Présenté à la veille de la clôture, dimanche 27 octobre, de l’assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Amazonie, le document final du Synode reprend largement ces cris des peuples amazoniens face à la destruction de leur territoire et de leurs cultures.
Voulant donner un « visage amazonien » à l’Église locale, il réfléchit sur des ministères laïcs ouverts aux hommes comme aux femmes, et va jusqu’à solliciter la possibilité d’ordonner prêtres des diacres mariés, mais sans oser demander le diaconat féminin.
« Prions pour demander la grâce de savoir écouter le cri des pauvres : c’est le cri d’espérance de l’Église. » Dans son homélie de clôture du Synode des évêques sur l’Amazonie, le pape François a clairement fait référence, dimanche 27 octobre, à ces cris venus de l’Amazonie qui, pendant trois semaines au Vatican, ont résonné au cœur de la chrétienté.
Cri de la terre, d’abord. De cette « beauté blessée et déformée » de l’Amazonie, « lieu de douleur et de violence » où « les attaques contre la nature ont des conséquences sur la vie des peuples ». « La forêt amazonienne est un “cœur biologique” pour cette terre de plus en plus menacée. Il est dans une course effrénée vers la mort », insiste d’emblée le document final, présenté samedi 26 octobre dans la soirée.
Cri des pauvres, ensuite, dont le Synode n’aura cessé de relever qu’ils sont en première ligne face à la destruction de la Création. Le texte final dresse la longue liste des déprédations dont est victime la population amazonienne
Et alors que les images des « martyrs » qui ont donné leur vie pour défendre les droits des peuples autochtones ont été affichées pendant tous les débats dans l’aula synodale, les pères synodaux s’engagent résolument aux côtés des défenseurs des droits de l’homme, s’indignant de leur « criminalisation » et de « l’attitude vorace et prédatrice » de l’homme dans la région.
Pour répondre à ces cris, ils invitent à une « véritable conversion intégrale, avec une vie simple et sobre » et proposent « de définir un péché écologique » vu « comme une action ou une omission contre Dieu, son prochain, la communauté et l’environnement » : « un péché contre les générations futures qui se manifeste par des actes et des habitudes de pollution et de destruction de l’harmonie de l’environnement, des transgressions contre les principes d’interdépendance et la rupture des réseaux de solidarité entre les créatures ».
Au fil des pages, l’Église se veut ainsi « amazonienne, samaritaine, incarnée dans la manière dont le Fils de Dieu s’est incarné », selon les mots du Pacte des catacombes renouvelé quelques jours plus tôt par une partie des pères synodaux attachés à faire valoir la voix des plus faibles contre les nombreuses oppositions, y compris dans l’Église où certains n’ont eu de cesse de dénigrer un Synode « politique ».
« Parce qu’ils n’aiment personne, ils croient aimer Dieu »
Dans un discours improvisé après le vote du document final, François a répondu à ces « petits groupes élitistes », citant Charles Péguy sur les dévots : « Parce qu’ils n’ont pas le courage d’être d’un des partis de l’homme, ils croient qu’ils sont du parti de Dieu. Parce qu’ils ne sont pas de l’homme, ils croient qu’ils sont de Dieu. Parce qu’ils n’aiment personne, ils croient aimer Dieu. »
En clôture du #SinodoAmazonico @Pontifex met en garde contre les « petits groupes » qui se prennent pour une « élite » catholique, se concentrent sur « les petites choses » et oublient l’important. 1/3 pic.twitter.com/x6C02FF4Mm
Lundi 21 octobre, des statuettes indigènes symbolisant la fécondité avaient été dérobées d’une exposition organisée dans une église proche de Rome en marge du Synode, puis jetées dans le Tibre. Acte contre l’« idolâtrie » selon certains intégristes ; expression du mépris des cultures amazoniennes et de la façon dont elles se tournent, à leur manière, vers le Dieu unique, pour les spécialistes des théologies indigènes.
Dans son homélie, François, qui avait demandé pardon vendredi 25 octobre pour ce geste, a quant à lui critiqué ceux qui considèrent les autres « rétrogrades et vils », « méprisent leurs traditions, effacent leurs histoires, occupent leurs territoires, usurpent leurs biens ».
Inculturation
« Que de prétendues supériorités qui se transforment en oppressions et en exploitations, même aujourd’hui ! Les erreurs du passé n’ont pas suffi pour qu’on arrête de détruire les autres et d’infliger des blessures à nos frères et à notre sœur terre », s’est-il indigné, dénonçant « la religion continue du moi, hypocrite avec ses rites et ses “prières” » mais qui « oublie le vrai culte à Dieu qui passe toujours par l’amour du prochain ».
Si la messe de clôture était bien peu « inculturée », le sujet a été très développé par le document final du Synode qui, liant « défense de la vie, de la terre et des cultures indigènes », rejette « une évangélisation de style colonial » et veut « aborder les peuples amazoniens sur un pied d’égalité, dans le respect de leurs histoires, de leurs cultures et de leur style de “bien vivre” ». D’où une vigoureuse défense de l’inculturation vécue comme « l’incarnation de l’Évangile dans les cultures indigènes et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Église ».
Ordination d’hommes mariés mais prudence sur le diaconat féminin
Mais un des grands cris du Synode aura aussi été celui du manque de pasteurs. « Il faut parfois des mois, voire des années, avant qu’un prêtre ne puisse retourner dans une communauté pour célébrer l’Eucharistie, offrir le sacrement de réconciliation ou oindre les malades », reconnaît le document final qui propose donc d’« ordonner prêtres des hommes idoines et reconnus par la communauté, qui ont un diaconat permanent fécond et reçoivent une formation adéquate au presbytérat, pouvant avoir une famille légalement constituée et stable ».
Dans son discours, François s’est gardé de se prononcer, plaidant surtout pour une meilleure répartition des prêtres en Amérique latine et lançant l’idée que les futurs diplomates du Saint-Siège passent, pendant leur formation, « au moins un an » au service d’un diocèse de mission.
