La Haine du Juif : la nouvelle ligne de fracture politique à la française…

Des gens se rassemblent sur la place de la République pour protester contre l'antisémitisme, à Paris, en France, le mardi 19 février 2019. (Crédit : AP / Thibault Camus)Des milliers de personnes rassemblées en France contre l’antisémitisme. 20 000 personnes à Paris 

Des gens se rassemblent sur la place de la République pour protester contre l’antisémitisme, à Paris, en France, le mardi 19 février 2019. (Crédit : AP / Thibault Camus)

Des milliers de personnes se sont rassemblées mardi soir à Paris et partout en France pour protester contre la multiplication des actes antisémites dans l’Hexagone, illustrée le jour-même par la découverte de 96 tombes juives profanées dans un cimetière alsacien, et contre laquelle Emmanuel Macron a promis la plus grande fermeté.

L’exécutif envisage d’inscrire dans la loi « avant la fin de l’année » des dispositions visant à « mettre en cause la responsabilité » des réseaux sociaux lorsqu’ils colportent des propos haineux tombant sous le coup de la loi.

Le Premier ministre Édouard Philippe, accompagné de plusieurs membres du gouvernement, a pris place au sein d’un périmètre sécurisé où se pressaient de nombreux représentants politiques.

« Se rassembler, c’est nécessaire. Ça n’est pas suffisant, mais c’est nécessaire pour dénoncer ce qui n’est pas acceptable. Ensuite il y aura du travail d’éducation, de formation, probablement un travail législatif, aussi », a déclaré M. Philippe à l’issue de la cérémonie.

« Il fallait aujourd’hui dire ça suffit, dire que tout n’est pas possible, et quand on voit ces actes qui se multiplient, il est temps de réagir ensemble et de la meilleure des manières », a déclaré le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, à l’origine de cette mobilisation massive.

Face à la recrudescence des actes antisémites (+74 % en 2018), M. Faure avait lancé la semaine dernière un appel d’abord signé par quatorze partis, rejoints depuis par de nombreuses autres organisations.

La maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), le chef de file de Générations, Benoît Hamon, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse (LR), le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, des députés LREM et des représentants de la France insoumise ont notamment été aperçus.

L’ancien président socialiste François Hollande, arrivé vers 19H30, a fait valoir que « l’antisémitisme, c’est un fléau, c’est une attaque contre la République ». « Nous devons ici, au-delà des sensibilités, des fonctions occupées, des responsabilités exercées, être là pour que les Français puissent être eux-mêmes là. Car l’antisémitisme, ça n’est pas l’affaire des juifs, c’est l’affaire de tous les Français », a-t-il poursuivi.

La cérémonie démarrée vers 19H30 s’est achevée vers 20H00. Elle s’est ouverte sur une intervention du rabbin Delphine Horvilleur. « Quand l’antisémitisme ressurgit, d’où qu’il vienne et quelques nom qu’il porte, quand grandit la haine de l’autre, sous toutes ses formes, il s’agit d’un test pour la nation, le test de sa dignité et de sa grandeur. Parfois la République donne rendez-vous à ses enfants sur une place et elle nous demande : ‘sauras-tu être à la hauteur ?’ », a-t-elle déclaré devant la foule recueillie.

Le chanteur Abd al Malik a conclu en chantant la Marseillaise, la voix étranglée par l’émotion. Entretemps, plusieurs jeunes ont lu des textes écrits par Primo Levi, Georges Moustaki, Simone Veil et Franz Fanon, symbole de la volonté des organisateurs de sensibiliser la jeunesse à la lutte contre l’antisémitisme.

Et la Marseillaise a été entonnée spontanément à trois reprises consécutives.

Le président de LR, Laurent Wauquiez, a pour sa part affirmé : « Ça suffit les croix gammées, les insultes », dans une allusion à la profanation de 96 tombes d’un cimetière juif mardi, en Alsace, et aux insultes proférées à l’encontre du philosophe Alain Finkielkraut samedi, en marge d’une manifestation de « gilets jaunes ».

