UKRAINE : l’embarras israélien…

Pourquoi Israël peine à choisir son camp dans le conflit russo-ukrainien

Israël se trouve partagé entre le soutien à ses alliés dans la condamnation de l’invasion et la crainte de s’aliéner la Russie, cruciale pour la sécurité de sa frontière nord

JTA – Bien que situés en des points différents du spectre sioniste, le Premier ministre Naftali Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid mènent une politique étrangère dans l’ensemble assez cohérente. À l’exception fracassante du jour où la Russie a envahi l’Ukraine.

Lapid a clairement arrimé Israël à l’Occident en condamnant la Russie sans détour. Craignant pour sa part d’inscrire Israël dans un conflit sans issue, Bennett a déclaré que ce conflit ne regardait pas le pays.

Ces différentes approches ont révélé les dangers auxquels Israël fait face, alors qu’un nouveau conflit déchire le continent européen : prendre le parti des valeurs occidentales adoptées par Israël depuis sa création ou garder un œil sur le colosse russe qui se profile aux portes d’Israël, en Syrie.

« L’attaque russe contre l’Ukraine est une grave violation de l’ordre international », a déclaré Lapid lors d’une conférence de presse et jeudi à midi sur Twitter. « Israël condamne cette attaque. »

Bennett a quant a lui publié sa première déclaration sur la guerre tard jeudi soir, évoquant l’évacuation des ressortissants Israéliens, le soutien apporté aux Juifs désireux de quitter le pays ou encore l’offre d’aide humanitaire. Il n’a porté aucune accusation, ni cherché de responsable, se contentant de rappeler qu’il y aurait « des discussions et une évaluation régulière de la situation afin d’anticiper de possibles conséquences (si tant est qu’il y en ait) pour Israël ».

Dans un discours prononcé plus tôt dans la journée, à l’occasion d’une cérémonie de remise des diplômes à des officiers de Tsahal, et dont des extraits ont été publiés sur Twitter par Bennett lui-même, le Premier ministre a précisé les contours du principe qui sous-tend sa réticence à prendre parti.

« Ces temps nous enseignent, à notre grand regret, que les guerres entre armées ne sont pas une chose du passé », a-t-il déclaré.

« Le monde est beaucoup moins stable et notre région change tous les jours. » Il n’a pas fait mention de la Russie. Le Premier ministre Naftali Bennett s’adresse aux élèves officiers, le 24 février 2022. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

Cette omission a contrarié Natan Sharansky, ancien « prisonnier de Sion » c’est-à-dire prisonnier politique du temps de l’Union soviétique, également ancien ministre et président de l’Agence juive pour Israël.

S’adressant à la Jewish Telegraphic Agency après une journée d’interventions dans les médias israéliens, Sharansky a déclaré se sentir dans la peau de Don Quichotte, repoussant journalistes et autres questionneurs de la légitimité d’Israël à s’impliquer dans cette affaire.

« Au cours des tables-rondes et des interviews, j’étais généralement la voix minoritaire affirmant que nous devrions adopter la position du monde », a-t-il déclaré.

Lui qui aimerait qu’Israël fournisse à l’Ukraine les systèmes défensifs antimissile déployés pendant les guerres avec le Hamas et le Hezbollah a dit comprendre ce qui préoccupait ses interlocuteurs. Ses détracteurs se demandent comment le prendrait la Russie, qui a empêché la Syrie, ennemi d’Israël, de se procurer des systèmes d’armes comparables. Le président de l’Agence juive, Natan Sharansky (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Pour Sharansky, cela ne dispense pas Israël de se positionner sur le plan éthique. « Je me suis senti embarrassé ces derniers jours, qu’à ce moment critique pour l’avenir du monde, Israël ne soit pas prêt à prendre clairement position du cote de la morale », a-t-il déclaré.

Il a ajouté qu’entendre Lapid parler avait été un soulagement. « C’était vraiment merveilleux. »

Shalom Lipner, maître de recherche pour les programmes du Moyen-Orient à l’Atlantic Council, a déclaré que la présence de la Russie en Syrie depuis 2015 – la Russie a aidé son allié, le régime d’Assad, à réprimer un soulèvement civil – signifiait qu’Israël devait avancer avec prudence.