Bien conscient que l’ordination d’hommes mariés n’est pas une solution miracle, le Synode l’articule dans une réflexion plus large sur les ministères, notamment laïcs, dont il demande l’égale ouverture aux hommes et aux femmes (à commencer par le lectorat et l’acolytat). Il invite aussi à en créer de nouveaux : accueil des migrants, soin de la maison commune, « ministère institué de femme leader de communauté »… Il faut être « créatif » et « voir jusqu’où on peut aller », a estimé François.
« L’Église veille à ce que nous ne nous divisions pas. N’ayez pas peur ! »
Néanmoins, alors que la moitié des carrefours linguistiques l’avaient expressément demandé, le Synode est resté très prudent sur le diaconat féminin, se contentant de demander la relance de la commission instituée en 2016 par François et qui s’était séparée sans position commune. « En coopération avec la Congrégation pour la doctrine de la foi, je nommerai de nouvelles personnes », a assuré samedi 26 octobre le pape, qui n’a pas non plus rejeté la réflexion sur un rite propre « qui exprime le patrimoine liturgique théologique disciplinaire et spirituel de l’Amazonie ».
Son étude serait confiée à un nouvel organisme faisant le lien entre les diocèses d’Amazonie, les conférences épiscopales et le Conseil épiscopal latino-américain (Célam). « N’ayons pas peur des organismes qui administrent leur propre patrimoine. Notre Mère l’Église veille à ce que nous ne nous divisions pas. N’ayez pas peur ! », a exhorté François à qui il appartiendra, de toute façon, de trancher dans l’exhortation apostolique post-synodale qu’il publiera dans quelques mois. « Enfin », a-t-il souri samedi soir, « tout dépend si je trouve le temps de réfléchir. »
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Le Synode entre dans sa troisième phase
15 octobre 2017. À l’angélus, le pape François annonce son intention de convoquer un Synode pour l’Amazonie.
19 janvier 2018. Lors de sa visite à Puerto Maldonado, en Amazonie péruvienne, François lance officiellement laphase préparatoirede ce synode.
8 juin 2018. Un document préparatoire est diffusé, permettant une large consultation en Amazonie qui aboutit, le 17 juin 2019, à la publication du document de travail, base des discussions de l’assemblée.
Du 6 au 27 octobre 2019. L’assemblée spéciale du Synode des évêques pour l’Amazonie se tient au Vatican. C’est la phase célébrative du Synode, sur le thème « Nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale ».
Désormais commence la phase d’application du Synode, qui sera notamment marquée par la publication de l’exhortation apostolique post-synodale, annoncée samedi 26 octobre par François, et sa mise en œuvre dans l’Église.
Le synode de l’Amazonie ou l’adoration de la forêt
Mais plus préoccupant encore que ce retour sous une autre forme de la théologie de la libération est l’entrée en force du syncrétisme dans cettereligion vieille de deux millénaires. Jamais comme aujourd’hui on n’a fait l’éloge du paganisme. Il suffit de parcourir la table de matière de ce document pour s’en rendre compte . Il y est question de « conversion écologique », de « conversion intégrale », de « conversion ecclésiale en Amazonie », alors que l’Église a pour mission de prêcher la conversion à Christ.Le document de travail du synode (« Instrumentumlaboris »)contient sept fois le terme « Mère » , et dans un langage tout à fait étranger à la Bible, indiqueque le Saint Esprit a enseigné à ces peuples la « foi en Dieu Père-Mère Créateur ».
Selon son chef, l’Égliseromaine, au lieu de l’évangélisation historique, doit, dans le cadre d’un dialogue interculturel, se limiter à échanger oralement avec les indiens et prendre en compte leur croyances ancestrales y compris leur déesse Pachamama, déesse à qui le président Bolivien, Evo Morales, sacrifie des lamas. Ce même personnage est parvenu à convaincre les Nations Unies qu’il fallait adopter la « journée internationale de la Terre nourricière ».En 2016, cette journée du 22 avril a d’ailleurs été très symboliquement choisie pour ouvrir le processus de ratification de l’Accord de Paris sur le changement climatique, montrant par-là que cette politique donne aussi une place d’honneur à ladivinitépaïenne, étrangère au christianisme.
Il semble donc que, selon le Vatican, les tradition et religions autochtonesont préséance sur la Bible et sur la tradition catholique romaine.D’ailleurs, les missionnaires catholiques en Amazonie ne prêchent plus la conversion à Christ, mais « accompagnent » les indigènes. Le missionnaire Corrado Dalmonego, qui vit avec des indiens depuis 11 ans et les connaît donc bien, estime que ces autochtones peuvent « avec l’expérience de leur propre religiosité, de leur spiritualité, aider l’Église elle-même à se purifier des schémas, des structures mentales qui sont peut-être devenues obsolètes e inadéquates ». Sa mission se vante d’ailleurs de n’avoir baptisé aucun indien en 53 ans . Pour ce « missionnaire », il n’est pas nécessaire d’abandonner la foi catholique romaine, il s’agit simplement de s’approprier autre chose. Étant conscient de la limite qu’il franchit, à ceux qui pourraient l’accuser de syncrétisme, de relativisme, il répond « nous ne sommes pas maîtres de la vérité« . N’est-ce pas étrange qu’un missionnaire ne connaisse pas la phrase limpide du Christ à ce sujet, rapportée par l’Apôtre Jean ‘je suis le chemin, et la vérité, et la vie, nul ne vient au Père que par moi’ (14:6) ?
En droite ligne de son encyclique Laudato Si’, le Pape veut que ce synode mette l’environnement au cœurde la doctrine de l’Églisecatholique romaine, alors que rien – ni dans l’Ancien testament et encore moins dans le Nouveau – ne fait écho aux préoccupations environnementales qui nous assaillent de touscôtés. François prétend imposer la nature sauvage de l’Amazonie comme modèle pour le reste du monde, puisque là-bas, les populations autochtones l’auraient– selon lui – préservée. Puisque l’Amazonie est vaste, et s’étend sur neuf pays d’Amérique du Sud, on lui pardonnera de dire, d’une part, qu’elle doit être notre modèle et d’affirmer, d’autre part, aussi que « l’Amazonie est aujourd’hui une beauté blessée et défigurée, un lieu de douleur et de violence ». Comme tout bon écologiste, pour faire peur, il transforme une vérité locale en paradigme général. Non ! Toute l’Amazonie n’est pas blessée, brulée, attaqué. Et elle est loin d’être « pristine », comme de nombreux travaux l’ont montré.
