Salariés non-vaccinés… licenciés ?

NdlR : le débat fait déjà rage en Israël. Bientôt en France dès la fin de la vaccination ? Les gouvernements peuvent effectivement demander aux entreprises privées de faire le sale boulot à leur place.Privés de travail, ceux qui n’acceptent pas le vaccin – quelle que soit sa marque :-) – ne pourront dès lors ni vendre ni acheter. Apparenté à une démission volontaire, il est peu probable de pouvoir prétendre aux indemnisations chômage.  

Salariés vaccinés ou non-vaccinés : les employeurs en pleine confusion. La réouverture de l’économie suppose un équilibre entre santé publique et droits individuels et certains refusent d’être vaccinés. Le gouvernement n’a pas encore pris de décision

« Les gouvernements rechignent à forcer les gens à se faire vacciner. En revanche, les entreprises peuvent employer des moyens autres que ceux des gouvernements écrit Schreiber. « En tant qu’employeurs, nous sommes libres de demander à nos employés de se conformer aux règles de sécurité au travail, dont devrait faire partie la vaccination pour la COVID-19. (bien évidemment avec quelques aménagements pour les cas médicaux rares ou des restrictions religieuses encore plus rares.) Ainsi, en utilisant des outils pédagogiques, les entreprises peuvent influer pour mettre un terme à l’épidémie. »
« Il y a un mélange de droits – avec d’un côté les droits individuels, qui sont des droits très importants qu’il faut que personne n’entrave et, de l’autre côté, il y a cette nécessité de protéger le public », précise Feinberg. « Mais il est impossible de laisser l’individu imposer sa volonté au détriment du public », ajoute-t-il. « Si vous pesez le pour et le contre, l’entrave faite aux droits individuels et les droits du public, c’est le public qui l’emporte ».

Depuis qu’Israël sort progressivement du dernier confinement et que l’économie a été particulièrement touchée, les entreprises s’interrogent sur la manière dont ils vont gérer les travailleurs selon qu’ils sont vaccinés ou non, d’autant que le gouvernement n’a pas donné de lignes directrices claires.

La gestion du retour à la normale en Israël pourrait constituer un modèle pour le reste du monde. Dans la mesure où la campagne de vaccination est à bien des égards en avance par rapport à d’autres pays, la réouverture de l’économie, des écoles et des lieux culturels oblige à confronter la question des droits des individus dont certains refusent d’être vaccinés, et le bien collectif.

Dimanche dernier, le pays a ainsi commencé à lever certaines restrictions imposées dans le cadre du troisième confinement, commencé fin décembre pour freiner la propagation de la COVID-19. Plus d’écoles ont pu rouvrir et l’activité commerciale a pu reprendre.

Depuis dimanche dernier, les commerces de rue, les centres commerciaux, les marchés, les musées et les librairies ont rouvert. Les salles de sport, les événements sportifs et culturels, les hôtels et les piscines ont été rouverts à l’intention de ceux qui ont été vaccinés ou qui ont guéri de la COVID-19.

Mais cette situation amène à de nouvelles questions concernant les personnes qui sont vaccinées et celles qui ne le sont pas. Un employeur a-t-il le droit d’obliger ses ouvriers à se faire vacciner ? Ont-ils même le droit de leur demander s’ils l’ont été ? Et que se passe-t-il s’ils refusent de répondre. Un employeur peut-il favoriser un employé vacciné au détriment d’un autre ? Doivent-ils encourager la vaccination en organisant expressément des lieux dans l’entreprise en échange d’avantages ? Et qu’adviendrait-il des employés qui ne peuvent pas être vaccinés, y compris pour raisons médicales ?

Au début du mois, les centres commerciaux en extérieur Big présents ont déclaré qu’à partir de la mi-mars, il n’autoriserait pas l’accès aux employés, fournisseurs et visiteurs non vaccinés.

Le 10 février, Shai Wininger, entrepreneur technologique israélien, cofondateur et directeur d’exploitation de la société d’assurances Lemonade, basée à New York, a déclaré sur Facebook qu’il n’accepterait de rencontrer en présentiel que des personnes vaccinées, afin d’influencer ceux qui demeurent sur la défensive.

Une directive faite par une entreprise associée à des séances de formation, permettrait de répondre à l’urgence tout en apportant plus d’assurance pour changer de paradigme, a écrit Daniel Schreiber, co-fondateur et PDG de Lemonade dans un article publié sur son blog en décembre.

