ALLEMAGNE : profond malaise dans la communauté juive

Circoncision proscrite, violences antisémites, commémoration occultée – l’été 2012 a ébranlé de nombreuses certitudes dans la communauté juive…

« Ma colère n’a pas disparu, ma fureur ne s’est pas dissipée », a lancé à son auditoire Dieter Graumann, président du Conseil central des Juifs d’Allemagne à l’occasion de la commémoration des attentats des Jeux olympiques de Munich de [septembre] 1972. Il reproche aux membres du Comité international olympique (CIO) leur profonde indifférence, eux qui ont laissé les JO se poursuivre en 1972 et ont refusé d’organiser une cérémonie du souvenir aux JO de Londres 2012. Parce que seuls des athlètes juifs étaient morts ? Charlotte Knobloch, qui a succédé à Dieter Graumann, s’alarme dans nos colonnes: « Je me demande vraiment si ce pays veut encore de nous. » Le débat autour de la circoncision a « ébranlé ses convictions profondes ». Pour que Charlotte Knobloch tienne un tel propos, il faut bien qu’il se soit effectivement passé quelque chose entre la communauté juive et le reste de la société allemande.

Davantage que l’antisémitisme attendu des vieux nazis ou des jeunes arabes, c’est la trahison des citoyens ordinaires, du gros de la société, a priori allié, qui est plus difficile à supporter pour bon nombre de Juifs allemands. On en est revenu là. Ce n’est pas tant parce qu’un juge de Cologne a décidé que la circoncision constituait une blessure corporelle mais plutôt parce que cette décision a déclenché une avalanche de mépris, de préjugés et de haine contre les Juifs, telle que l’Allemagne n’avait encore jamais connue sous cette forme.

Les rabbins européens en colère

Suite au récent jugement controversédu tribunal de Cologne condamnant la pratique religieuse de la circoncision pour atteinte à l’intégrité physique d’enfants mineurs, les rabbins européens sont en ébullition. Réunis en conférence à Berlin le 12 juillet, ils ont dénoncé par la voix de leur président, le rabbin de Moscou Pinchas Goldschmidt, une décision qui, « si le jugement est confirmé et prend forme de loi, ne donnera plus aucun avenir aux Juifs en Allemagne », relate le magazine Stern. Les rabbins – qui rappellent les premiers interdits rituels sous le nazisme qui ont mené à l’Holocauste – jugent en outre « effrayant » qu’une majorité de la population approuve, selon les sondages, la décision du tribunal.

 

ALLEMAGNE • Malaise dans la communauté juive

 

Circoncision proscrite, violences antisémites, commémoration occultée – l’été 2012 a ébranlé de nombreuses certitudes dans la communauté juive. Réflexions d’un éditorialiste attentif au déséquilibre renaissant dans la société allemande.

17.09.2012 | Matthias Drobinski | Süddeutsche Zeitung

 

Cérémonie à Munich à l'occasion des 40 ans du massacre commis par un commando palestinien pendant les Jeux olympiques de 1972.© AFP

Cérémonie à Munich à l’occasion des 40 ans du massacre commis par un commando palestinien pendant les Jeux olympiques de 1972.

 

Le discours officiel, les figures rhétoriques et le vernis de réconciliation et d’optimisme ne sont pas de mise ici. « Ma colère n’a pas disparu, ma fureur ne s’est pas dissipée », a lancé à son auditoire Dieter Graumann, président du Conseil central des Juifs d’Allemagne à l’occasion de la commémoration des attentats des Jeux olympiques de Munich de [septembre] 1972. Il reproche aux membres du Comité international olympique (CIO) leur profonde indifférence, eux qui ont laissé les JO se poursuivre en 1972 et ont refusé d’organiser une cérémonie du souvenir aux JO de Londres 2012. Parce que seuls des athlètes juifs étaient morts ? Charlotte Knobloch, qui a succédé à Dieter Graumann, s’alarme dans nos colonnes: « Je me demande vraiment si ce pays veut encore de nous. » Le débat autour de la circoncision a « ébranlé ses convictions profondes ».Pour que Charlotte Knobloch tienne un tel propos, il faut bien qu’il se soit effectivement passé quelque chose entre la communauté juive et le reste de la société allemande. C’est elle qui avait contredit l’ancien président du Conseil central des Juifs, Ignatz Bubis [1927-1999], lorsqu’il avait déclaré qu’il n’était parvenu à rien lors de son mandat. Il s’est bien passé quelque chose pour que Dieter Graumann s’exprime avec une telle colère, lui qui s’était engagé à sortir les Juifs du « coin des râleurs ». Quelque chose s’est brisé ces dernières semaines entre une minorité et la majorité. D’anciennes fissures ont reparu. De vieilles blessures se sont réveillées. Les cicatrices des survivants se remettent à brûler. Celles de Charlotte Knobloch, bien sûr, elle qui, enfant, a dû vivre cachée pour échapper au bourreau, mais aussi celles de David Graumann, né en 1950, et que ses parents appelèrent Dieter dès son premier jour d’école afin qu’il ne soit pas identifié comme juif.Ce genre de cicatrice ne disparaît pas avec la mort des témoins de l’époque. Les lignes de rupture de 1967 refont surface – lorsque, pour bon nombre d’Allemands, l’Etat hébreu était passé avec la guerre des Six-Jours du statut de pays menacé à celui de force d’occupation et que la gauche, jusque-là alliée avec les Juifs pour lutter contre le racisme, avait embrassé le prétendu anti-impérialisme de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