« C’est un sursaut républicain mais cela ne peut pas suffire non plus. On a besoin d’actes, de vraies décisions. Avant de changer la loi, commençons déjà par l’appliquer. Que les actes antisémites soient jugés. Derrière les actes antisémites, il y a la question de l’islamisme intégriste », a poursuivi M. Wauquiez.

Ian Brossat, le chef de file du PCF pour les Européennes, est venu avec Lassana Bathily, le héros de l’Hyper Cacher parisien.

Des « gilets jaunes » avaient fait le déplacement, notamment Côme Dunis et Frédéric Mestdjian, de la liste « Ralliement d’initiative citoyenne », souhaitant démentir par leur présence le fait que le mouvement des gilets jaunes soit gangréné par l’antisémitisme.

Ils étaient également des milliers dans quelque 70 villes de France. « C’est la première manifestation de ma vie à laquelle je participe, j’ai pensé que c’était la bonne occasion », a expliqué Jean-Marc, 62 ans, à Nantes.

Strasbourg se recueille

Près de 1 700 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées mardi soir à Strasbourg, comme dans de nombreuses autres villes de France, pour dire « Ça suffit » alors que l’Alsace a été frappée le jour-même par la profanation d’un cimetière juif.

« Je suis là pour manifester ma désapprobation vis-à-vis de ce qui est fait à la communauté juive. (La profanation du cimetière de) Quatzenheim a certainement renforcé ma détermination à venir ici ce soir », a expliqué Benoît Meyer, un médecin de 57 ans, interrogé par l’AFP.

« Je trouve inadmissible que l’antisémitisme se poursuive sans qu’on ne fasse rien. S’il y a 30 % d’antisémites en France, il reste 70 % qui peuvent se montrer, comme ce soir », a observé Josette Kleitz, 75 ans, retraitée de Geudertheim (Bas-Rhin).

« Je suis née pendant la guerre, et ce qui m’a le plus horrifiée c’est l’étoile jaune », s’est-elle souvenue. « Personne n’a bougé », mais « comme avec ‘Je suis Charlie’, il aurait fallu ‘Je suis étoile jaune’ ».

De nombreux élus participaient à ce rassemblement organisé place de la République, ceints de leurs écharpes tricolores. Parmi eux, le maire (PS) de Strasbourg Roland Ries, le président (LR) de la Région Grand Est Jean Rottner ou l’ancienne maire (PS) Catherine Trautmann.

La lecture par deux jeunes gens de l’allocution prononcée par Simone Veil le 28 janvier 2005 à Auschwitz-Birkenau et d’un texte de Louis Aragon dénonçant la « plante monstrueuse » de l’antisémitisme a été suivie par une longue minute d’un silence pesant, puis d’une Marseillaise chantée par la foule.

Parmi les personnes rassemblées, une poignée d’entre elles avaient revêtu des « gilets jaunes » et portaient la kippa.

Cette cérémonie, que les organisateurs avaient voulu sobre, n’a duré qu’une dizaine de minutes. Un rassemblement inter-religieux sera organisé mardi prochain place du Château à Strasbourg, près de la cathédrale, pour dire une nouvelle fois « non » à l’antisémitisme.

Sur change.org, une pétition en ligne du Consistoire israélite du Bas-Rhin, intitulée « le cri de Strasbourg », avait recueilli plus de 5 400 signatures mardi soir.

Lancée une semaine plus tôt, elle appelle à dire « non » à l’antisémitisme et à mener « une lutte sans merci contre ses « propagateurs » ou ceux du racisme.

Les responsables des cultes appellent au « sursaut des consciences »

Les responsables des cultes et d’organisations laïques appellent au « sursaut des consciences » face à l’antisémitisme en France, dans une déclaration commune lue à l’issue d’une réunion mardi avec le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.

