La nouvelle Loi fondamentale d’un Etat-nation Juif qui s’appelle… Israël !

Texte final de la loi de l’État-nation juif, approuvé par la Knesset le 19 juillet ( ndlr : 3 jours avant le Tisha Beav… dommage ou bien vu ? ) 

Après plusieurs années d’efforts, Benyamin Nétanyahou est parvenu à ses fins. Surfant sur une vague nationaliste, il a fait voter une loi qualifiée de «bénédiction» définissant Israël comme «l’État-nation du peuple juif, où celui-ci applique son droit naturel, culturel, religieux, historique» ainsi que son droit exclusif à l’autodétermination. Ce texte considéré désormais comme une des lois fondamentales, qui font office de Constitution, a été dénoncé par l’opposition comme «raciste» envers 1,5 million d’Arabes israéliens, représentant plus de 17 % de la population, qui s’estime déjà victime de discriminations.

Visant explicitement cette minorité, Benyamin Nétanyahou a eu, à l’issue d’un débat houleux, ce cri du cœur: «C’est notre État, l’État des Juifs, mais, ces dernières années, certains ont tenté de mettre cela en cause, ainsi que les fondements de notre existence et de nos droits. C’est notre État, notre langue, notre drapeau, notre hymne!»



Les membres de la Knesset ont approuvé la nuit de mercredi à jeudi une loi controversée et longuement débattue qui définit officiellement Israël comme l’État-nation juif, votant le projet de loi à ses deuxième et troisième lectures plénières par 62-55, avec deux abstentions. La loi consacre pour la première fois Israël comme « la maison nationale du peuple juif ». La loi devient l’une des soi-disant lois fondamentales, qui, comme une constitution, guident le système juridique israélien et sont généralement plus difficiles à abroger que les lois ordinaires. lois.

Ce qui suit est une traduction complète de la version finale du projet de loi approuvée par la plénière de la Knesset :

Loi fondamentale : Israël en tant qu’État national du peuple juif

1 – Principes de base A. La terre d’Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’État d’Israël a été établi. B. L’État d’Israël est le foyer national du peuple juif, dans lequel il exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination. C. Le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif.

2 – Les symboles de l’état A. Le nom de l’état est « Israël ». B. Le drapeau d’état est blanc avec deux bandes bleues près des bords et une étoile de David bleue au centre. C. L’emblème de l’État est une menorah à sept branches avec des feuilles d’olivier des deux côtés et le mot «Israël» en dessous. D. L’hymne national est « Hatikva ». E. Les détails concernant les symboles d’état seront déterminés par la loi.

3 – La capitale de l’État Jérusalem, complète et unie, est la capitale d’Israël.

4 – Langue A. La langue de l’État est l’hébreu. B. La langue arabe a un statut spécial dans l’État; Réglementation de l’utilisation de l’arabe dans les institutions de l’État ou par eux sera établie dans la loi. C. Cette clause ne porte pas atteinte au statut accordé à la langue arabe avant l’entrée en vigueur de cette loi.

5 – Rassemblement des exilés L’État sera ouvert à l’immigration juive et au rassemblement des exilés

6 – Connexion au peuple juif A. L’État s’efforcera d’assurer la sécurité des membres du peuple juif en difficulté ou en captivité en raison de leur judéité ou de leur citoyenneté. B. L’État doit agir au sein de la diaspora pour renforcer les affinités entre l’État et les membres du peuple juif. C. L’État doit agir pour préserver le patrimoine culturel, historique et religieux du peuple juif parmi les Juifs de la diaspora.

7 – Règlement juif A. L’État considère le développement de la colonie juive comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir son établissement et sa consolidation.

8 – Calendrier officiel Le calendrier hébreu est le calendrier officiel de l’état et à côté de lui le calendrier grégorien sera utilisé comme calendrier officiel. L’utilisation du calendrier hébreu et du calendrier grégorien sera déterminée par la loi.

9 – Jour de l’Indépendance et des journées commémoratives A. Le Jour de l’Indépendance est la fête nationale officielle de l’état. B. Le Jour du Souvenir pour les guerres d’Israël et le Jour du Souvenir de l’Holocauste et de l’Héroïsme sont les jours de commémoration officiels de l’État.

10 – Jours de repos et de sabbat Le sabbat et les fêtes d’Israël sont les jours de repos établis dans l’État; Les non-juifs ont le droit de garder des jours de repos pendant leurs sabbats et leurs fêtes; Les détails de cette question seront déterminés par la loi.

11 – Immuabilité Cette Loi fondamentale ne doit pas être modifiée, à moins qu’une autre loi fondamentale ne soit adoptée par une majorité des membres de la Knesset. […]


Times of Israël NdlR : 11 articles (10+1) … 3 jours avant le 9 av 2018, voté dans la nuit du mercredi (interdit par la Torah de voter des lois et sentences  dans la nuit*, cf l’An 30 !) , l’année des 70 ans de l’Etat ? Que penser de ce texte important et fondateur ? Attention, qui a dit que ce serait simple ?

