Branle-bas de combat au Japon, alors que les autorités ont reconnu le 7 mai que 300 tonnes d’eau contaminée se déversaient chaque jour en mer. Le gouvernement japonais a décidé de s’impliquer directement : dans la bataille pour contenir le niveau toujours plus important d’eau radioactive qui s’échappe de la centrale de Fukushima, il veut aider Tepco [Tokyo Electric Power Co.], l’opérateur en charge de la centrale. Il s’agit d’un « problème urgent », a indiqué hier, 7 août, le Premier ministre, Shinzo Abe. 300 tonnes d’eau contaminée s’échappent chaque jour – l’équivalent d’une piscine olympique par semaine.
Que veut dire le mot « urgence » à la centrale de Fukushima Daiichi ? Ce mot a tellement été employé depuis deux ans et demi qu’on a du mal à croire à une urgence alors que Fukushima n’inquiète plus grand monde depuis longtemps. Et pourtant, ce mot vient d’être employé : selon l’agence Reuters, le responsable d’un groupe de travail sur Fukushima de la NRA – l’Autorité de régulation nucléaire du Japon – a annoncé lundi que Fukushima était dans une situation d’« urgence ». Shinji Kinjo n’est pourtant pas du genre à s’inquiéter d’habitude : le 15 mars 2011, après la troisième explosion à la centrale de Fukushima Daiichi, l’expert avait déclaré que l’augmentation de la radioactivité n’aurait pas d’effets immédiats sur la santé. C’est dire si ses propos publics aujourd’hui sont inquiétants !
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Manifestement, Tepco est débordé. Non seulement il doit toujours gérer l’arrivée de centaines de tonnes d’eau contaminée par jour, les fuites multiples et variées des réservoirs souterrains ou aériens et la contamination de la nappe phréatique et de l’océan qui sont de plus en plus radioactifs, mais il doit en plus trouver une solution à une découverte faite le 18 juillet 2013 par un ouvrier sous-traitant chargé de nettoyer les débris du niveau technique du réacteur n°3 : de la vapeur s’échappe du bâtiment en continu. Pour minimiser ce fait très gênant, Tepco l’explique en prétendant que de l’eau de pluie s’est infiltrée et s’évapore à cause de la chaleur.
Tepco nous fait un sketch sur une fuite connue depuis deux ans et demi en nous expliquant que ce n’est que de la pluie qui s’évapore alors que c’est le scénario du pire : il n’existe plus de confinement, la vapeur radioactive sort de l’enceinte de confinement comme d’une vieille cocotte minute ayant perdu son joint. On peut se demander pourquoi Tepco (et le gouvernement qui est actionnaire majoritaire) joue à ce petit jeu. Est-ce pour détourner l’attention de la contamination record de l’océan ? ou est-ce pour annoncer petit à petit, l’air de rien, que le Japon ne pourra pas gérer et payer tout seul cette catastrophe continuelle qui affecte le monde depuis 2 ans et demi ?
Il devient très critique de travailler dans cet environnement de plus en plus radioactif. L’ancien directeur de la centrale Fukushima Daiichi, Masao Yoshida, qui avait dirigé la gestion du site saccagé lors de la catastrophe de mars 2011, vient de mourir d’un cancer de l’œsophage à 58 ans. « M. Yoshida avait démissionné fin novembre 2011 pour raison de santé, mais sa maladie était restée confidentielle et sa dose de contamination n’a jamais été divulguée par Tepco [Tokyo Electric Power Company, l’opérateur de la centrale] », raconte le Nihon Keizai Shimbun.
JAPON • A Fukushima, Tepco débordé par l’eau contaminée
Le correspondant à Tokyo de The Australian note que Shinji Kinjo, responsable d’un groupe de travail à l’Autorité de régulation nucléaire (NRA), a déclaré à l’agence de presse Reuters qu’il y avait « urgence » à propos de la situation à Fuskushima. Des propos « peut-être destinés à augmenter la pression sur le Japon et Tepco, afin d’accélérer le processus de nettoyage de la centrale », avance le journaliste. « La notion de crise n’est pas très développée [chez Tepco] », a également déclaré Shinji Kinjo, « c’est pour cela qu’il ne faut pas laisser Tepco seule » pour s’occuper du nettoyage.
« Tepco n’a-t-il toujours rien appris, deux ans et quatre mois après le désastre nucléaire qui avait commencé à la centrale de Fukushima ? » interrogait le 29 juillet dernier un éditorial acerbe du Asahi Shimbun, critiquant les fautes répétées de l’opérateur. Désormais, « autoriser la compagnie à continuer de s’occuper de l’énergie nucléaire est tout simplement hors de question », estimait alors le journal, pour qui c’est « la NRA, par exemple, [qui] devrait maintenant diriger tous les aspects du nettoyage de Fukushima ».
- Courrier international
- | Paul Grisot
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L’ex-directeur de la centrale de Fukushima meurt d’un cancer
- Courrier international
En poste depuis 2010 à Daiichi, Masao Yoshida était très respecté par son équipe et avait confié au Mainichi Shimbun qu’il s’était préparé à mourir sur le site en réalisant à quel point la situation était critique. « M. Yoshida avait donné l’ordre de poursuivre le refroidissement des réacteurs par l’eau de mer, alors que le siège de Tepco avait ordonné l’interruption de cette opération depuis Tokyo », rappelle le Yomiuri Shimbun.
- 11 octobre 2011
Un employé d’une cinquantaine d’années est mort brusquement alors qu’il se rendait à la centrale de Fukushima Daiichi. Tepco (l’opérateur du site) affirme que ce décès est sans rapport avec les radiations ou la surcharge de travail, et soutient qu’il en va de même pour les récents décès de deux autres liquidateurs. « Le premier technicien est mort d’un infarctus, le deuxième d’une leucémie aiguë », rappelle l’Asahi Shimbun. Actuellement, 1 991 salariés travaillent actuellement dans la zone interdite de Fukushima et procèdent aux travaux de rétablissement.