L’objectif de ce Pape est de mettre fin à l’économie de marché comme le désirait la théologie de la libération. Le document du synode déclare que « la forêt n’est pas une ressource à exploiter, mais un être ou des êtres auxquels se rapporter».On peut mieux comprendre pourquoi beaucoup s’en sont pris dernièrement au président Brésilien, Jair Bolsonaro, car ce document, préparé bien avant les incendies actuels, fustige « la destruction sous de multiples formes de [ …] de l’environnement, […] l’abattage et le brûlage des arbres, la perte massive de la biodiversité, la disparition des espèces ». De nouveau, faisant del’amalgame, le document estime que « le territoire »,sans préciser quel pourcentage de la forêt amazonienne, « s’est transformé en un lieu de désaccords et d’extermination des peuples, des cultures et des générations. »Et sans rire,ils osent comparer « le cri de douleur de l’Amazonie […] au cri du peuple en esclavage en Égypte que Dieu n’abandonne pas : « J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, j’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens » (Ex 3, 7-8) ». On frise le blasphème.
Pour Instrumentum laboris « La clameur amazonienne » retentit parce que des « forces avides de pétrole » risquent de transformer la forêt en savane….Un bel exemple d’hyperbole ! Le Brésil a en effet découvert des énormes gisements pétroliers….mais au large de Rio de Janeiro. Il est piquant de noter que le plus grand de ces gisements en préparation pour l’exploitation porte le nom du Président …. socialiste Brésilien Lula, qui est en prison pour corruption, précisément dans le cadre de la gestion de ces exploitations pétrolières.
Revenons à la forêt. Le document prétend que «l’abattage massif des arbres, l’extermination de la forêt tropicale par des incendies intentionnels, l’expansion de la frontière agricole et des monocultures sont les causes qui déclenchent les déséquilibres régionaux climatiques actuels, avec des répercussions évidentes sur le climat global et des conséquences aux dimensions planétaires telles que les grandes sécheresses et inondations toujours plus fréquentes. »Cette déclaration est aussi peu scientifique que celle du Pape François qui, dans le même paragraphe, qualifie le bassin de l’Amazone de « poumon de la planète ».
Le Pape ignore, ou feint d’ignorer, que l’Europe était, elle aussi, une vaste forêt qui a été défrichée essentiellement par les moines au Moyen-Âge par la pratique de l’essartage. A partir du XIIIème siècle,les seigneurs d’une terre la mettaient à disposition desecclésiastiques pour la défricher avec, comme compensation l’obligation de construire une église sur ce qui devenait un « essart » ou « sart ». Les moines cisterciens ont été les spécialistes de l’essartage. Il en est resté des noms propres, comme, par exemple, Charlotte des Essarts. Beaucoup de toponymes ont conservés le souvenir de ces défrichements qui ont formés nos territoires : rien qu’en Belgique on peut citer Sart-les-Spa, Sart-Bernard, Sart-Dame-Avelines, Lambusart, Sart-la-Buissière, Sart-Eustache, Sart-Saint-Laurent, Rixensart, Maransart, Sart Custine, Sart-en Fagne, Cul-des-Sart, Lodelinsart, Ransart, Goysart, Nobressart, Bernissart.
Après sa mémorable victoire de Hastings1066,Guillaume le Conquérant a ordonné un recensement national appelé « enquête Domesday » ou le « Livre du Jugement Dernier », pour établir un grand inventaire de l’Angleterre. Terminé en 1086, ce recensement a montré que 85% des champs et 90% des terres arables étaient des essarts ; sept siècles avant l’ère industrielle, la Grande-Bretagne a été complètement déboisée.
Pourquoi le monde chrétien a-t-il défriché, créé des essarts et brulé des forêts pour amender les sols ? Parce que la population était en croissance. Le premier ordre que Dieu donne à l’Homme selon la Bible se trouve à la première page de la Bible, dans le premier chapitre de la Genèse au verset 28 : « croissez et multipliez et assujettissez la terre », ce qui est exactement le reproche des premiers écologistes comme Lynn White Jr qui dans un article dans Science en 1967 déclarait « nous continuerons à avoir une crise écologique qui empire jusqu’au moment où nous rejetterons l’axiome chrétien que la nature n’a pas d’autre raison d’exister que de servir l’homme ». On dirait que le Pape veut ignorer cette affirmation fondatrice de l’environnementalisme. Les moines de l’époque, qui eux connaissaient bien la Bible, savaient que pour obéir à ce premier commandement,il fallait créer du progrès afin de satisfaire les besoins élémentaires de cette population en croissance et que le premier de ces besoins était l’alimentation. Il fallait créer des champs et des pâturages. Grâce à ce départ économique, les générations qui nous ont précédés ont créé un monde où les conditions de vie matérielle sont sans cesse meilleures, car contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, nous vivons tous mieux aujourd’hui qu’hier. Nous sommes tellement aveuglés par les peurs que les écologistes instillent que nous ne rendons pas compte des progrès extraordinaires que nous avons accomplis. Le premier de ceux-ci est l’espérance de vie qui est en Europe d’une trentaine d’année supérieure à celle des indiens habitant l’Amazonie, que le Pape nous invite pourtant à copier. De plus, n’en déplaise à tous les catastrophistes, l’espérance de vie et l’index DHI (index de développement humain) de l’ONU croît à mesure que nous consommons de l’énergie.
La planète n’est pas en danger imminent et peu sont prêts en Occident à adopter le mode de vie des indiens d’Amazonie. Avec son Synode de l’Amazonie, le Pape ne peut faire qu’un chose : mécontenter une partie de son Église. Certains cardinaux ont d’ailleurs commencé à se faire entendre et d’autres s’opposeront à ce que certains n’hésitent déjà pas à appeler une hérésie ou une apostasie. François ayant tout pris en main, rien ne changera au Vatican, mais il y aura des dégâts dans les paroisses. Tout cela pour justifier une écologie intégrale, c’est-à-dire une théologie anti-marché.
