Le film blasphématoire « Innocence of muslims »a déjà fait plusieurs morts depuis le 11 septembre 2012 : à qui profite cette provocation ?

Après la vague de violence antiaméricaine qui s’est emparée des pays arabes notamment le 11 septembre dernier, le monde s’interroge : s’agit-il d’actes isolés ou d’attaques coordonnées ? Dans tous les cas, la politique de Washington est sur la sellette et OBAMA  doit revoir sa copie à J-60 des élections ! Est-ce un hasard ?

L’affaire a tout du mauvais film : une production cinématographique à la paternité mal assumée, dont l’auteur prétend initialement être un Israélien vivant aux Etats-Unis, mais qui semblerait in fine être un Egyptien copte. Un film cinématographiquement nul, bêtement provocateur… Qui donne à ceux qui veulent en découdre avec l’Amérique une occasion en or de soulever des foules et des les lancer à l’assaut des ambassades américaines, et de brûler des drapeaux. Depuis l’affaire des caricatures de Mahomet, largement instrumentalisées elles aussi, le scénario est connu. Partout, le portrait d’OBAMA est brûlé…impact assuré sur l’opinion publique US !

La diffusion d’un extrait du film d’insultes anti-islam « L’Innocence des musulmans » a soulevé une vague de colère dans le monde arabe. Pour Thierry Meyssan, les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît car cette diffusion a d’abord été faite en arabe sur YouTube et sur la chaîne salafiste égyptienne Al Nas. Le film n’est pas destiné au public états-unien, ni même au public musulman, mais au seul public arabe. Sa diffusion a été effectuée par ceux-là même qui ont appelé à son interdiction. Qui se cache derrière cette provocation ?

Comment un film peut-il devenir une arme de destruction massive ? Comment un mauvais film peut-il décider du sort d’une élection présidentielle américaine ?

L’attaque du consulat américain à Benghazi qui a causé, le 11 septembre, la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens ainsi que celle de trois autres diplomates « peut-elle changer les choses au Maghreb et dans ce qu’il est convenu d’appeler les pays du ‘printemps arabe’ ? »s’inquiète le site tunisien Webdo. « Cette attaque meurtrière est apparemment ‘motivée’ par la diffusion d’un film [L’innocence des musulmans]insultant l’islam et son Prophète, ou bien était-elle une façon de ‘se remémorer le 11 septembre [2001]’ ? Va-t-elle amener l’administration américaine à changer de position à l’égard des tendances islamistes dont elle joue la carte à fond ?! »

« Car, l’attaque du consulat de Benghazi ne nous paraît pas aussi spontanée que cela, poursuit le site tunisien. Elle a été précédée le même jour par une manifestation au Caire et suivie, le lendemain, par deux autres, à Tunis et à Alger, dont les auteurs présumés seraient des salafistes. Autrement dit, cela s’est produit dans tous les pays d’Afrique du Nord, autrefois particulièrement tolérants (même si dans certains cas, ils peuvent témoigner leur indignation ou manifester leur colère contre ce genre de provocation gratuite à l’encontre de leurs symboles religieux) et qui apparaissent s’être transformés en ‘tanière’ pour les extrémistes islamistes dont certains sont armés, et donc dangereux pour la stabilité de leurs pays respectifs. »

« Personne ne peut affirmer l’existence d’une coordination entre les différents assaillants », estime pour sa part l’éditorial d’Al-Quds Al-Arabi. « En effet, l’attaque de l’ambassade américaine en Egypte revêt un caractère spontané. Il s’agit du débordement d’une foule en colère à l’encontre d’un groupe d’extrémistes coptes résidant aux Etats-Unis et impliqué dans la réalisation du film [ils l’auraient produit]. En revanche, l’attaque de l’ambassade américaine à Benghazi a été planifiée, comme en témoigne le choix de la date du 11 septembre pour son exécution. »

Pour certains, ISRAËL est derrière toute cette provocation. NETANYAHOU ne cache pas son impatience d’en découdre avec l’Iran et déstabiliser OBAMA à 2 mois de sa réélection annoncée est un message clair et sans ambiguïtée. La communication est une arme de guerre et le blasphème peut-il être envisagé comme une forme de communication !?