« Israël a certainement des inquiétudes au sujet de la désescalade avec la Russie », a déclaré Lipner, qui a travaillé pour plusieurs Premiers ministres israéliens. « La Russie est active dans la région. » Dans cette photo d’archive prise le 4 mars 2016, des avions de chasse russes Su-27 et un bombardier Su-34, au fond à droite, stationnent sur la base aérienne de Hemeimeem en Syrie. (Crédit : AP Photo/Pavel Golovkin, Archives)

Israël, par exemple, doit obtenir l’autorisation russe pour survoler la Syrie, a déclaré Jonathan Schanzer, premier vice-président de la Fondation pour la défense des démocraties.

« La Russie contrôle l’espace aérien en Syrie », a-t-il déclaré.

« Israël voit la nécessité de continuer à mener des opérations en Syrie pour lutter contre la contrebande iranienne [d’armes à son client libanais le Hezbollah] et d’autres activités malveillantes. A minima, le pays a besoin de l’approbation tacite du Kremlin. Tant que ces opérations militaires seront sa priorité, il aura les mains liées. »

La perception par Israël de son rôle de protecteur des Juifs entre également en ligne de compte, a déclaré Lipner. « Il y a effectivement des communautés juives importantes dans les deux pays, et personne ne va chercher à couper les ponts », a-t-il déclaré.

En outre, une minorité substantielle de ressortissants israéliens ayant également la citoyenneté russe ont clairement intérêt à ce que les relations économiques entre les deux pays demeurent fortes. Des personnes portant des drapeaux ukrainiens et israéliens s’approchent du mémorial en hommage aux victimes du massacre perpétré en 1941 par les nazis à Babi Yar près de Kiev, en Ukraine, le 13 avril 2018. (Crédit : AP Photo/Efrem Lukatsky)

Scott Lasensky, précédemment aux affaires au département d’État sous l’administration Obama et actuellement professeur d’études israéliennes à l’Université du Maryland, a déclaré que les Israéliens étaient prédisposés à considérer Poutine avec bienveillance en raison de son philosémitisme – une amitié envers les Juifs qui contraste avec les siècles d’hostilité antisémite des tsars, puis des Soviétiques.

Il s’est rappelé la visite de Poutine en Israël en 2014 et sa rencontre avec son ancien professeur d’allemand, une femme juive qui avait ultérieurement émigré en Israël. (Poutine avait eu besoin de parler allemand dans le cadre de ses fonctions d’officier du KGB stationné en Allemagne de l’Est.) « Ils avaient impressionné Poutine », a déclaré Lasensky à propos du gouvernement israélien.

« C’est un type de relation différent, et ils en ont gardé le côté chaleureux », a ajouté Lasensky, relevant en outre que la Russie autorisait les Israéliens à voyager sans visa, ce que les États-Unis ne permettaient pas.

Lorsqu’en 2014, les États-Unis avaient promu une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’annexion de la Crimée par la Russie, Israël s’était abstenue, rompant avec une longue pratique de vote conforme avec les États-Unis, sur des questions parfois des plus obscures.

Afficher sa gratitude pour un traitement favorable et ignorer d’évidentes violations, comme peut l’être l’invasion d’un voisin pacifique est une marque du « Juif de Cour », a déclaré Sharansky, et indigne d’un État juif.

« Nous sommes à un moment de l’histoire où nous avons un État – nous ne pouvons pas nous permettre que notre État devienne un ‘État courtisan’ », a déclaré Sharansky. « Ce leader remet en question tous les principes du monde libre, toutes les valeurs sur lesquelles l’État juif est construit. Et nous ne pouvons pas simplement nous taire et dire ‘merci pour ce que vous faites’ sans dommage. »

Lasensky a également fait référence au « Juif de Cour », l’intermédiaire qui plaide la cause de sa communauté devant les autorités.

« On retrouve certains éléments d’une tendance politique juive classique appelée ‘shtadlanut’ », un terme hébreu qui signifie « intercesseur », a-t-il indiqué. « C’est une sorte de quiétisme qui renforce le dilemme d’être un petit État » au milieu de superpuissances.