« Parce que la paix et la concorde civile sont notre bien commun le plus précieux, parce que nos valeurs communes sont plus fortes que nos divergences, nous en appelons à un sursaut des consciences, et à l’engagement de chacun pour lutter fermement contre toute expression antisémite, contre toutes les formes de haine qui sont la négation même de ce qui fait la France », assurent les signataires.

Les actes antisémites « meurtrissent la France toute entière », ont ajouté les représentants de tous les cultes (juif, catholique, protestant, orthodoxe, musulman, bouddhiste), les principales obédiences franc-maçonnes et les organisations laïques, dans cette déclaration lue par le président de la Fédération protestante de France, François Clavairoly.

« L’antisémitisme est un délit, jugé par l’Histoire et condamné par la loi. Il ne souffre ni excuse ni banalisation », soulignent-ils.

« Face à la haine et à l’exclusion, face à la tentation du repli et au déni, face aux peurs, face à la recherche permanente de boucs émissaires, face à la stigmatisation, nous devons en conscience répondre par une ambition, à la fois civique, spirituelle et humaniste, de partager et poursuivre, ensemble, notre destin commun », estiment-ils.

La ministre de la justice Nicole Belloubet et le secrétaire d’État à la jeunesse Gabriel Attal étaient présents à la réunion place Beauvau, qui a aussi rassemblé la Licra, la Ligue de l’enseignement et les associations familiales laïques.

Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées mardi soir à Lille pour « dire non » à l’antisémitisme, à l’instar de la maire socialiste de Lille Martine Aubry et du président des Hauts-de-France Xavier Bertrand (ex-LR), a constaté une journaliste de l’AFP.

La sénatrice UDI du Nord Valérie Létard était également présente.

Prenant la parole face à la foule, le délégué régional de la Ligue des droits de l’homme Alain Vantroys a rendu hommage aux « victimes de l’antisémitisme », citant notamment « l’assassinat ignoble d’Ilan Halimi », jeune juif torturé à mort par le « gang des barbares » en 2006, la mémoire de Mireille Knoll, octogénaire tuée à Paris en 2018, ou encore celle des victimes de l’Hyper Cacher en 2015.

Face au « déversement régulier des propos anonymes sur les réseaux sociaux », alors que « les slogans d’extrême droite réapparaissent sur les murs » de nos villes et dans des manifestations, « nous demandons aux pouvoirs publics et aux citoyens de ne pas baisser la garde », de « mobiliser des moyens » et de « s’opposer aux idéologies de division », a-t-il dit.

Les participants ont ensuite respecté une minute de silence, largement applaudie par la foule.

« On est heureux de se retrouver côte à côte », au delà des partis politiques, pour dénoncer « les actes ignobles, abjects, insupportables » observés ces derniers mois, à déclaré Mme Aubry devant des journalistes, déplorant « les insultes, les graffitis, les profanations ».

« Il faut dire non, non, non à l’antisémitisme ! (…) Je me sens extrêmement malade que la France en soit là, car ça veut dire que notre pays va très mal », a-t-elle ajouté.

Au milieu de la foule très calme, des drapeaux de La France insoumise, des jeunesses communistes, de la Ligue des droits de l’homme ou encore du Parti communiste étaient notamment visibles.

« Gilets jaunes contre l’antisémitisme », clamait une pancarte, près d’une vingtaine de personnes vêtues de leur gilet.

« On nous traite depuis des mois de racistes, de xénophobes, d’antisémites… Je suis venu rappeler que ce mouvement est non violent, pacifiste, démocratique, qu’on cherche à mettre en avant l’humain, pas à s’opposer les uns les autres » et « qu’il ne faut pas nous confondre avec quelques énergumènes! », a déclaré à l’AFP Fabrice, « gilet jaune » et enseignant de 59 ans.

« Le monde est beau, parce qu’il est varié, stop à toute forme de discriminations », « Nous pensons aussi aux noirs, aux maghrébins, aux SDF, aux réfugiés », pouvait-on lire sur d’autres pancartes.

Environ 1 500 personnes, selon la police, se sont rassemblées dans le calme mardi soir sur le Vieux-Port à Marseille pour condamner l’antisémitisme.