 

“L’innoncence de musulmans” interdit en Russie ?

18.09.2012

Après le visionnage du film, le parquet général de Russie a estimé que L’innocence des musulmans était « injurieux pour les croyants », et il a déposé une demande en justice afin qu’il soit classé comme « extrémiste », rapporte le quotidien moscovite Kommersant.Le film serait alors interdit sur le territoire russe.« C’est la première fois qu’est considéré comme extrémiste un film de fiction étranger pas encore traduit en russe, commente Pavel Tchikov, président de l’association interrégionale des organisations de défense des droits de l’homme Agora. Et c’est aussi la première œuvre antimusulmane concernée. »« Toute interdiction est une entrave à la liberté d’expression, mais pour une fois je ne suis pas contre ce genre de mesure prophylactique. Beaucoup de têtes échauffées pourraient profiter de l’occasion pour créer des troubles », estime le militant. Selon lui, le pouvoir russe aussi est soucieux d’éviter tout conflit sur le terrain religieux, quelques semaines à peine après le verdict contre les jeunes femmes du groupe Pussy Riot et l’agitation que cette affaire de blasphème à l’égard de l’Eglise orthodoxe a suscitée.
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Comment un film devient une arme de destruction massive

 C’est un « bidule » bête et méchant qui a mis le feu aux poudres dans plusieurs pays musulmans. Il ne mérite pourtant que l’oubli.

17.09.2012 | Karim Boukhari | TelQuel

 

 
Dessin de Haddad, Liban.Dessin de Haddad, Liban. 

Un obscur cinéaste du nom de Sam Bacile, inconnu au bataillon, a eu l’idée de filmer une sorte de pamphlet retraçant le parcours de Mahomet. Personne n’a vu ce film au doux nom de Innocence of muslims(L’innocence des musulmans), qui n’a eu aucune carrière commerciale, mais des millions d’internautes ont vu des extraits de la bande-annonce, une quinzaine de minutes qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Qu’y voit-on ? Les pires clichés véhiculés sur l’islam et son prophète : violence, racisme, sexisme, pédophilie, etc. Le « bidule » tourné par Sam Bacile, qui a tout du parfait nanar, mérite sans doute sa place au cimetière des plus mauvais films jamais réalisés. Il est de plus, à sa manière très approximative, une sorte de film à thèse, tâchant de démonter que l’islam est le pire ennemi de notre époque. Bête, stupide et méchant.Bien entendu, l’histoire ne s’arrête pas là et la suite ressemble, aujourd’hui, à la boutique des horreurs. Dans un monde arabe qui continue de refuser toute représentation du prophète, et dont la susceptibilité plafonne toujours à des sommets alarmants, la foule en colère s’en est prise… à l’Amérique. En Libye, des terroristes (comment les appeler autrement ?) sont allés jusqu’à attaquer [le 11 septembre] le consulat américain de Benghazi, tuant au passage quatre personnes, dont l’ambassadeur Christopher Stevens. D’autres manifestations ont eu lieu devant les représentations américaines dans le monde arabe pour protester… contre un très mauvais film américain que ces hommes en colère n’ont sans doute pas vu. Et voilà comment le monde arabe, pourtant en plein “printemps”, a célébré le 11e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 : en tuant un diplomate américain et en semant la confusion générale : à cause du timing, si particulier, du 11 septembre, mais aussi à cause du profil du diplomate, Christopher Stevens étant connu pour son soutien au “printemps arabe”.L’affaire du film américain ressemble à une arme de destruction massive. Elle est pire que celle des caricatures du Prophète parues dans un journal danois en 2007. Pire aussi que l’histoire d’un autre cinéaste, le Hollandais Théo Van Gogh, assassiné en 2004 pour avoir réalisé un autre mauvais film, Submission. L’affaire Innocence of muslimsporte en elle tous les germes susceptibles de faire tourner la tête du manifestant arabe moyen : le film est réalisé par un Américano-Israélien [l’identité exacte du réalisateur et des commanditaires reste sujette à caution] qui considère l’islam comme “un cancer”, et a été principalement soutenu par un blogueur copte égyptien et un pasteur américain islamophobe [Terry Jones, tristement célèbre pour avoir voulu brûler des exemplaires du Coran].Avec les Etats-Unis et Israël comme toile de fond, et la double opposition musulmans–chrétiens et Islam–Occident pour faire monter la température, secouez tous ces ingrédients et lâchez dans la nature : le cocktail est mortel ! A ce stade, la tentation est grande d’emprunter tous les raccourcis du monde. A commencer par l’idée selon laquelle l’Amérique a fabriqué le “printemps arabe” dont les vainqueurs, les salafistes, se retournent contre elle. Simpliste. Nous n’avons ni le recul, ni les éléments pour étayer ce qui ressemble, pour le moment, à une déclinaison de la fameuse théorie du complot (anti-arabe, anti-islam, etc.).Avant d’aller aussi loin, revenons simplement à l’objet de la discorde : Innocence of muslims. Ce n’est qu’un mauvais film, un de plus, que l’on peut éviter de voir, ou que l’on peut voir, s’énerver quelques minutes, et oublier. Ni plus ni moins.

