Déménagement de l’ambassade US à Jérusalem : le double discours de TRUMP

Le Maroc prêt à « défendre Jérusalem Est » après des déclarations de Trump. La position de la Maison Blanche sur le transfert de son ambassade varie fréquemment ; sans écarter catégoriquement l’idée, Washington a indiqué que c’était encore « prématuré »

Rompant avec la ligne traditionnellement suivie par les Etats-Unis, Donald Trump avait promis lors de sa campagne électorale de reconnaître Jérusalem capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade américaine, au grand dam des Palestiniens et de la majeure partie de la communauté internationale.

Le 22 janvier, la Maison Blanche a semblé écarter une annonce imminente sur le transfert de son ambassade.

Dans un message adressé lundi au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et cité par l’agence de presse officielle marocaine MAP, le roi Mohammed VI se dit prêt à « coordonner avec les pays « frères et amis » la défense, par « tous les moyens juridiques, politiques et diplomatiques disponibles, du statut juridique d’Al Qods-Est (Jérusalem-Est) (…) comme étant une partie intégrante des territoires palestiniens occupés ». Le souverain marocain est président du Comité Al-Qods, une organisation réunissant les soutiens de la cause palestinienne au sein du monde arabe. Le souverain réaffirme qu’il ne « ménagera aucun effort pour la défense de cette ville sainte, le soutien de ses habitants et la préservation de leurs droits légitimes, garantis par le droit international ». Mohammed VI explique avoir reçu une missive du président de l’AP « sur les dangers qui guettent la situation juridique d’Al-Qods (Jérusalem) occupée, notamment l’éventuel transfert par les Etats-Unis d’Amérique du siège de son ambassade en Israël » à Jérusalem. Le souverain appelle à « faire prévaloir la voix de la raison (…) et à s’abstenir de toute action unilatérale, contraire au droit international ».

Selon lui, Israël « exploite » les déclarations américaines « pour poursuivre sa politique contre le peuple palestinien ». En conclusion, il exprime son « soutien total et constant » à Abbas, afin de « mettre fin à l’occupation et d’établir l’Etat palestinien indépendant, avec Al-Qods Est pour capitale ».

Le président américain  Donald Trump pendant un entretien accordé à Fox News, le 26 janvier 2017. (Crédit : capture d'écran YouTube)Le président américain Donald Trump pendant un entretien accordé à Fox News, le 26 janvier 2017. (Crédit : capture d’écran YouTube)

« Je ne veux pas encore en parler. C’est prématuré », a expliqué Trump au commentateur de Fox News, Sean Hannity, au cours d’une vaste interview accordée depuis la Maison Blanche. Cet entretien s’est également intéressé à l’interdiction des réfugiés, au plan de construction d’un mur le long de la frontière mexicaine et au soutien apporté par le président américain au retour de l’utilisation de la torture. Le président a aussi refusé, jeudi, de se prononcer sur le gel d’un transfert d’un montant de 221 millions de dollars à l’Autorité palestinienne que son prédécesseur Barack Obama avait autorisé lors des dernières heures de son administration, le 20 janvier. « Nous verrons ce qu’il va se passer », a dit Trump. « Je ne veux pas en parler ».

L’administration Trump a informé l’AP en début de semaine qu’elle procédait au gel de ce transfert. Le Département d’Etat a expliqué qu’il examinerait le paiement et qu’il pourrait l’adapter pour garantir qu’il correspond bien aux priorités définies par le nouveau gouvernement.

Le président a également salué une reprise des relations avec l’état juif qui, a-t-il dit, est survenue dès qu’il a prêté serment, vendredi dernier. La relation a été réparée « dès que j’ai pris mes fonctions », a-t-il expliqué, se référant aux relations qui étaient de notoriété publique difficiles entre Obama et le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

« Israël a été traité très injustement, et nous entretenons une bonne relation ».

Le candidat républicain à l'élection présidentielle américaine Donald Trump et le Premier ministre Benjamin Netanyahu à New York, le 25 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Les leaders arabes et occidentaux ont mis en garde contre une éventuelle « explosion » si Trump devait tenir sa promesse de campagne de relocaliser l’ambassade, certains responsables palestiniens qualifiant cette initiative de « déclaration de guerre ».

Tandis que la Maison Blanche a déjà démenti que ce déménagement pourrait se faire à court terme – le porte-parole Sean Spicer a déclaré en début de semaine qu » ‘aucune décision n’a été encore prise » sur la question – ce dossier reste épineux du côté des dirigeants arabes, avec des condamnations et des avertissements lancés presque quotidiennement.