Pourtant le livre des Proverbes nous enseigne ce précepte biblique : « Mauvais ! mauvais ! dit l’acheteur ; Et en s’en allant, il se félicite ». (Proverbes: 20.14). La loi du Marché donne satisfaction aux deux parties, autrement il n’y aurait pas de Marché. Seule cette règle apporte la prospérité : comme disait Adam Smith, ce n’est pas par bonté que le boucher nous vend de la viande. Copier les indigènes d’Amazonie ne nous apportera que régressionéconomique et sociale et mortalité précoce. Et le Pape ferait bien de se souvenir que Jésus-Christ se préoccupe de notre âme et non pas de nos arbres dont il n’a pas hésité à en assêcher un dans la parabole du figuier qui ne porte pas de fruits.
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Source : Atlantico
Le document de travail destiné aux participants du « synode des évêques pour l’Amazonie » nous propose une nouvelle religion, un nouveau messianisme, « amazonien », néo-rousseauiste et même, carrément, d’inspiration païenne. Analyse (partie 1/2).
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epuis qu’il a été publié à la mi-juin 2019, le document de travail destiné aux participants du « synode des évêques pour l’Amazonie », intitulé « Nouveaux Chemins pour l’Eglise et pour une écologie intégrale », a fait l’objet de commentaires déjà nombreux. Essentiellement d’opposants, qui l’ont vivement critiqué, tel le Cardinal Brandmüller ou le Cardinal Burke; en revanche, les auteurs du texte se font extrêmement discrets: ce n’est que récemment que l’on a su que leur chef d’équipe était Paulo Suess, un représentant de la « théologie de la libération » âgé de 81 ans et ce que je vais exposer fera mieux comprendre pourquoi une sorte de conspiration du silence a entouré la préparation du synode.
On a certes entendu ici ou là des journalistes nous expliquer que cette réunion romaine, qui se déroulera du 6 au 27 octobre 2019, allait permettre – enfin, disent-ils – de commencer à généraliser le mariage des prêtres et l’ordination des femmes. On est en l’occurrence dans le vieux refrain de la nécessaire modernisation de l’Eglise catholique. Et le groupe d’activistes qui entend mener à bien les objectifs du synode, attend certainement de la réunion qu’elle débouche sur ces résultats. Cependant, il ne s’agit que d’une partie de ce qu’on ne peut pas appeler « agenda caché » puisque tout est exposé sous nos yeux. Le document dépasse largement le contexte des habituelles discussions sur l’aggiornamento de l’Eglise de Rome. On est visiblement sorti d’une interprétation, même très large, du Concile Vatican II et de ses suites.
Il faut lire in extenso ce document pour se rendre compte que l’on a basculé dans autre chose. On n’est plus dans la « réforme du catholicisme ». Pour le dire sans détour, on n’est même plus dans le christianisme. Le document nous propose une nouvelle religion, un nouveau messianisme, « amazonien », néo-rousseauiste et même, carrément, d’inspiration païenne.
Cela crée une situation inédite. Apparemment, une mutation a eu lieu, dans une partie de l’Eglise catholique, qui produit quelque chose de complètement étranger, non seulement à la tradition de l’Eglise mais au christianisme lui-même: aucun protestant fidèle à sa dénomination ne peut adhérer à ce texte plus qu’un catholique ou un orthodoxe fidèles à la foi de leur baptême. En 1986, le Vatican, par l’intermédiaire du Cardinal Ratzinger, aujourd’hui pape émérite, avait condamné la théologie marxiste de la libération; visiblement, l’esprit de contestation n’a pas été éradiqué, il s’est transformé. Et il revient, plus virulent que jamais. Une génération plus tard, il resurgit comme un boomerang, créant une situation inédite dans l’histoire de l’Eglise, aux conséquences imprévisibles.
Le document de travail du synode n’a plus rien de chrétien
En commençant la lecture, je pensais devoir me confronter à un texte théologiquement complexe, où il faudrait aller distinguer des nuances. Depuis le synode, en deux parties, sur la famille, qui s’est déroulé en 2015-2016, n’assiste-t-on pas à une contestation, par des cardinaux et des théologiens, de plusieurs passages d’ « Amoris Laetitia », le texte du Souverain Pontife qui tire les conclusions des deux sessions? Quatre cardinaux, en particulier, ont formulé des dubia, ou doutes (théologiques) et demandé au pape François des éclaircissements. On restait en l’occurrence dans le cadre d’une discussion de la doctrine morale de l’Eglise. Or rien de tel n’est possible avec l’Instrument de Travail du synode pour l’Amazonie; car une caractéristique du texte saute aux yeux dès les premières pages: il n’a absolument rien de chrétien !
Il y a quelques années encore, les débats au sein de l’Eglise portaient sur des différences de points de vue entre « conservateurs » et «progressistes ». Ainsi en va-t-il, par exemple, des débats sur la liturgie: devant une forte demande de retour à la liturgie latine du Concile de Trente, le pape Benoît XVI en a autorisé, en 2008, une réintroduction pour les fidèles qui le souhaiteraient, parallèlement à la liturgie latine aujourd’hui la plus répandue, celle de Paul VI, issue du Concile Vatican II . On reste dans le cadre d’un débat entre catholiques. Il existe aussi des divergences entre catholiques quant au degré de rapprochement possible avec les orthodoxes ou les protestants. C’est un débat sur les relations entre chrétiens. Mais aucune confession chrétienne, qu’elle soit liée à Rome ou non, ne peut se reconnaître dans le document préparatoire du synode amazonien.
Il y manque en effet l’essentiel du christianisme. Le Christ n’y est pas présenté comme le Rédempteur, venu apporter par son sacrifice volontaire le salut de l’humanité. La Passion et la Résurrection, sans lesquelles il n’y a pas de christianisme, sont marginales dans le document de travail. Jésus, quand il est mentionné dans le texte – et c’est peu souvent et jamais de manière organique avec les développements – est vu comme le prétexte d’une conversion à « l’écologie intégrale ». Pour les chrétiens, Jésus est à le « vrai Homme uni au vrai Dieu ». Or, on a du mal à discerner la divinité de Jésus dans l’InstrumentumLaboris.