Sharansky a également identifié une ligne de fracture parmi les sionistes, antérieure à la constitution de l’État juif. De la fumée s’élève au-dessus d’une base de défense aérienne, à la suite d’une frappe russe présumée à Marioupol, en Ukraine, le jeudi 24 février 2022. (Crédit : AP Photo/Evgeniy Maloletka)

Lapid, qui dirige le parti Yesh Atid (« Il y a un avenir »), incarne le sionisme laïc de gauche qui a façonné Israël depuis sa fondation jusqu’aux années 1970. À cette époque, Israël se considérait comme égal des nations du monde, désireux de s’engager dans les crises et les succès de l’ordre mondial international, à l’instar de toute autre nation.

Bennett, qui dirige le parti Yamina (« À droite »), représente le sionisme religieux et nationaliste, qui a prévalu pendant les 45 dernières années, à quelques exceptions près. Pour ce parti, le rôle d’Israël est avant tout d’assurer la protection des Juifs, même au prix de l’aliénation des alliés.

Pour Lipner, Israël devrait finir par rejoindre les rangs occidentaux, où le pays a connu l’essentiel de ses succès tout au long de son existence. « Ce rôle de ‘bon flic, mauvais flic’ » n’est pas tenable : il n’est pas possible pour Israël de dire une chose aux Russes et son contraire le lendemain, a-t-il dit.

« Il est impossible de faire cause commune avec la Russie contre l’Occident tout entier. »

Lapid et Bennett ont déjà promis une aide humanitaire à l’Ukraine.

Au-delà, a déclaré Sharansky, Israël devrait être prêt à se joindre aux sanctions que l’administration Biden attend de ses alliés.

Schanzer a déclaré qu’Israël pourrait également jouer un rôle discret en utilisant ses capacités éprouvées dans la cyber-guerre.

« Les prouesses israéliennes dans le domaine cybernétique sont de notoriété publique », a-t-il déclaré. « Et il y a de fortes craintes de cyber-attaques russes en réponse aux sanctions ou autres mesures prises par l’Occident. Israël pourrait ainsi être les yeux et les oreilles, sinon le bouclier, de ses alliés occidentaux. »

Schanzer a également déclaré qu’Israël pourrait servir d’intermédiaire dans le conflit, étant l’un des rares pays à entretenir de bonnes relations à la fois avec la Russie et les États-Unis.

« Je ne sais pas dans quelle mesure il souhaite ce rôle, mais Israël serait considéré comme une tierce partie neutre », a-t-il conclu.

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« Héros » ou « bâtard »: les Israéliens russophones divisés sur Poutine et sur la guerre

« Je lui graverais une croix gammée sur le front », s’exclame un immigrant ukrainien ; l’invasion entraîne toute une gamme d’émotions chez les expatriés

Des manifestants brandissent des pancartes et des drapeaux durant une manifestation de rue contre l’invasion par la Russie de l’Ukraine, devant l’ambassade de Russie à Tel Aviv, le 24 février 2022. Photo Tomer Neuberg/Flash90

HAIFA (JTA) — L’invasion de l’Ukraine par les Russes est survenue à plus de 2500 kilomètres au nord de la ville portuaire de Haïfa, en Israël. Et pourtant, un grand nombre de russophones évoquent le conflit comme s’il était en train de se dérouler tout à côté.

« Ce matin, j’ai mis la radio et j’ai entendu la nouvelle. J’ai été en état de choc, dans un état de détresse profond, toute la journée », explique fébrilement Alex Plotkin, manager d’une usine âgé de 46 ans qui est né en Biélorussie et dont l’épouse est née en Ukraine à JTA, dans la journée de jeudi. Il conserve un écouteur BlueTooth à l’oreille pour ne pas manquer les nouvelles informations qui pourraient être transmises sur l’évolution de la situation.

Durant les semaines d’escalade qui ont mené à l’invasion russe, des drapeaux ukrainiens ont été accrochés à de multiples habitations de Haïfa, où les immigrants de l’ex-Union soviétique représentent environ 23 % de la population de la ville qui compte approximativement 280 000 résidents, selon les statistiques du gouvernement.

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Mais cet affichage de solidarité avec l’Ukraine n’est que l’un des réponses visibles dans toute une gamme de réactions et d’émotions qui sont aussi diverses que la minorité qui les expriment – des réactions qui vont du désintérêt au soutien passionné en faveur des uns ou des autres.

