurs chaînes de fabrication, là encore en leur coupant l’électricité. Électricité produite, vous l’avez compris, essentiellement par du gaz, ou du charbon, qu’elle importe également en quantités astronomiques.

Si la Chine, la deuxième économie mondiale mais la première usine du monde, alors que l’hiver n’ a pas encore débuté, est déjà en manque d’énergie, cela signifie que l’humanité dans son ensemble va manquer en même temps d’énergie, au moment où les uns après les autres, les pays industrialisés frappés par la pandémie sortent de la crise sanitaire.

L’explosion des prix du gaz est donc un signal avancé des tensions à venir sur le pétrole, le charbon, et donc, bien évidemment, l’électricité. Quand on parle d’énergie, qui dit tension, dit hausse des prix, ou rationnement, ou les deux. C’est pour cela que l’on peut dire aujourd’hui : nous sommes probablement au seuil d’un troisième choc, mais cette fois, pas pétrolier, mais énergétique, car global.