En l’occurrence, le lecteur va de surprise en surprise. Il y a une confusion permanente et totale entre ce que le christianisme appelle les domaines naturel (la création, périssable) et surnaturel (la vie en Dieu, à propos de laquelle le chrétien croit que le Christ, par sa prédication, ses actes, sa souffrance sur la Croix et sa résurrection d’entre les morts, est venu lui donner l’accès). Par exemple, dans le document de travail du synode, la notion de communion renvoie d’abord à la « communion avec la nature » et il y a une confusion entretenue avec la communion, au sens catholique ou orthodoxe, celle de la consommation par le fidèle, du corps du Christ sous la forme du pain consacré par le prêtre sur l’autel; même un protestant ne s’y retrouvera pas: il partage avec ses frères en Christ, la distinction fondamentale entre le créé et l’incréé et le mémorial de la Passion et de la Résurrection du Seigneur, tel qu’il le célèbre au Temple, n’implique certes pas la « Présence Réelle » du Christ mais il est remémoration d’un fait humain, le Dernier Repas de Jésus avec ses apôtres, et non l’expression d’une communion avec la nature qui précède l’homme dans l’histoire de l’univers.
Il n’y a, toujours dans l’Instrumentum Laboris du synode, aucune distinction entre la Création et son Créateur. Le texte est en fait païen, panthéiste – Dieu se confond avec la nature: l’Esprit Saint, quand le document de travail en parle, n’est pas, au sens chrétien, l’Eternel Incréé continuant sa création jusqu’à conformer l’homme au Christ pour le rendre participant de la vie divine; quand le texte parle de la vie, elle se confond avec la biodiversité; il n’est jamais question de vie surnaturelle. La sagesse amazonienne est communion avec la nature et avec un Dieu qui n’est pas distinct de cette nature. Il n’y a pas de distinction entre l’esprit des cultures amazoniennes et l’esprit divin.
Stupéfiante négation de l’élection d’Israël
Le Document de Travail du Synode abolit l’élection d’Israël. Il substitue au peuple aimé et choisi par Dieu, une entité quelque peu mystérieuse: l’Amazonie, souvent déclinée comme les « peuples amazoniens » ou comme peuples, identité et cultures de cette région, comme autochtones – comme migrants aussi, quelquefois. Même si ce dont il s’agit est souvent imprécis, aucun doute sur le fait que l’unicité d’Israël et la spécificité de la Révélation biblique sont abolies. Les prophètes Isaïe ou Ezechiel sont bien cités, mais, comme le Rédempteur, il ne s’agit jamais d’établir un lien organique avec le corps du texte. Pas plus que la Vierge, Mère du Sauveur, citée in extremis, ils n’appartiennent à la substance du texte. Surtout, il est répété de nombreuses fois que la sagesse amazonienne est la source à laquelle il faut désormais puiser. Le texte joue avec l’idée selon laquelle l’Amazonie serait un nouvel Eden et une nouvelle Terre promise à la fois. Il pose la réalité amazonienne comme la nouvelle source de la sagesse à laquelle doit puiser la cause de l’écologie intégrale, elle-même substitut à l’Evangile.
On reste assez perplexe de constater avec quelle facilité le dialogue oecuménique et le renouveau du regard porté sur l’élection d’Israël et donc sur les relations avec nos frères juifs, deux piliers du Concile Vatican II, sont oubliés dans ce document préparatoire. Oublié l’immense travail des papes depuis Vatican II pour dialoguer avec les chrétiens d’autres confessions; oublié aussi, et visiblement sans aucun état d’âme, le caractère unique du peuple hébreu, d’Israël, le fait que, comme le dit l’Evangile de Jean: « Le salut vient des Juifs ». Peut-on imaginer, en effet, un dialogue avec nos frères protestants sans mettre l’Ecriture – le Premier Testament comme le Nouveau – au centre? Peut-on imaginer de continuer le dialogue, intensifié dans Nostra Aetate puis sous le pontificat de Jean-Paul II, avec nos frères juifs, si l’on substitue une autre élection à celle d’Israël? Abraham, Jacob, David et les prophètes du monothéisme hébreu n’ont plus leur place dans l’Instrumentum Laboris. Il y a abolition de la Bible au profit de la sagesse et de l’exemple amazoniens.
Et cela nous ramène d’ailleurs à l’une des questions centrales du texte. Les différentes confessions chrétiennes partagent avec le judaïsme un refus absolu de toute idolâtrie: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, de tout ton coeur et de toutes tes forces» et « Tu n’auras pas d’autre Dieu que lui » dit l’Ecriture que partagent le judaïsme et le christianisme. Toute la Bible est construite sur un mouvement de séparation d’avec la nature, avec le culte de la Terre Mère: il faut quitter l’idolâtrie des forces naturelles, laisser son environnement, sa famille même, pour aller vers Dieu et une vie nouvelle fondée sur la distinction absolue entre l’être créé et l’être incréé. Or le document de travail du synode ne cesse de souhaiter le contraire. Il inverse, il veut annuler le chemin suivi par Abraham, celui d’une rupture avec le paganisme et les idoles. Le christianisme, le judaïsme, sont des religions qui affirment la paternité d’un Dieu transcendant, distinct de la nature. Le Document de Travail du synode nous ramène en permanence au culte de la Terre Mère, aux religions pré-abrahamiques.
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Synode : les évêques d’Amazonie demandent au pape ordination des prêtres
Après trois semaines d’une assemblée d’évêques et cardinaux (synode) consacrée aux problèmes écologiques et humains de l’Amazonie, ses membres ont proposé samedi que les hommes mariés de cette région reculée puissent être autorisés à devenir prêtres. Les évêques d’Amazonie ont aussi demandé au pape d’envisager que des femmes soient diacres.
Au-delà de ces deux sujets tabous pour les catholiques traditionalistes, le synode a aussi préconisé de « définir le péché écologique contre Dieu, contre son prochain, la communauté et l’environnement ». « C’est un péché contre les générations futures », qui se manifeste « par des actes et des habitudes de pollution et de destruction de l’harmonie de l’environnement », ajoute le document final élaboré lors de l’assemblée, a recueilli 128 voix pour, bien davantage que les 40 voix qui se sont portées contre.