 
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Mais à qui profitent nos violentes manifestations ? 

Les manifestations égyptiennes de protestation contre le film de Sam Bacile retransmises par les médias du monde entier sont la meilleure publicité pour ce brûlot antimusulman.

17.09.2012 | Ahmed Al-Sawi  | Al-Shourouk

 

 

 

 

 

Des Egyptiens manifestent contre le film "l'innocence des musulmans".© AFP

Des Egyptiens manifestent contre le film « l’innocence des musulmans ».

 

Avant septembre 2010, le pasteur américain Terry Jones était rattaché à une petite Eglise fréquentée, au mieux, par une cinquantaine de personnes. Puis il a annoncé qu’il allait brûler un Coran. Ses voisins n’en ont entendu parler qu’après avoir vu au journal télévisé les manifestations que son projet a provoquées dans la plupart des pays arabes et musulmans. Soudainement, sur les moteurs de recherche Internet, son nom passait du néant à des milliers d’entrées.

Pourquoi le film qui porte atteinte au Prophète [Innocence of Muslims] provoque-t-il des manifestations, surtout en Egypte ? Y a-t-il une particularité égyptienne, liée peut-être au fait que des coptes égyptiens émigrés aux Etats-Unis ont participé à sa production ? Et surtout, pourquoi ce ne sont pas les millions de musulmans américains qui ont manifesté leur colère ? C’est cette question que j’ai posée à Assef Ali, un Américain d’origine pakistanaise qui milite pour les droits des musulmans aux Etats-Unis. Sa réponse m’a étonné. Lui aussi a appris l’existence du film par la télévision qui couvrait les manifestations que celui-ci a déclenchées. Et d’ajouter que les musulmans américains connaissent la loi, une loi qui protège la liberté d’expression, quelle qu’elle soit, au point que même des films portant atteinte à Jésus n’ont pu être interdits par les Eglises et associations chrétiennes.

Le problème, toujours selon Assef Ali, c’est que la colère de la rue égyptienne, retransmise par les télévisions américaines, constitue une publicité gratuite pour ce film et lui apporte de nouveaux spectateurs. Sans cela, 98 % des spectateurs du film n’en auraient jamais entendu parler.

Toutefois, Assef parle aussi de l’aspect positif de la chose. Car le film, jusque dans ce qu’il a d’insultant, poussera la moitié du public à chercher à en savoir davantage sur l’islam. Voilà la leçon à tirer par les véritables musulmans, à savoir qu’il faut informer et répondre à des questions légitimes.