« Les gouvernements rechignent à forcer les gens à se faire vacciner. En revanche, les entreprises peuvent employer des moyens autres que ceux des gouvernements écrit Schreiber. « En tant qu’employeurs, nous sommes libres de demander à nos employés de se conformer aux règles de sécurité au travail, dont devrait faire partie la vaccination pour la COVID-19. (bien évidemment avec quelques aménagements pour les cas médicaux rares ou des restrictions religieuses encore plus rares.) Ainsi, en utilisant des outils pédagogiques, les entreprises peuvent influer pour mettre un terme à l’épidémie. »

Le gouvernement israélien n’a pas encore établi de lignes directrices claires. Le ministre de la Santé Yuli Edelstein a récemment déclaré qu’il allait proposer une loi qui permettrait aux employeurs d’interdire à leurs employés non vaccinés de se rendre à leur travail. Ceux qui travaillent dans le domaine de l’Éducation et qui refusent de se faire vacciner devraient alors se faire tester toutes les 48 heures à leurs frais s’ils veulent continuer à enseigner. Raz Nizri, le procureur général adjoint a ajouté que la seule manière de limiter l’entrée des enseignants non vaccinés dans les écoles ne pourrait se faire que par la loi.

« Le gouvernement n’est pas à la hauteur », a déclaré l’avocat Nachum Feinberg, dont la société N. Feinberg & Co., basée à Ramat Gan, a présenté une sorte de « guide pour l’employeur indécis » à la demande de l’Association des fabricants d’Israël. Cela aurait dû être du ressort du gouvernement d’édicter des normes et non aux employeurs », a-t-il précisé.

« Le terrain est obligé de donner le ton ». « Il aurait été préférable d’éviter cette incertitude par la loi. »

Des professeurs de droit et de philosophie à l’Université hébraïque de Jérusalem ont également présenté une requête à l’intention du procureur général, du ministère de la Justice et du ministère de la Santé.

« Nous considérons que les réflexions sur ces sujets sont mal structurées. Aucune orientation n’a permis une analyse approfondie de ces sujets, » explique Netta Barak-Corren, professeure associée en droit à l’Université hébraïque dans un entretien téléphonique. « Il y a eu des discussions publiques sur les réseaux sociaux sur ce qui doit être fait et ce qui est justifié. Mais il n’y a aucune analyse écrite sur le sujet. Nous pensons qu’il serait utile de forger un cadre analytique qui pourrait être utile à d’autres. »

L’articulation entre les droits individuels et publics est encore un territoire vierge, qui possède des zones grises, mais aussi beaucoup de lignes rouges qui ne peuvent être franchies.

Dans un entretien téléphonique, Amir Fuchs, chercheur à l’Israel Democracy Institute a considéré que le sujet est loin d’être trivial.

« Il est clair que l’on ne peut forcer personne à être vacciné et il n’existe aucune loi aujourd’hui permettant à des employeurs de contrôler la situation médicale de leurs employés. Peut-être que le Parlement votera un jour sur cette question, mais aujourd’hui c’est juste impossible. »

De la même manière qu’un employeur ne peut demander à un employé quel est son taux de sucre, il en est de même concernant le vaccin, au nom des droits des patients et de la confidentialité. »

“On peut encourager des employés à se faire vacciner, mais en aucun cas on ne peut les y obliger. Si la Knesset passait une telle loi, elle porterait atteinte aux droits à la vie privée. Il faudrait donc être certain qu’elle soit proportionnée ».

“On peut demander aux individus qui entrent dans des magasins ou des lieux de distraction s’ils ont été vaccinés, car ce ne sont pas des activités essentielles. Mais concernant le travail, c’est complètement différent, car cela demeure une activité essentielle. Il serait possible de demander aux employés qui tiennent à venir au travail à fournir un test corona. Dans le cas contraire, ils pourraient travailler de chez eux.

Check Point Software Technologies, la plus grande entreprise de cybersécurité du pays, a fait travailler ses employés à la fois à domicile et au bureau. Avant d’entrer, les employés ont dû remplir un formulaire qui évaluait leur niveau de risque. Il leur était demandé s’ils utilisaient les transports en commun, s’ils étaient fumeurs, s’ils partageaient leur foyer avec des personnes âgées. Selon leurs réponses, ils avaient le droit d’avoir accès à telle ou telle zone de travail.

Aujourd’hui alors que les vaccinations se sont généralisées, la société tente de retrouver un semblant de normalité en jonglant à la fois entre les employés vaccinés et les autres.

« Nous remettons un bracelet vert aux employés qui ont été vaccinés », explique Gil Messing, chef de la communication de l’entreprise dans le monde, au cours d’un entretien téléphonique. « Cela permettra aux employés de se déplacer librement entre les bâtiments, de prendre part aux réunions dans la même pièce – le port du masque reste obligatoire – ou d’utiliser les salles de loisirs ou de yoga. Ils pourront accéder à tous ces avantages qui nous autoriseront enfin à retrouver la vie d’avant la pandémie. Toutes ces salles, qui ont été fermées depuis l’apparition de l’épidémie, ne rouvriront que pour ceux qui ont été vaccinés ou qui ont guéri de la maladie ».