Concernant la possibilité d’ordonner prêtres des hommes mariés, elle serait destinée aux hommes ayant une vie maritale stable (les « viri probati »), reconnus par la communauté. Ils devront être d’abord diacres et recevoir ensuite une formation adéquate. Selon l’assemblée, il ne serait pas nécessaire de réécrire le droit canon mais d’adresser au pape une demande de « dispense », similaire à celles accordées aux pasteurs anglicans mariés convertis au catholicisme. Le document rappelle néanmoins que le célibat des prêtres est « un don de Dieu ».
Cette demande vise à répondre au manque de prêtres itinérants pouvant célébrer la messe et donner la communion (sacrement essentiel de la doctrine chrétienne) dans des endroits très reculés de la forêt amazonienne.
Le Pape François va désormais étudier cette proposition. Il doit se prononcer avant la fin de l’année.
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Synode en Amazonie : la marche sur Rome des théologiens de la libération
Un texte d’une extrême indigence intellectuelle
Ce n’est pas seulement le panthéisme naturaliste; ce n’est pas seulement la négation de l’élection d’Israël qui signent un texte non chrétien. C’est aussi son extrême indigence intellectuelle. Le christianisme est né au sein d’une des cultures les plus lettrées de l’Antiquité dans la zone la plus alphabétisée du Bassin méditerranéen, où l’on parlait quatre langues: l’hébreu, l’araméen, le grec et le latin. La religion du Christ s’est ensuite répandue autour du Bassin méditerranéen avec une grande rapidité, parce que les élites y adhéraient, nombreuses: c’est bien pourquoi la résistance du pouvoir romain et la persécution des chrétiens furent si marquées durant les trois premiers siècles de notre ère. Contrairement à ce que nous a raconté une exégèse allemande du XIXè siècle passablement antijuive, sinon antisémite (et colportée par Renan en France), les empereurs romains furent rapidement terrifiés non par une bande d’illuminés sectaires mais par le basculement massif des élites antiques vers une religion qui comblait leurs attentes.
Les premiers siècles du christianisme ont permis une extraordinaire floraison culturelle, en particulier, grâce à la rencontre de l’Evangile avec le corpus intellectuel et culturel gréco-romain. Tandis que la chrétienté orientale profitait de l’essor byzantin, qui dura onze siècles, le monde chrétien occidental conserva précieusement les trésors de la latinité après la chute de l’Empire romain. Et c’est en Europe puis dans l’ensemble de l’Occident, n’en déplaise aux auteurs de l’Instrumentum laboris, qu’eut lieu la plus formidable mutation politique, économique et technique de l’histoire humaine. A-t-on jamais égalé le jaillissement philosophique qui mène de saint Augustin (au Vè siècle de notre ère) au BienheureuxJean Duns Scot (au XIVè siècle), en passant par Saint Anselme (XIè siècle), Saint Bonaventure (XIIè siècle) et Saint Thomas D’Aquin (XIIIè siècle)? Le bon gouvernement pensé par Aristote et Cicéron, mais aussi l’art, la culture, l’éducation devinrent, grâce au christianisme, progressivement accessibles à tous, hommes et femmes de toute condition sociale, et non plus uniquement, comme dans le monde antique, à une minorité de citoyens masculins.
Depuis ses origines – et contrairement au cliché répandu par l’époque des Lumières – le christianisme a passé alliance avec ce qu’il y a de meilleur dans l’esprit humain. Et c’est une réalité qui va bien au-delà des renaissances culturelles et artistiques successives qu’a connues l’Europe entre le IXè et le XVIè siècle. Au XIXè siècle, alors que la philosophie allemande s’obstinait, de Kant à Schopenhauer, à rogner les prérogatives de la raison, le Concile Vatican I a réaffirmé solennellement la puissance de l’intellect humain. Au XXè siècle, l’Eglise a été de tous les combats contre les totalitarismes, pour préserver la liberté et la dignité humaines. Aujourd’hui comme hier, on reconnaît un texte chrétien à ce qu’il veut hisser l’humanité au-dessus d’elle-même, lui donner espoir, la persuader qu’aucune situation n’est jamais totalement désespérée. Aucun doute, le Document de Travail du Synode, véritable attentat contre l’intelligence, n’éclaire rien; au contraire, il est fondé sur un pessimisme sombre concernant la civilisation. Il est rempli de jargon bureaucratique et de clichés affligeants. Le niveau de ses descriptions géographiques, sociologiques, anthropologiques ne conviendrait pas à un manuel scolaire. Il prône une régression intellectuelle et civilisationnelle profonde: alors que le monde doit faire face – et aurait besoin d’être guidé spirituellement – à l’ère digitale, au monde de l’intelligence artificielle, l’Instrumentum Laboris nous donne pour modèle un « paradis imaginaire » antérieur à toutes les cultures qui ont façonné et modèlent encore aujourd’hui les relations entre les hommes à l’échelle mondiale. Alors que nous avons besoin d’être guidés face aux progrès fulgurants des biotechnologies, le Document de Travail voudrait plonger les fidèles de l’Eglise catholique dans un regard infantilisant le monde. Au moment où les catholiques français attendent un soutien sur des sujets comme la PMA, on leur propose une phraséologie obscurantiste sur le « cri de la terre ».
