Que fabriquaient les bombardiers russes interceptés près des côtes françaises ?
Un Rafale et Mirage français ont intercepté deux bombardiers russes au-dessus de la Manche le 17 février près des côtes françaises.
Comme un parfum de guerre froide. Le 17 février dernier, au large des côtes françaises, deux bombardiers russes ont joué au chat et à la souris avec les avions de chasse de l’Otan. Sans incident, fort heureusement. L’information, qui n’a été dévoilée que lundi 7 mars par l’armée de l’air française, démontre que les Russes n’ont pas fini de jouer avec les nerfs de leurs voisins européens, le tout sur fond de tension diplomatique sur les dossiers syrien et ukrainien.
# Interceptés au large des côtes françaises
Les deux bombardiers lourds russes TU-160 ont d’abord été repérés dans la matinée du 17 février au large de la Norvège, avant qu’ils ne s’engagent dans le canal de la Manche à proximité des côtes britanniques. Alertés par ses radars, la Royal Air Force décide alors de faire décoller deux de ses avions de chasse, des Eurofighter Typhoon, pour interception. Avertie à son tour de l’approche des deux intrus russes à proximité des ses côtes, la France envoie dans la foulée deux de ses avions de chasse : un Rafale en provenance de Saint-Dizier (Haute-Marne) et un Mirage 2000 stationné en Bretagne.
Escortés de très près par les quatre chasseurs européens, les deux colosses des airs russes finissent par rebrousser chemin en milieu d’après-midi, à seulement quelques dizaines de kilomètres de la ville du Touquet.
« Les bombardiers ont décollé de Russie, ont contourné la Norvège, les îles anglaises, ont été ‘pris en compte’ par [la chasse] anglaise. Nous les avons pris en compte en Manche« , a résumé le général français André Lanata lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense (AJD).
Ce petit ballet aéronautique dans le ciel européen s’est déroulé sans incident. Pour l’éviter, les deux avions russes, capables chacun de transporter 12 à 25 missiles à charges nucléaires, sont d’ailleurs restés sagement au-dessus des eaux internationales. Histoire de ne pas provoquer leurs homologues de l’Otan, sur les dents depuis la répétition de plusieurs manoeuvres de ce type ces derniers mois.
# La France sur les dents
Ce n’est pas la première fois que les Russes s’amusent à envoyer plusieurs de leurs appareils chatouiller les côtes françaises. En janvier 2015, deux Tupolev avaient déclenché un instant la panique des services de défense de l’Otan, en s’approchant d’un peu trop près de leurs espaces aériens nationaux. Ne répondant pas aux appels radios, les deux avions avaient fini par faire demi-tour. Une provocation qui n’avait pas manqué de faire réagir publiquement le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian :
« J’ai constaté cette présence un peu intempestive de chasseurs, d’avions russes, qui sont venus se promener pour des raisons que j’ignore à proximité de nos côtes […]. Nous leur avons fait savoir que nous les avions vus et qu’il était souhaitable qu’ils se retirent. C’est ce qu’ils ont fait », avait lâché le ministre sur iTélé.
Et Jean-Yves Le Drian n’avait pas hésité à montrer les muscles :
« Nous leur avons fait savoir qu’ils devaient se retirer. Ils ne sont pas restés longtemps. »
# Une manoeuvre destinée à démontrer « la puissance retrouvée » de la Russie
Plus d’un an plus tard, impossible de savoir combien de fois la Russie a effectué ce type de manoeuvres provocatrices. Moscou nie systématiquement et l’armée française communique au compte-gouttes. La Grande muette, qui mérite une fois de plus son surnom, se contente de dire que cette « gesticulation russe n’est pas fréquente ».
Interrogée par « La Voix du Nord », Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste du monde russe, juge pour sa part que ces « violations de l’espace aérien, mais aussi maritime par les avions et les navires russes sont multiples », depuis le début de la crise en Ukraine en 2014.
D’après cette chercheuse de l’Institut français des relations internationales (IFRI), le message de Moscou est double : « démonstration de la nouvelle puissance retrouvée des forces armées russes et un test des capacités de réponse de l’Otan. »
Guillaume Stoll
NdlR : le message est clair. « Où on veut, quand on veut… »