Toutefois, un responsable des renseignements de l’armée israélienne a indiqué jeudi que si l’AP pourrait bien considérer le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem comme une « déclaration de guerre », les Palestiniens moyens ne semblaient pas aussi mobilisés que leurs dirigeants contre cette question. Le responsable, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat conformément aux règles militaires, a déclaré que les conversations dans les rues palestiniennes concernent bien davantage les problématiques intérieures. « Les faits ne démontrent pas que la population ait vraiment tendance ici » à exprimer une inquiétude face à cette initiative, a déclaré le responsable du Commandement central aux journalistes. « Les discussions en Cisjordanie portent plutôt sur la pénurie d’électricité dans la Bande de Gaza, pas sur l’ambassade », a-t-il ajouté.

L'ambassade américaine à Tel Aviv. (Crédit : Ori~/Wikimedia Commons/File)

De nombreux responsables élus israéliens ont exprimé leur enthousiasme face au transfert de l’ambassade qui, disent-ils, constituerait la reconnaissance officielle de Jérusalem en tant que capitale de l’état juif. Mais aujourd’hui, les alliés d’Israël semblent ne pas partager ce même point de vue. Ils estiment que la question doit être négociée avec les Palestiniens qui ont revendiqué Jérusalem-Est comme capitale de leur futur état. Les Palestiniens ont insinué qu’une telle initiative pourrait entraîner des actes de violence.

« Pour nous, le déplacement de l’ambassade à Jérusalem est une déclaration de guerre contre les musulmans », a déclaré Jibril Rajoub, membre du comité central du Fatah et président de l’Association palestinienne de Football au Times of Israël dans un entretien accordé au début de la semaine.

Jibril Rajoub, responsable du Fatah. (Crédit : Yossi Zamir/Flash 90)

« Nous parlons d’une mesure dangereuse qui n’apportera pas de stabilité sur le terrain », a-t-il poursuivi, ajoutant que cette mesure « contrevient aux résolutions précédentes des Nations unies et à la politique des Etats-Unis depuis 1967 ».

Les Jordaniens, qui sont restés engagés au niveau diplomatique dans les problématiques touchant Jérusalem, se sont aussi exprimés en défaveur de l’initiative proposée. Lors d’une rencontre avec le président de l’AP, Mahmoud Abbas, le roi Abdallah II de Jordanie a déclaré au début de la semaine qu’une telle mesure serait le « franchissement d’une ligne rouge ».

La Ligue arabe appelle Trump à revoir sa position sur Jérusalem :  « La Ligue arabe espère qu’il n’y aura pas de changement dans la position américaine qui considère Jérusalem comme une ville palestinienne occupée », a indiqué son secrétaire général adjoint

Le mur Occidental et le Dôme du Rocher dans la Vieille Ville de Jérusalem (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Rompant avec la ligne traditionnellement suivie par les Etats-Unis, Trump avait promis lors de sa campagne électorale de reconnaître Jérusalem capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade américaine, au grand dam des Palestiniens.

« La position exprimée par le président Trump lors de la période électorale doit être plus prudente », a souligné le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe pour les affaires palestiniennes, Saïd Abou Ali. « Nous espérons que la nouvelle administration américaine va revoir sa position, de manière à servir et préserver son rôle de médiateur dans le processus de paix », a-t-il souligné, dans des déclarations aux journalistes au Caire, où se trouve le siège de l’organisation pan-arabe.

« La Ligue arabe espère qu’il n’y aura pas de changement dans la position américaine qui considère Jérusalem comme une ville palestinienne occupée, a souligné Abou Ali. Transférer l’ambassade américaine à Jérusalem c’est porter atteinte aux droits du peuple palestinien et de sa capitale éternelle Jérusalem Est. »

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry expose sa vision de la paix entre Israéliens et Palestiniens, au département d'Etat de Washington, D.C., le 28 décembre 2016. (Crédit : Paul J. Richards/AFP)

L’ancien secrétaire d’Etat américain John Kerry avait récemment mis en garde contre le risque d’une « explosion absolue dans la région » en cas de déménagement de l’ambassade.  Mais le 22 janvier, la Maison Blanche avait semblé écarter l’hypothèse d’une annonce imminente sur un tel transfert. « Nous en sommes au tout début du processus consistant ne serait-ce qu’à aborder ce sujet », avait affirmé le porte-parole Sean Spicer.