La revanche des théologiens de la libération
Il y a une trentaine d’années sévissait en Amérique latine un courant fortement inspiré par le marxisme appelé théologie de la libération. La confusion entre l’Evangile et la Révolution avait été l’objet d’une condamnation ferme de la part de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Apparemment, les théologiens et les membres du clergé concernés s’étaient soumis. Le parcours du plus célèbre d’entre eux, Leonardo Boff, est cependant plus qu’instructif: obligé de subir un sevrage de marxisme, il se mit à l’écologisme. En 2013, quelques semaines après l’élection du Cardinal Bergoglio sur le trône de Saint Pierre, Leonardo Boff accorda un entretien au magazine allemand Der Spiegel dans lequel il racontait son intérêt pour l’écologie mais annonçait aussi que le pape allait « révolutionner » l’Eglise. Leonardo Boff est l’un des auteurs de l’Encyclique du pape François, consacrée à l’écologie et appelée Laudato Si. Comme nous l’indiquions, c’est un autre théologien de la libération, le Père Paulo Suess, qui a coordonné la rédaction du Document de Travail. Il est soutenu par des cardinaux ou évêques latino-américains proches du pape: Claudio Hummes (cardinal archevêque émérite de Sao Paolo), Pedro Barreto (cardinal-archevêque de Huancayo), Oscar Rodriguez Maradiaga (cardinal-archevêque de Tegucigalpa), Carlos Aguiar Retes (archevêque de Mexico) ainsi que par des cardinaux, évêques et théologiens allemands. Leonardo Boff avait été prudent après les condamnations romaines des années 1980. Paulo Suess n’a pas ces prudences: dans différents entretiens accordés depuis l’élection du pape François, il revendique ouvertement tous les points que nous avons évoqués jusqu’à maintenant: il n’est plus question, pour un catholique, explique-t-il, de baptiser un Indien d’Amazonie; le seul principe qui compte est celui de la vie des Amazoniens: c’est pourquoi il leur faut la terre et un renforcement de leur identité. Et l’Eglise doit dialoguer avec eux et, même, se mettre à leur école. Suess explique aussi que « l’on peut découvrir la Révélation de Dieu chez ces peuples indigènes », niant l’élection d’Israël. Mais peu lui importe, apparemment, puisque ceux qu’il appellent « les indigènes » sont désormais « les agents révolutionnaires de l’Amérique latine » qui vont permettre de construire une « nouvelle société », contre ce « système de mort» qu’est le capitalisme, identique comme chacun sait, sous toutes les latitudes.
Tout se passe comme si le vide laissé par la condamnation de la théologie de la libération avait été occupé par une pensée non moins sécularisée, loin de renoncer, d’ailleurs, à l’ancien marxisme. On retrouve dans le Document de Travail du synode toute une phraséologie empruntée à la théologie de la libération: les communautés de base, le cri de la terre et des pauvres etc…Au fond, loin de revenir au christianisme, comme les y invitaient les condamnations romaines des années 1980, les anciens théologiens de la libération semblent avoir épousé le mouvement de l’époque. L’écologisme, la phraséologie de la « maison commune » et de la « terre mère » est devenue le grand sujet. Et la grande différence avec ce qui se passa dans les années 1980, c’est que, cette fois, au Saint-Siège, on invite les tenants de la nouvelle théologie de la Terre-Mère à venir installer leur pensée non chrétienne au coeur même de l’Eglise catholique. Lorsque les prodromes de cette nouvelle théologie de la Terre-Mère étaient apparus lors de la conférence des évêques latino-américains d’Aparecida, en 2007, Benoît XVI, alors pape, avait bloqué ces formulations. A présent, l’ancien cardinal-archevêque de Buenos Aires devenu pape, qui avait joué un rôle essentiel durant la réunion, a levé les interdits qui pesaient sur elle. Un réseau a été créé, le Réseau Ecclésial Pan-Amazonien (REPAM), qui au coeur de la conférence épiscopale latino-américaine, réunit les neuf pays sur le territoire desquels se situe la forêt amazonienne. Ce réseau est particulièrement actif depuis sa création en 2014.
Il n’est plus possible de tourner autour de la question de l’engagement du pape François derrière le mouvement en cours: rédacteur en 2007 du texte d’Aparecida, le cardinal Bergoglio n’a cessé, depuis qu’il est pape, d’encourager le mouvement « amazonien » au sein de l’Eglise latino-américaine. En juillet 2013, lorsqu’il se rend au Brésil puis en janvier 2014 et en 2018, lors de voyages au Pérou, il a parlé du « visage amazonien » de l’Eglise. En décembre 2013, il a encouragé, dans un courrier, une réunion des « communautés ecclésiales de base », cellules militantes d’inspiration marxiste – et désormais converties à l’écologie – remontant à l’époque de la théologie de la libération. Entre 2014 et 2016, il a discrètement suivi les travaux du réseau REPAM. Convaincu par ses premiers résultats, le pape a convoqué en 2017, le synode pour l’Amazonie, deux ans à l’avance. C’est François qui a choisi lui-même les participants aux travaux préparatoires du synode puis au synode.
Engager l’Eglise catholique à partir d’un document non chrétien ?
Nous voilà donc devant une situation inédite du point de vue de l’Eglise catholique: le pape et un réseau régional d’évêques et de théologiens – aidés en partie par des évêques et théologiens allemands – proposent la discussion d’un texte qui n’est pas chrétien. Quelque chose de tel ne s’était jamais produit dans l’histoire de l’Eglise.
L’avantage de l’existence du Document de Travail du synode, c’est qu’il annonce clairement la couleur. Lorsqu’il s’agissait des discussions suivant le synode dédié à l’avenir de la famille, on restait dans le cadre de discussions, entre théologiens catholiques. L’encyclique Laudato Si, première contribution écologiste de François, préservait les apparences chrétiennes, malgré un pessimisme bien peu catholique pour qui lisait attentivement. Le Document de Travail du synode, c’est autre chose. Il ne s’agit pas d’abord de la n-ième discussion sur le mariage des prêtres ou sur l’ordination des femmes – même si l’’on comprend bien que dans le contexte de la crise causée par les affaires de pédophilie, des évêques allemands et d’autres aimeraient faire passer ces points, fourrés au milieu d’un paquet tout vert. Il ne s’agit plus du tout de mettre en valeur, comme l’avait fait Benoît XVI, dans sa lettre encyclique de 2007 « Spessalvi », le respect profond de la Création qu’engendre un regard authentiquement chrétien. Il s’agit de tout autre chose: un corpus de pensée non-chrétien a soudain été introduit au coeur du monde catholique. C’est comme si un rideau s’était déchiré. Le débat ne porte plus sur des divergences entre catholiques ou, même, entre confessions chrétiennes. On a d’un côté un document de travail paganisant, qui nie l’élection d’Israël et qui est ouvertement post-marxiste; et de l’autre, l’Ecriture et la Tradition, deux mille ans de vie de l’Eglise enracinés dans l’histoire de la Révélation. Le choix à effectuer est parfaitement clair. Un catholique, un chrétien, ne doivent même pas discuter ce texte, qui n’a rien à voir avec leur foi. Ils doivent le refuser.