*Il est écrit (Chemot 18,14) «tout le peuple se tient autour de toi depuis le matin jusqu’au soir» pour entendre le jugement de Moshe Rabenou. ..L’essentiel du jugement est durant le jour, comme il est écrit «rendez bonne justice dès la première heure du jour,» (Yermiyah 21,12). Ainsi la vérité éclaire, et grâce à cela se répare et se dévoile la Emounah, selon le principe «les Bontés d’Elohim se renouvellent chaque matin,» (Eiha 3,23)

Selon Samy Cohen, directeur de recherche émérite à l’Institut d’études politiques de Paris, la loi trouve son inspiration dans le projet porté en 2011 par Avi Dichter, un député du parti Kadima qui a fini par rejoindre le Likoud et qui définit l’État d’Israël comme le « foyer national du peuple juif qui réalise son aspiration à l’autodétermination conformément à son patrimoine culturel et historique1 ». Adoptée le par la Knesset (par 62 voix contre 552) avec le soutien du premier ministre Benyamin Netanyahou (Likoud)3, dans un contexte de concurrence idéologique avec son ministre de l’éducation Naftali Bennett du parti d’extrême droite Le Foyer juif2, cette loi est définie comme une des Lois fondamentales faisant office de constitution d’Israël4. Elle regroupe des éléments déjà inclus dans la déclaration d’indépendance de 1948 ou d’autres lois (tels que le drapeau d’Israël, son hymne national, le calendrier hébraïque), mais contient d’autres éléments plus sensibles comme la définition de Jérusalem comme la capitale « complète et unifiée » d’Israël, déclassement de la langue arabe en faisant de l’hébreu la seule langue d’État et l’encouragement au titre de « valeur nationale » au développement de communautés juives5. La Loi comprend dix articles affirmant que6 :

  • Israël est la patrie historique du peuple juif ;
  • le symbole de l’État est la menorah, son hymne est la Hatikvah ;
  • la capitale d’Israël est le grand Jérusalem réunifié ;
  • la langue officielle est l’hébreu ;
  • l’État est ouvert à l’immigration juive ;
  • l’État investira des moyens pour conserver ses liens avec les Juifs de l’étranger ;
  • l’État encouragera la colonisation juive ;
  • les calendriers officiels sont les calendriers hébraïque et « grégorien » ;
  • les journées du souvenir de la Shoah, du souvenir des soldats tombés au front et de l’indépendance sont des journées officielles ;
  • le chabbat et les fêtes juives sont des journées chômées ;

Un dernier point est le statut de Loi fondamentale :

  • cette loi ne peut être modifiée que par une autre loi fondamentale adoptée par la majorité des membres de la Knesset (61 députés).

Début juillet 2018 le président israélien Reuven Rivlin critique la clause affirmant que « l’État peut autoriser une communauté, y compris les fidèles d’une seule religion ou les membres d’une seule nationalité, à établir une implantation communautaire séparée » qui, selon lui, « permettra[it] pratiquement à toutes les communautés, sans aucune limitation ou sans équilibre, d’établir une communauté sans Mizrahim [Juifs moyen-orientaux], sans ultra-orthodoxes, sans Druzes, sans membres LGBT ». Bien que Rivlin soit contredit par Avi Dichter, cette clause est amendée avant le vote de la loi7,8. Cette loi ne mentionne ni les habitants arabes du pays ni le caractère démocratique du régime2. Elle dispose que la langue arabe ne dispose plus du statut de langue nationale mais d’un « statut spécial » flou, alors qu’une des conditions posées par l’Organisation des Nations unies en 1949 lors de l’admission d’Israël était justement ce précédent statut2.

Réactions internationales

Dans son éditorial, le quotidien français Le Monde y voit la promotion d’une « vision ethnicisante de la société ». Si dans sa version initiale8, le texte permettait à une communauté homogène, juive, de ne pas accepter en son sein une personne extérieure, l’article modifié donne cependant une valeur constitutionnelle à l’établissement de municipalités peuplées uniquement de Juifs. Selon Le Monde, la Cour suprême d’Israël pourrait ainsi valider juridiquement des situations de discrimination contre des membres des minorités arabe ou druze22.

Alors que la Déclaration d’indépendance de 1948 précisait que l’État assurerait « une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe » ainsi que « la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture », la nouvelle Loi fondamentale réaffirmant caractère juif de l’État sans rappeler son caractère démocratique inquiète ceux qui y voient la légitimation future d’inégalités entre citoyens juifs et non-juifs2. Pour Samy Cohen, la Loi sur l’État-nation du peuple juif contredirait ainsi la Déclaration d’indépendance de 1948 et romprait « l’équilibre délicat qui s’était instauré autour de la définition de l’État juif et démocratique »1.

Réactions politiques internationales

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan qualifie Israël d’État « le plus fasciste du monde »21.

Aux États-Unis, Richard B. Spencer, meneur historique de l’alt-right, se félicite de la loi et estime qu’Israël montre le chemin à l’Europe contre « l’ordre social multiculturel »21. Inversement, The New York Times publie une tribune du président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder où celui-ci déclare que la loi porte atteinte au sentiment d’égalité et d’appartenance des Druzes, des chrétiens et des musulmans citoyens d’Israël23.

Le leader du parti travailliste britannique Jeremy Corbyn déclare que « la loi sur sur l’État-nation promue par le gouvernement de Nétanyahou discrimine la minorité palestinienne d’Israël. Je soutiens les milliers de citoyens arabes et juifs d’Israël qui manifestent ce week-end à Tel-Aviv pour des droits égaux »24.

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