Malgré leurs différences, de nombreux russophones israéliens originaires des deux côtés de la frontière qui sépare l’Ukraine et la Russie – ou originaires d’autres nations qui appartenaient, dans le passé, à l’Union soviétique – semblent partager la même inquiétude face aux potentielles pertes humaines dans les deux camps, et la même répugnance à cette idée.

Plotkin, dont la Biélorussie, son pays natal, est une alliée de la Russie et une base d’opérations russe dans sa campagne d’invasion de l’Ukraine voisine, dit craindre pour les proches de son épouse qui habitent Kiev, la capitale ukrainienne. Il ajoute néanmoins que « je comprends que les Russes ne veuillent pas que l’Ukraine devienne membre de l’OTAN. Elle se trouve sur le seuil de la Russie. Il n’y a pas de gentils et de méchants dans cette histoire ».

Oleksander Gominyuk, un septuagénaire à la retraite qui a quitté Kiev pour s’installer en Israël il y a 22 ans, ne se soucie guère de se montrer impartial. « Je tuerais moi-même ce bâtard si j’en avais la possibilité », dit-il en parlant du président russe Vladimir Poutine. Dans cette image extraite d’une video diffusée par le service de presse de la présidence russe, le Président russe Vladimir Poutine s’adresse à la nation depuis Moscou, Russie, 24 février 2022. (Service de presse de la présidence russe via AP)

« Mais d’abord, je lui graverais une croix gammée sur le front », ajoute-t-il, mimant ce geste (pendant la Seconde guerre mondiale, les partisans auraient parfois gravé des croix gammées sur les fronts des soldats allemands capturés ou décédés, une pratique que Quentin Tarantino avait incluse dans son film « Inglourious Basterds » en 2009.)

La voix submergée d’émotion, Gominyuk explique dans un hébreu approximatif qu’il a une fille qui vit à Kiev et qui « a peur pour sa vie. Je n’ai pas besoin d’écouter les nouvelles. Ma fille me dit tout et nous parlons en permanence ».

Laissant échapper un juron, Gominyuk enlève ses lunettes aux verres épais et il s’essuie les yeux d’un geste furtif avant de retourner charger ses courses alimentaires achetées chez Rosman dans le coffre d’une vieille Peugeot dont le modèle remonte à au moins vingt ans. Le magasin est l’une des 18 franchises, à Haïfa seulement, d’une chaîne non-casher à destination des russophones qui avait été établie en 1996.

Cette fureur est partagée par de nombreuses personnes en Israël, où plus d’un million d’immigrants originaires de l’ex-Union soviétique se sont installés depuis son effondrement en 1990, des immigrants majoritairement venus depuis la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Jeudi soir, des centaines de manifestants qui se sont réunis aux abords de l’ambassade russe de Tel Aviv, brandissant des drapeaux aux couleurs de l’Ukraine et scandant des slogans politiques défavorables à Poutine – voire des insultes.

Si aucun drapeau russe n’est visible aux abords des habitations de Haïfa, certains Juifs israéliens soutiennent la Russie tout aussi passionnément. Des manifestants brandissent des pancartes et des drapeaux durant une manifestation de rue contre l’invasion par la Russie de l’Ukraine, devant l’ambassade de Russie à Tel Aviv, le 24 février 2022. Photo Tomer Neuberg/Flash90

Peut-être l’un des défenseurs de Poutine les plus reconnaissables du pays est-il Semyon Grafman, un comédien de 46 ans et YouTubeur de Bat Yam, à proximité de Tel Aviv, qui est né dans une ville de l’Est de l’Ukraine, Dnipo, et qui a immigré au sein de l’État juif en 1990.

« Israël frappe la Syrie en violation du droit international et à chaque fois qu’un pays étranger y fait entrer des armes, et j’espère bien que ça va continuer ainsi. C’est notre droit existentiel. En Ukraine, Poutine fait actuellement la même chose », a-t-il expliqué sur la Treizième chaîne. Semyon Grafman dans une vidéo de sa chaîne YouTube, le 30 septembre 2017. (Crédit : Semyon Grafman/YouTube)

Vera Veinberg, qui vit à Eilat, qui est employée dans le secteur du tourisme et qui est née en Crimée, la partie de l’Ukraine qui avait été annexée par la Russie en 2014, paraît jubiler face à l’invasion russe qui, selon elle, vient venger les bombardements faits par l’Ukraine dans les territoires détenus depuis 2014 par les séparatistes pro-russes.