Maison Blanche : “aucune décision” sur le déplacement de l’ambassade à Jérusalem. Interrogé sur cette mesure, Sean Spicer a répondu que “nous sommes aux tous premiers stades de ce processus de décision”

Sean Spicer, attaché de presse de la Maison Blanche, pendant la conférence de presse quotidienne de la Maison Blanche, le 23 janvier 2017. (Crédit : Nicholas Kamm/AFP)

Sean Spicer, attaché de presse de la Maison Blanche, pendant la conférence de presse quotidienne de la Maison Blanche, le 23 janvier 2017. (Crédit : Nicholas Kamm/AFP)

« Il n’y a aucune décision », a-t-il déclaré en conférence de presse, quand il lui a été demandé comment la nouvelle administration pensait qu’une telle mesure, promise par le président américain Donald Trump pendant sa campagne, servirait les intérêts stratégiques américains. « Nous sommes aux tous premiers stades de ce processus de décision. »

Spicer a déclaré que s’il le souhaitait, le président pouvait déplacer l’ambassade américaine par décret, mais il a indiqué que ce n’était pas à son programme pour l’instant. « C’est le tout début du processus, a-t-il déclaré. Son équipe va continuer de consulter le [département] d’Etat. »

La veille, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Trump avaient eu leur première conversation depuis l’investiture de ce dernier, pendant laquelle ils ont discuté de la menace iranienne et du processus de paix au Moyen Orient.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Donald Trump, alors candidat républicain à la présidentielle américaine, se rencontrent à la Trump Tower de New York, le 25 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)Ni la Maison Blanche, ni le bureau du Premier ministre n’ont mentionné le déplacement de l’ambassade après cette conversation.

Dimanche, Spicer a déclaré que les Etats-Unis n’en étaient qu’au « tout début du processus » de discuter de ce projet. Certains à Jérusalem avaient salué cette remarque, un signe que Washington se dirigeant réellement vers ce déplacement, souvent promis mais jamais réalisé. D’autres avaient cependant vu la déclaration comme une tentative de la Maison Blanche de diminuer les attentes pour un déplacement imminent de l’ambassade.  Cette tendance s’est poursuivie quand Joe Scarborough, journaliste de MSNBC qui parle régulièrement avec Trump, a déclaré dans son émission lundi matin que le président ne mettrait pas rapidement en œuvre ce projet, et chercherait d’abord à conclure un accord de paix régional.

La semaine dernière, Spicer avait envoyé un message résolument différent, disant aux journalistes de « rester connectés » car une annonce sur le déplacement de l’ambassade serait bientôt diffusée. Trump lui-même avait dit jeudi dernier au quotidien israélien Israël Hayom possédé par Sheldon Adelson qu’il n’avait « pas oublié » sa promesse, et que « vous savez que je ne suis pas quelqu’un qui ne tient pas ses promesses ». Mais maintenant qu’il a pris le pouvoir, l’équipe présidentielle envoie un message affirmant qu’il ne se précipitera pas pour tenir immédiatement sa promesse, et même qu’il ne la tiendra pas forcément.  « Si la décision était déjà prise, nous ne traverserions pas ce processus », a déclaré Spicer lundi.

Ambassade américaine : quelle stratégie pour Abbas et le roi de Jordanie ?

Le roi Abdallah II de Jordanie, à droite, avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas avant une réunion au Palais Royal d'Amman, le 12 novembre 2014. (Crédit : Khalil Mazraawi/AFP)

Le roi Abdallah II de Jordanie, à droite, avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas avant une réunion au Palais Royal d’Amman, le 12 novembre 2014. (Crédit : Khalil Mazraawi/AFP)

L’agence de presse palestinienne Wafa a rapporté qu’Abbas et le roi ont discuté de l’intention du président américain Donald Trump de déplacer l’ambassade américaine d’Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Ce projet a été condamné par les Palestiniens et Amman l’a qualifié de « ligne rouge ». Les deux dirigeants, qui se sont déjà rencontrés, ont également discuté des mesures nécessaires pour relancer le processus de paix avec Israël. La réunion s’est tenue dans le palais de Hussein, et a eu lieu avant un rassemblement de la Ligue arabe à Amman en mars. Après la réunion, Abbas a déclaré que les deux parties étaient d’accord sur « une série de mesures que nous prendrons si les États-Unis transféraient l’ambassade à Jérusalem », sans donner plus de précision.

 

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