Lassés des lois du Shabbat, ces Israéliens laïcs trouvent un service de bus pour la plage : Noa Tnua, une petite coopérative de transports de bus de Tel Aviv, organise une collecte de fonds participative pour élargir ses services vers la côte durant le week-end, lorsque la majorité des transports publics sont à l’arrêt
Journalistes : Andrew Tobin
Noa Tnua, une petite coopérative de bus de Tel Aviv, a obtenu des centaines de milliers de shekels grâce à un financement participatif pour élargir de manière spectaculaire ses services vers la côte pendant le week-end, alors que la majorité des transports publics dans le pays sont à l’arrêt pour observer la journée de repos.
« La réussite de cette campagne révèle seulement combien les gens sont lassés de la situation du jour du Shabbat », a commenté le fondateur et président de Noa Roy Schwartz Tichon. « Si vous n’avez pas les moyens d’avoir une voiture en Israël, vous êtes simplement coincés chez vous le week-end. » Cet afflux inespéré de plus de 313 000 shekels (soit 87 000 dollars) depuis le 15 mars – ce qui est presque le double de l’objectif original fixé par Noa Tnua – a été suscité par une frustration largement partagée concernant l’interdiction des transports publics en Israël le jour du Shabbat.
Mais les partisans du « statu quo » religieux dans le pays – défendu par les politiciens ultra-orthodoxes – qualifient de telles initiatives de menace faite au caractère juif de l’état.
Chaque samedi, un bus de 53 places loué arpente la route cinq fois, marquant à peu près 30 arrêts, et ce de 9 heures du matin à 6 heures du soir. Presque 2 000 personnes se sont enregistrées auprès de ce service jusqu’à présent, et des centaines l’utilisent pendant les week-ends d’été.
Israël interdit la plupart des transports publics lors du Shabbat sur la base d’un accord passé en 1947 entre le Premier ministre David Ben-Gourion et le mouvement Agudath Yisrael, qui représentait la petite communauté ultra-orthodoxe de l’époque. Cette convention de statu-quo est devenue la base de nombreux arrangements religieux en Israël notamment dans les domaines de la casheroute, du mariage et de l’éducation.
Les autorisations et les failles contenues dans les réglementations émises par le ministère des Transports, adoptées en 1991, ont laissé un nombre limité de lignes de bus en état de fonctionnement le jour du Shabbat. Et les navettes ou « sherouts », circulent dans – et entre – certaines villes considérées comme des bases vitales de transport et comme les régulations l’autorisent.
Tandis que les Israéliens ont des points de vue complexes et variés sur les questions de la synagogue et de l’état, il existe un large soutien au maintien des transports publics le jour du Shabbat. Une enquête commandée l’année dernière par Hiddush, un groupe qui promeut le pluralisme religieux, a révélé que 72 % des sondés souscrivent à l’idée de conserver au moins certains bus et navettes en fonctionnement entre le vendredi après-midi et le samedi soir.
« Un projet réussi. Quand il y a une coercition religieuse, ceux qui s’intéressent à conserver les libertés dans l’état doivent s’unir », a écrit un commentateur jeudi.
« Une initiative véritablement la bienvenue jusqu’à ce que ce pays revienne à la raison et qu’il y ait des transports public pour la population entière », a posté un autre.
Schwartz Tichon, qui a grandi à Haïfa qui considère les bus du Shabbat comme allant de soi, a indiqué que les Orthodoxes ne devraient pas être en mesure de dicter la manière dont le pays entier gère ses week-ends, et en particulier lorsque ce sont les plus pauvres qui sont touchés en premier lieu par ces décisions. Il ajoute que son objectif ultime est de faire des transports publics le jour du Shabbat une réalité que le gouvernement n’aura plus qu’à accepter.
« Si les trois-quarts du pays veulent quelque chose, ils l’obtiendront un jour », a-t-il dit. « Nous sommes la ‘nation des start-ups’, nous savons comment changer les choses ».
Lors d’un débat avec Schwartz Tichon diffusé la semaine dernière par la Dixième chaîne israélienne, le journaliste haredi Benny Rabinovich a abordé ce sujet et a juré de s’opposer sans relâche à Noa Tnua : « Si nous voulons rester un état juif -laïques, religieux, Haredim, Ashkénazes, Séfarades, chacun d’entre nous – la seule chose qui nous unit en tant que Juifs est le Shabbat. Rien d’autre », a estimé Rabinovich. « Je ferai en sorte que cette ligne de bus soit fermée parce que vous entreprenez des choses qui sont interdites par la loi. Je vous promets que je ferai tout ce qu’il faudra au ministère de l’Intérieur. Je n’abandonnerai pas.
Pour Liberman, contourner le jugement de la Cour sur Shabbat n’a “pas lieu d’être”
Le ministre de la Défense pense que ce sujet doit être traité au niveau municipal et pas national
« Nous vivons sur ce statu-quo qui a été créé depuis de nombreuses années », a-t-il indiqué, laissant entendre que cette question devait être gérée aux niveaux municipal et local.
La Haute cour de Justice a estimé le mois dernier que la municipalité de Tel Aviv avait le droit d’autoriser l’ouverture des commerces de proximité pendant Shabbat.