Les employés seront encore néanmoins dans l’obligation de se couvrir le visage, où qu’ils aillent.

Les personnes non-vaccinées ou qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas l’être continueront de leur côté leurs activités en télétravail et, s’ils veulent venir au bureau, ils devront remplir le questionnaire et ils seront soumis à des limitations plus astreignantes.

Mais la compagnie a décidé qu’à partir du 1er avril, seuls les employés ayant été vaccinés pourront s’aventurer dans les bureaux. Les autres continueront leur travail depuis leurs habitations ou ils devront montrer un test PCR négatif lorsqu’ils se rendront dans les locaux de l’entreprise.

La majorité des travailleurs, au sein de Check Point, ont été vaccinés, selon Messing, et ceux qui ne l’ont pas été n’ont seulement pas eu l’occasion de l’être et ne s’opposent pas idéologiquement à l’idée. « L’âge moyen de nos employés est de 34 ans », note-t-il. « Pour encourager ceux qui ne se sont pas encore faits administrer le vaccin, nous pensons à organiser les vaccinations dans nos bureaux ».

Ces règles s’appliquent aux 2 400 employés de Check Point en Israël, poursuit-il. Mais il se pourrait bien qu’elles en viennent à être mises en place dans tous les bureaux de l’entreprise dans le monde, le moment venu. « De nombreuses choses que nous commençons, ici, sont finalement déployées dans toutes nos branches internationales », dit Messing. La firme emploie environ mille personnes aux Etats-Unis, qui sont actuellement en télétravail. 5 400 personnes travaillent, au total, chez Check Point, Israël compris.

Les experts de l’université Hébraïque et les avocats du cabinet Feinberg ont estimé de concert qu’en termes d’évaluation de la santé publique et des droits individuels dans le contexte très spécifique de la pandémie, c’était la préoccupation de la santé publique qui prenait le dessus avec la mise en place de mesures à la fois proportionnées et appropriées.

Ainsi, dans son plan politique, Feinberg a estimé que jusqu’à ce qu’il y ait une législation, les employeurs pouvaient utiliser des « outils proportionnés » pour garantir la sécurité de leurs employés.

Les avocats utilisent le cadre légal pour apporter leurs réponses : Les patrons ont le droit de demander à ceux qui travaillent sous leurs ordres s’ils sont vaccinés ou non parce que cela garantit la sécurité des personnels face à une éventuelle infection par un tiers, et les employés qui refusent de répondre à la question doivent, pour leur part, être considérés comme non-vaccinés.

Il est impossible de laisser l’individu imposer sa volonté au détriment du public

Il est également possible de mettre en place différents arrangements de travail pour les personnes vaccinées ou ayant guéri de la COVID-19 et les autres – comme permettre des réunions en présentiel ou l’entrée à la cafétéria. Il est possible de conditionner l’entrée des employés sur le lieu de travail à la présentation d’un certificat ou d’un test actualisé, comme il est possible de récompenser les personnes vaccinées en leur offrant une journée de congé supplémentaire ou des cadeaux, ont déclaré les avocats.

Les employeurs peuvent aussi installer une salle de vaccination dans les locaux de l’entreprise ou organiser un système de transport vers un centre de vaccination pour les salariés.

« Il y a un mélange de droits – avec d’un côté les droits individuels, qui sont des droits très importants qu’il faut que personne n’entrave et, de l’autre côté, il y a cette nécessité de protéger le public », précise Feinberg.

« Mais il est impossible de laisser l’individu imposer sa volonté au détriment du public », ajoute-t-il. « Si vous pesez le pour et le contre, l’entrave faite aux droits individuels et les droits du public, c’est le public qui l’emporte ».

Ceux qui ne sont pas vaccinés peuvent choisir de travailler de chez eux, continue-t-il, ou fournir un test de dépistage réactualisé à l’employeur toutes les 48 heures s’ils veulent venir au bureau. C’est seulement s’ils ne répondent pas à ces exigences que l’employeur pourra les mettre en congé sans solde et finalement, en l’absence d’une autre solution, qu’ils pourront les licencier sous des conditions spécifiques. Les travailleurs qui sont dans l’incapacité, pour des raisons de santé ou autres, de se faire vacciner doivent, pour leur part, être autorisés à travailler depuis chez eux ou dans un bureau à l’écart au sein de l’entreprise, et il peut leur être demandé de montrer un test de dépistage au coronavirus.