C’est un malaise qui revient encore et toujours dans le rapport difficile entre les Juifs et la majorité du pays, car les Juifs ne peuvent jamais vraiment savoir de quel côté se trouvaient les parents et les grands-parents des personnes auxquelles ils s’adressent. Cela arrive lorsque des responsables politiques parlent de « ghetto » en revenant d’une visite dans un quartier palestinien ou que le pape – allemand – lève l’excommunication d’un négationniste.

Davantage que l’antisémitisme attendu des vieux nazis ou des jeunes arabes, c’est la trahison des citoyens ordinaires, du gros de la société, a priori allié, qui est plus difficile à supporter pour bon nombre de Juifs allemands. On en est revenu là. Ce n’est pas tant parce qu’un juge de Cologne a décidé que la circoncision constituait une blessure corporelle mais plutôt parce que cette décision a déclenché une avalanche de mépris, de préjugés et de haine contre les Juifs, telle que l’Allemagne n’avait encore jamais connue sous cette forme.

Une partie de cette colère [qu’expriment les dirigeants de la communauté] est injuste. Une partie provient du sentiment d’incertitude de la communauté au moment où les derniers survivants sont en train de disparaître et où personne ne peut dire à quoi elle ressemblera dans dix ans. Mais quand on est blessé, on ne tient pas un discours modéré. Quand on se sent menacé dans son existence (car oui, une interdiction de la circoncision toucherait à l’essence même de la religion juive), on ne donne pas dans la nuance. Quand on sent le sol se dérober sous ses pieds, on ne fait pas de la rhétorique des grands jours.

Ce n’est pas toujours facile de supporter cette explosion de colère mais il le faut, ce qui ne signifie pas qu’il faille éviter la polémique. Au contraire, cela signifie qu’il faut apprendre à voir dans la colère de « l’autre » son propre reflet, une mise à l’épreuve de sa propre civilité et une raison de s’inquiéter. Le reflet que nous tend aujourd’hui ce miroir n’est pas plaisant à regarder

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Les rabbins européens en colère

13.07.2012

Suite au récent jugement controversédu tribunal de Cologne condamnant la pratique religieuse de la circoncision pour atteinte à l’intégrité physique d’enfants mineurs, les rabbins européens sont en ébullition. Réunis en conférence à Berlin le 12 juillet, ils ont dénoncé par la voix de leur président, le rabbin de Moscou Pinchas Goldschmidt, une décision qui, « si le jugement est confirmé et prend forme de loi, ne donnera plus aucun avenir aux Juifs en Allemagne », relate le magazine Stern. Les rabbins – qui rappellent les premiers interdits rituels sous le nazisme qui ont mené à l’Holocauste – jugent en outre « effrayant » qu’une majorité de la population approuve, selon les sondages, la décision du tribunal.
 
« Voilà le crédo d’un Etat de droit », ironise la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le tribunal de grande instance de Cologne, dans l’ouest de l’Allemagne, a jugé que la circoncision chez l’enfant pour tout autre motif que médical était une « blessure corporelle volontaire ». A l’origine de ce verdict, le cas d’un jeune garçon musulman de 4 ans emmené aux urgences à cause de saignements consécutifs à sa circoncision, réalisée deux jours plus tôt par un médecin de la même confession à la demandé de la famille du garçon pour des motifs religieux.Le tribunal a en effet estimé que « le droit d’un enfant à son intégrité physique prime sur le droit des parents ». Cependant, le Conseil central des juifs d’Allemagne s’est indigné de ce jugement, et a fait appel au gouvernement pour qu’il « protège la liberté de religion », précise Der Tagesspiegel.

 
 

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