Il y a de la marge, considérable, entre la colère et la stupidité. Car la colère peut servir à sortir grandi d’une crise, tandis que la stupidité ne sert qu’à pousser toujours plus de minables à sortir de leur néant pour assouvir leur soif de célébrité.

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Washington doit revoir sa copie

 

Après la vague de violence antiaméricaine qui s’est emparée des pays arabes, le monde s’interroge : s’agit-il d’actes isolés ou d’attaques coordonnées ? Dans tous les cas, la politique de Washington est sur la sellette. Revue de presse.

13.09.2012 | Hoda Saliby | Courrier international

 

 

 

© Courrier international

 

L’attaque du consulat américain à Benghazi qui a causé, le 11 septembre, la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens ainsi que celle de trois autres diplomates « peut-elle changer les choses au Maghreb et dans ce qu’il est convenu d’appeler les pays du ‘printemps arabe’ ? »s’inquiète le site tunisien Webdo. « Cette attaque meurtrière est apparemment ‘motivée’ par la diffusion d’un film [L’innocence des musulmans]insultant l’islam et son Prophète, ou bien était-elle une façon de ‘se remémorer le 11 septembre [2001]’ ? Va-t-elle amener l’administration américaine à changer de position à l’égard des tendances islamistes dont elle joue la carte à fond ?! »

« Car, l’attaque du consulat de Benghazi ne nous paraît pas aussi spontanée que cela, poursuit le site tunisien. Elle a été précédée le même jour par une manifestation au Caire et suivie, le lendemain, par deux autres, à Tunis et à Alger, dont les auteurs présumés seraient des salafistes. Autrement dit, cela s’est produit dans tous les pays d’Afrique du Nord, autrefois particulièrement tolérants (même si dans certains cas, ils peuvent témoigner leur indignation ou manifester leur colère contre ce genre de provocation gratuite à l’encontre de leurs symboles religieux) et qui apparaissent s’être transformés en ‘tanière’ pour les extrémistes islamistes dont certains sont armés, et donc dangereux pour la stabilité de leurs pays respectifs. »

« Personne ne peut affirmer l’existence d’une coordination entre les différents assaillants », estime pour sa part l’éditorial d’Al-Quds Al-Arabi. « En effet, l’attaque de l’ambassade américaine en Egypte revêt un caractère spontané. Il s’agit du débordement d’une foule en colère à l’encontre d’un groupe d’extrémistes coptes résidant aux Etats-Unis et impliqué dans la réalisation du film [ils l’auraient produit]. En revanche, l’attaque de l’ambassade américaine à Benghazi a été planifiée, comme en témoigne le choix de la date du 11 septembre pour son exécution. »

Pour le quotidien panarabe, cette attaque serait le fait d’un groupe appartenant à la nébuleuse d’Al-Qaida destinée à venger la mort du numéro deux de l’organisation, Abou Yahya Al-Libi, tué par un tir de drone américain en juin 2012 au Pakistan. « C’est une erreur de la part du régime libyen de nier la présence d’éléments appartenant à Al-Qaida en Libye et de rejeter la responsabilité de cette attaque sur les partisans du régime déchu de Kadhafi. Car ces deux mouvements ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Al-Qaida se bat contre les Américains alors que les partisans de Kadhafi cherchent à semer le chaos dans le pays », relève Al-Quds Al-Arabi.

Des déclarations de responsables américains vont également dans le sens d’attaques planifiées, en Libye. Les extrémistes se seraient servis de la manifestation contre le film pour faire diversion et s’en prendre au consulat américain avec des armes de petit calibre, mais aussi des lance-roquettes. Quand à l’implication d’Egyptiens coptes dans la production du film, elle semble se confirmer avec les déclarations de Morris Sadek, un Egyptien copte vivant aux Etats-Unis et chef de file de la National American Coptic Assembly. Dans une conversation recueillie au téléphone par l’agence Reuters, Sadek s’est justifié en expliquant que son but, en soutenant le film controversé, était de mettre en lumière la discrimination dont sont victimes, selon lui, les coptes en Egypte, où ils représentent 10 % de la population.