Ce choix est clair mais simple, aussi: si on ne peut pas être catholique et accepter le Document de Travail du synode, il faut rejeter d’emblée la possibilité même de tenir quelque assemblée épiscopale que ce soit sur une telle base. Du point de vue de l’histoire de l’Eglise, ce synode n’a aucune légitimité, aucune valeur. Il ne faut même pas y participer pour contredire le texte. On n’ose pas imaginer en effet dans quelles difficultés se jetterait une Eglise qui développerait une discussion, quelle qu’elle soit, à partir d’un texte non chrétien. C’est pourquoi, il faut le dire d’emblée: aucune décision ou recommandation formulée par l’assemblée qui se tiendra au Vatican du 6 au 27 octobre 2019 n’aura de valeur contraignante pour le clergé et les fidèles. Nous voyons bien ce qui risque de se passer à partir du moment où certains évoqueront l’autorité pontificale et le Magistère d’une Eglise toujours plus synodale ! Il s’ensuivra une grande confusion. C’est pourquoi il vaut mieux trancher dans le vif en amont: il ne s’agit même plus de la question de « l’infaillibilité pontificale ». Cette dernière concerne l’enseignement du pape sur « la foi et les moeurs ». Mais nous ne sommes plus dans ce cadre; nous avons basculé dans ce que redoutait dès la fin des années 1960 le Cardinal Daniélou: un terrible « affaissement de la foi chez les clercs » ! Quand un texte est présenté à Rome, dont les auteurs ne croient plus au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il n’y a qu’une seule chose à dire, sans animosité: amicus Franciscus sed magis amica veritas (François est notre ami mais la vérité est une plus grande amie encore).
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Ce synode suscite beaucoup d’interrogations et de réactions, y compris parmi des cardinaux et des théologiens. L’Amazonie n’est qu’une portion limitée de la planète, mais les enjeux sont considérables.
On peut y voir une démarche qui sort du champ d’action traditionnel de l’Eglise, marquée d’une empreinte significative des sciences humaines et des idéologies. On sait – climatologie oblige – que la thématique écologique est instrumentalisée de tous côtés. Certes, la sauvegarde de la création et la bonne gestion des ressources naturelles dans le souci du bien commun est loin d’être une préoccupation nouvelle chez les chrétiens. Mais à quel titre l’Eglise peut-elle s’attribuer un rôle de premier plan en ce qui concerne les problèmes actuels et le futur de l’Amazonie ?
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Certains diront que la prise en compte de l’incarnation autorise l’Eglise à se focaliser sur cette région où l’écosystème souffre et où l’avenir des populations autochtones est compromis par des entreprises mercantiles indifférentes à leur sort. L’Amazonie brûle, nous dit-on, mais des régions entières d’Afrique et d’Asie brûlent aussi, et parfois dans des superficies et avec des fréquences encore plus importantes, et également des conséquences dramatiques pour les populations.
Ce qui peut choquer, c’est que les concepteurs du document préparatoire, quelles que soient les intentions positives de leur texte, horizontalisent fortement leur perspective, laissant sensiblement de côté les dimensions spirituelles et pastorales. Ce qui donne au document une tonalité de charte sociologique ou politique, au nom d’une théologie de l’environnement qui – (comme dans les manifestations actuellement orchestrées) sert sans doute de paravent à une théologie de la libération, d’inspiration marxiste.
C’est bien cela qui provoque des réactions parmi certaines autorités catholiques qui par ailleurs ne sont certainement pas allergiques à l’action concrète en faveur de populations en détresse. A cela s’ajoute l’affaire du rituel de lancement de l’opération dans les jardins du Vatican où l’accueil s’est tellement voulu ouvert aux traditions amazoniennes que des scènes étranges de chamanisme se sont déroulées, avec des statuettes et des gestes mystérieux, sous la caution du pape François. Cette séquence a-t-elle été mal programmée, ou y a-t-il eu volontairement un glissement laxiste vers l’introduction de pratiques religieuses païennes, dans le but de manifester que l’évangélisation va s’effectuer à partir de pierres d’attente locales, comme une sorte de « premier testament » préparatoire à l’annonce de l’évangile ?
Si c’est le cas, il y aurait là un faux pas historique extrêmement dommageable. En effet, lors du colloque de 1997, réunissant des théologiens au Vatican, le pape Jean Paul II avait particulièrement insisté sur le rôle incontournable et irremplaçable de la tradition hébraïque dans la fondation du christianisme et ses valeurs spécifiques. Aucune religion de remplacement ne peut servir de première étape à l’arrivée de l’évangile. Jean Paul II lançait donc un avertissement prononcé envers ceux qui dériveraient vers des substituts de la première alliance dont les fondamentaux s’avèrent indispensables à la foi chrétienne. Il disait : « Ceux qui considèrent le fait que Jésus fut juif et que son milieu était le monde juif comme de simples faits culturels contingents auxquels il serait possible de substituer une autre tradition religieuse dont la personne du Seigneur pourrait être détachée sans qu’elle perde son identité, non seulement méconnaissent le sens de l’histoire du salut, mais plus radicalement s’en prennent à la vérité elle-même de l’incarnation et rendent impossible une conception authentique de l’inculturation ! »
Il ajoute : « L’Eglise a conscience de son lien vital avec le Premier Testament sans lequel le Nouveau testament est vidé de son sens »
Nous sommes là au cœur du questionnement le plus essentiel que suscitent certains passages du document préparatoire au Synode sur l’Amazonie et la célébration interreligieuse qui a donné le signal de son lancement. L’éclairage formulé par le pape Jean Paul II reste bel et bien une clé providentielle qui n’a pas pour but de fermer les débats mais de garder le cap indispensable si l’on veut rester dans la véritable apostolicité ecclésiale.
Espérons que les travaux en cours dans ce Synode amazonien aboutiront à des conclusions conformes à ces convictions fondamentales, seules garanties d’apporter des initiatives porteuses de la Bonne Nouvelle et non pas d’une idéologie passagère.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.