« Nous sommes dans une situation exceptionnelle et extrême », une situation jusqu’alors inconnue dans le droit du Travail, ont écrit les avocats du cabinet Feinberg dans leur avis juridique.

De la même manière que la loi a imposé le port du casque aux motards, entravant leur droit à choisir, une législation similaire doit être établie pour protéger les salariés vaccinés.

« Cette tension existe en permanence – entre les droits de l’individu et les droits du public – pour précisément protéger le public », dit Feinberg. « Une personne à moto, sans casque, deviendra un fardeau pour les fonds publics si elle se blesse ».

Mais les experts de l’université Hébraïque affirment pour leur part qu’aucune nouvelle loi n’est nécessaire et qu’une ordonnance sanitaire publique peut être utilisée pour limiter l’entrée des personnes vaccinées dans des lieux publics ou pour ordonner à des membres spécifiques du même public de se faire vacciner si de telles mesures sont nécessaires pour des raisons médicales ou épidémiologiques. Ces limitations doivent néanmoins être « justifiées et proportionnées, morales et légales », écrivent-ils.

La politique d’immunisation adoptée pour prendre en charge l’épidémie de coronavirus et son impact sont « une affaire de santé publique, et non une affaire médicale qui serait unique et personnelle », disent les auteurs.

L’Ordonnance de santé publique avait été émise en 1940 pour prendre en charge les épidémies et autres menaces graves à la santé publique. Elle offre aux responsables du ministère de la Santé l’autorité nécessaire pour imposer des restrictions aux personnes non-vaccinées, et elle exige même la vaccination dans certains cas.

« En Israël et ailleurs, l’orientation donnée aux réponses à la pandémie a compris de restreindre les droits individuels et la grande question est de savoir quelles restrictions sont justifiées », explique Barak-Corren de l’université Hébraïque. « Le débat n’est pas de forcer physiquement un individu à recevoir le vaccin mais plutôt d’étudier si la société peut mettre en place des règles en faveur des personnes qui ont été vaccinées par rapport aux autres, alors que se profile notamment aujourd’hui la reprise des activités impliquant de grands rassemblements – après une année environ de fermeture ».

« Ce que nous disons, c’est que la pandémie de COVID-19 est un phénomène collectif qui exige une réponse sanitaire et publique coordonnée », ajoute-t-elle. « C’est différent des situations médicales personnelles où chaque personne vit une situation unique et est en droit de décider pour elle-même ce qu’elle veut faire. Une pandémie qui influence simultanément un si grand nombre, qui se développe de façon exponentielle et qui a un effet si large non seulement sur la santé individuelle, mais aussi sur l’économie et sur la santé psychique, nécessite la mise en œuvre de solutions systémiques ».

Le plan politique de l’université Hébraïque est destiné aux ministères de la Justice et de la Santé et il cherche à leur présenter la manière de mettre au point de telles mesures, les desseins qu’elles doivent servir et, de manière plus pragmatique, la façon de garantir qu’elles seront proportionnelles, explique-t-elle.

« Notre plan ne ferme aucunement le débat et il ne résout pas non plus toutes les questions difficiles. Nous ne nous sommes focalisés que sur certaines des questions qui se posent aujourd’hui » alors que la nation se prépare à rouvrir son économie et à un retour à la normale.

L’utilisation de l’Ordonnance de santé publique pour passer à l’acte dans le cadre de la pandémie est simplement « la première démarche nécessaire pour pouvoir justifier les restrictions de la liberté de l’être humain dans le cadre du droit constitutionnel israélien », poursuit Barak-Corren. L’État doit aussi prouver que son intérêt à utiliser l’ordonnance est justifiable et il doit s’assurer que les mesures ne représenteront pas « une restriction démesurée des libertés individuelles ».

Les auteurs de l’article de l’université Hébraïque évoquent quatre desseins qui justifieraient l’usage de l’ordonnance : la préservation de la santé publique ; le rétablissement économique ; l’incitation à la vaccination ; et la responsabilisation des personnes non-vaccinées, qui se trouveraient dans l’obligation de porter le fardeau de leur choix.

Les droits des personnes non-vaccinées doivent néanmoins être
préservés : Elles doivent pouvoir accéder aux activités qui leur sont vitales et répondre à leurs besoins essentiels – aller à la pharmacie ou à l’hôpital, par exemple – et elles doivent être autorisées à assister, quand c’est possible, aux événements en distanciel. Il doit pouvoir y avoir aussi l’option d’entrer dans les espaces publics, autant que c’est possible, en montrant un test de dépistage négatif récent, indique Barak-Corren.

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