Pour le quotidien beyrouthin L’Orient-Le Jour, « il fallait être bien naïf pour voir dans le ‘printemps arabe’ l’aube d’une ère de démocratie, de justice, d’égalité, de prospérité pour tous. Et d’en attendre l’avènement, en laissant le temps au temps, sans rien faire pour accélérer le rythme du changement. » Mais dans tous les cas, conclut le site tunisien Webdo,« il est clair qu’une réflexion plus sérieuse et plus approfondie va certainement se mettre en place aux Etats-Unis pour définir une politique plus cohérente avec les islamistes, jusqu’alors tolérés, voire encouragés par l’administration Obama ! »

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La tactique du blasphème

La tactique du blasphème

par Thierry Meyssan

La diffusion d’un extrait du film d’insultes anti-islam « L’Innocence des musulmans » a soulevé une vague de colère dans le monde arabe. Pour Thierry Meyssan, les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît car cette diffusion a d’abord été faite en arabe sur YouTube et sur la chaîne salafiste égyptienne Al Nas. Le film n’est pas destiné au public états-unien, ni même au public musulman, mais au seul public arabe. Sa diffusion a été effectuée par ceux-là même qui ont appelé à son interdiction. Qui se cache derrière cette provocation ?

Réseau Voltaire | Téhéran (Iran)

 

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Attaque du consulat US à Benghazi (Libye)

La diffusion sur Internet d’extraits du film L’Innocence des musulmans a suscité des manifestations de colère dans le monde, dont une qui a dégénéré à Benghazi. L’ambassadeur US en Libye et des membres de son escorte ont été tués.

Au premier abord, l’affaire se situe dans une longue lignée qui va des Versets sataniques de Salman Rushdié aux autodafés du Coran par le pasteur Terry Jones. Toutefois cette nouvelle attaque se distingue des autres en ce que le film n’est pas destiné au public occidental, mais a uniquement été conçu comme un instrument de provocation à l’adresse des musulmans.

En termes politiques, cette affaire peut être analysée de deux manières selon qu’on l’observe au plan tactique comme une manipulation anti-US ou au plan stratégique comme une attaque psychologique anti-musulmane.

Le film est présenté comme produit par un groupe sioniste composé de juifs ayant la double nationalité israélo-US et d’un copte égyptien. Il était prêt depuis plusieurs mois et a été utilisé le moment voulu pour provoquer des émeutes dirigées contre les États-Unis. Des agents israéliens ont été déployés dans plusieurs grandes villes avec mission d’orienter la colère de la foule contre des cibles US ou coptes (jamais israéliennes). Sans surprise, l’effet maximum a été atteint à Benghazi.

La population de Benghazi est connue pour abriter des groupes particulièrement réactionnaires et racistes. On se souvient que lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, des salafistes avaient attaqué le consulat du Danemark. En application de la Convention de Vienne, le gouvernement libyen de Mouammar el-Khadafi avait dû faire usage de la troupe pour protéger la représentation diplomatique. La répression de l’émeute avait fait de nombreuses victimes. Par la suite, les Occidentaux qui voulaient renverser le régime libyen avaient financé des publications salafistes accusant le colonel Khadafi d’avoir protégé le consulat du Danemark parce qu’il aurait été lui-même le commanditaire des caricatures. Le 15 février 2011, les salafistes avaient organisé à Benghazi une manifestation commémorative de la tuerie au cours de laquelle une fusillade éclata, marquant le début de l’insurrection de la Cyrénaïque et ouvrant la voie à l’intervention de l’OTAN. La police libyenne arrêta trois membres des forces spéciales italiennes qui avouèrent avoir tiré depuis les toits à la fois sur les manifestants et sur les policiers pour créer la confusion. Retenus prisonniers durant toute la guerre, ils furent libérés lors de la prise de la capitale par l’OTAN et furent exfiltrés vers Malte sur un petit bateau de pêche sur lequel je me trouvais avec eux.