« L’Ukraine a eu huit ans pour tout arrêter mais elle choisit aujourd’hui d’accuser la Russie d’agression. Eh bien, la Russie entre finalement en guerre avec huit ans de retard mais quel spectacle », écrit-elle sur Facebook.

« Pour moi, c’est la faute des États-Unis », commente pour sa part Ella Bolgak, une mère de deux enfants de 33 ans qui habite Kiryat Chaim, un quartier du nord de Haïfa, et qui est assistante dentaire. Elle est née à Mykolaiv, à proximité d’Odessa, dans le sud de l’Ukraine. « S’ils n’avaient pas rejeté la Russie de l’OTAN, s’ils n’avaient pas prolongé l’adhésion de l’Ukraine, tout ça aurait pu être évité. »

Bolgak a quitté l’Ukraine pour l’Allemagne quand elle avait huit ans et elle a vécu là-bas jusqu’à son Alyah – qui désigne, en hébreu, l’immigration en Israël sous les dispositions relatives au Droit du retour pour les Juifs et leurs proches – à l’âge de 21 ans.

Mais l’Ukraine reste chère à son cœur, ajoute-t-elle.

« J’ai une grand-mère qui est âgée de 92 ans et qui vit à Mykolaiv. Je me fais du souci pour elle. Et ma grand-mère s’inquiète aussi pour l’un de mes cousins qui vit à Mykolaiv parce qu’elle a peur qu’il soit mobilisé dans l’armée. Alors ce qui arrive là-bas m’affecte personnellement », continue-t-elle. « Je suis horrifiée par les violences de la Russie. Mais j’ai vécu là-bas et j’ai suffisamment vu de choses pour comprendre les deux angles. Il n’y a pas de bons et de méchants ici. » Les pompiers travaillent sur un incendie dans un bâtiment qui a été bombardé par la Russie dans la ville de Chuguiv, dans l’est de l’Ukraine, le 24 février 2022. (Aris Messinis/AFP)

Bolgak dit ressentir un soulagement à l’idée de vivre aujourd’hui en Israël.

« Je constate qu’en Russie, il n’y a pas une seule voix d’opposition. En Ukraine, il y a un nationalisme qui pousse à prendre de mauvaises décisions. Je suis heureuse que mes enfants puissent grandir ici, loin de cette folie », s’exclame-t-elle en poussant sa petite fille sur une balançoire du parc Achi Eilat de Haïfa, qui porte le nom d’un navire israélien que les bateaux de guerre égyptiens avaient coulé en 1967.

Des siècles de persécutions antisémites des Juifs par les Ukrainiens et par les Russes ethniques, la collaboration plus récente d’un grand nombre d’Ukrainiens avec les nazis ainsi que la répression brutale des Juifs en Union soviétique, ont amoindri la solidarité que de nombreux Juifs – et en particulier ceux qui vivent en Israël – sont en mesure de ressentir pour les deux parties, confient plusieurs immigrants au sein de l’État juif à JTA.

Comme Bolgak, Plotkin, le manager d’usine, dit avoir ressenti un fort lien avec le conflit en raison de ses origines et de ses proches qui souffrent actuellement en Ukraine tout en éprouvant une sorte de détachement, son identité entretenant aujourd’hui un lien plus ferme avec Israël qu’avec cette partie du monde.

« Ici, c’est chez moi – là-bas, ce n’est pas chez moi. Je ne suis pas biélorusse, mon épouse n’est pas ukrainienne. Nous sommes Israéliens », martèle Plotkin, qui porte un collier arborant une grande étoile de David. Mais il se dit « profondément attristé par la terrible tragédie humaine qui est en train d’avoir lieu. Des frères qui prennent les armes. Deux nations sœurs, qui se rejoignent dans le langage, la culture, la vision du monde et les relations familiales… Je veux dire que c’est véritablement tragique, même si on n’est pas soi-même issu de cette partie du monde ».