Cette fois, la manipulation de la foule de Benghazi par les agents israéliens avait pour but d’assassiner l’ambassadeur US ; un acte de guerre sans précédent depuis le bombardement de l’USS Liberty par la marine israélienne, en 1967. Par ailleurs, c’est le premier assassinat, depuis 1979, d’un ambassadeur US dans l’exercice de ses fonctions. Et celui-ci est d’autant plus grave que dans un pays où le gouvernement est une pure fiction juridique, l’ambassadeur US n’est pas un simple diplomate, mais fait office de gouverneur, de chef d’État de facto.

Au cours des dernières semaines, les plus hauts responsables militaires états-uniens sont entrés en conflit ouvert avec le gouvernement israélien. Ils ont multiplié les déclarations attestant leur volonté d’interrompre le cycle de guerres débuté dans le 11-Septembre (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie), alors que les accords officieux de 2001 en prévoient encore d’autres (Soudan, Somalie, Iran). Un premier coup de semonce s’était matérialisé avec l’attaque au missile de l’avion du chef d’état-major inter armes US, le général Dempsey. Le deuxième avertissement est plus brutal.

Par ailleurs, si l’on envisage cette affaire en termes de psychologie sociale, elle apparaît comme une attaque frontale contre les croyances des musulmans. En cela, elle n’est pas différente de l’épisode des Pussy Riot violant la liberté de culte jusque dans la cathédrale orthodoxe du Saint-Sauveur et les nombreuses performances de pornographie conceptuelle qui précédèrent. Ces différentes opérations visent à désacraliser des sociétés qui résistent au projet de domination globale.

Dans les sociétés démocratiques et multiculturelles, le sacré ne s’exprime plus que dans la sphère privée. Cependant, un nouvel espace sacré collectif est en cours de formation. Les États ouest-européens se sont dotés de lois mémorielles qui ont transformé un événement historique, la destruction des juifs d’Europe par les nazis, en un fait religieux (la « Shoah » selon la terminologie juive, ou « l’Holocauste » selon le vocabulaire évangélique). Ce crime est alors élevé au rang d’événement unique au mépris des victimes d’autres massacres, y compris au mépris des autres victimes du nazisme. La mise en cause du dogme, c’est-à-dire de l’interprétation théologique du fait historique, est passible de sanctions pénales comme l’était jadis le blasphème. Identiquement, en 2001, les USA, les États membres de l’Union européenne, et nombre de leurs alliés ont imposé par décret à toute leur population une minute de silence en mémoire des victimes des attentats du 11-Septembre. Cette initiative s’accompagnait d’une interprétation idéologique des causes du massacre. Dans les deux cas, avoir été tué parce que juif ou parce que États-unien donne un statut particulier aux victimes devant lequel le reste de l’humanité est invité à s’incliner.

Lors des derniers Jeux Olympiques à Londres, les délégations israélienne et états-unienne ont tenté d’étendre cet espace sacré en imposant une minute de silence durant la cérémonie d’ouverture, l’événement télévisuel le plus regardé dans le monde. Il se serait agi de célébrer la mémoire des victimes de la prise d’otage des Jeux de Munich. En définitive la proposition a été écartée, le Comité olympique se contentant d’une discrète cérémonie distincte. Quoi qu’il en soit, l’enjeu est de créer une liturgie collective qui légitime l’empire global.

Ainsi, L’Innocence des musulmans est à la fois un moyen de pression pour rappeler à l’ordre Washington, tenté de s’éloigner du projet de domination sioniste, et un moyen de poursuivre ce projet en blessant dans leurs croyances ceux qui lui résistent.

 

 

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