Quelques gilets jaunes étaient présents parmi les manifestants.

« Toute forme de discrimination de racisme, d’antisémitisme, de sexisme et d’homophobie, incarnent ce que nous pouvons appeler le mal », a déclaré Jean-luc Mélenchon, chef de la France Insoumise, à la presse.

« Ce sont des circonstances qui justifient qu’on se retrouve. Ce soir, nous sortirons plus fort. Il y a nécessité pour les Français d’être le peuple de la liberté et de l’égalité », a ajouté le député de Marseille.

« Mais il ne faut pas faire une utilisation politicienne de ces circonstances. Si on fait tout ça pour insulter les gilets jaunes je ne suis pas d’accord », a encore dit le leader de la France Insoumise. « C’est un grand moment de fraternité », a estimé M. Mélenchon.

Le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, présent dans la foule, n’a pas pris la parole. Parmi les manifestants qui se sont rassemblés à l’appel du PS, de LREM, des Verts et des Insoumis, Eve Attali, 38 ans, s’est dite « attristée que la mobilisation ne soit pas plus grande notamment hors de la communauté juive ».

« Je trouve que la réponse n’est pas au rendez-vous », a-t-elle ajouté se disant révoltée par « la recrudescence des actes antisémites et leur banalisation ». « Il y a trop de politiciens qui excusent les actes antisémites », a-t-elle regretté.

Alain Taïeb, 58 ans, n’est pour sa part pas étonné par les actes antisémites. « Les clés ont été données à une partie de la population, c’est la montée de l’islamo-gauchisme qui fait le plus de mal en France », a-t-il jugé, ajoutant que « M. Mélenchon n’a pas sa place ici ».

Marine Le Pen rend un hommage séparé à Ilan Halimi

Marine Le Pen a rendu un hommage séparé mardi à Bagneux (Hauts-de-Seine) à Ilan Halimi, un jeune juif tué en 2006 après avoir été sequestré et torturé, et écrit une lettre de soutien au philosophe Alain Finkelkraut, victime d’injures à caractère antisémite samedi.

Le parti d’extrême droite n’a pas voulu y participer mais il avait prévu des « gestes à haute portée symbolique » pour honorer les victimes d’actes antisémites.

« Nous rendons ce soir hommage aux victimes de l’antisémitisme, et exprimons à cette occasion notre solidarité avec tous nos compatriotes juifs qui ne veulent plus vivre dans la crainte », a tweeté la présidente du Rassemblement national après son hommage à Ilan Halimi, auquel la presse n’avait pas été conviée.

« Agissons enfin contre les véritables menaces qui pèsent sur (les juifs) », a tweeté Jordan Bardella, dont le parti estime que l’islamisme est la cause de l’antisémitisme.

La présidente du RN a publié aussi une lettre ouverte au philosophe Alain Finkielkraut, violemment pris à partie samedi par des « gilets jaunes ». « Le combat que vous menez est le nôtre », a écrit Marine Le Pen, se disant « (effarée) avec (lui) de voir l’identité de jeunes immigrés se constituer dans la haine des juifs ».

Le compagnon de Mme Le Pen et député des Pyrénées orientales Louis Aliot, a lui déposé avec d’autres élus RN une gerbe au monument de la résistance et de la déportation à Perpignan, selon un tweet du député.

Le délégué du RN en Haute-Garonne, Julien Leonardelli, s’est lui rendu devant l’école juive Ozar Hatorah à Toulouse, où plusieurs enfants ont été tués en 2012 par Mohamed Merah.

Sur la chaîne de télévision israélienne I24News, Marine Le Pen a dénoncé les élus qui « pour des raisons électoralistes, ferment les yeux » sur le « fondamentalisme islamiste ».

Elle a accusé aussi « ceux qui » comme le Crif (Conseil représentatif des institutions juives, NDLR), « ne cessent de nous pointer du doigt alors que nous n’avons strictement aucune responsabilité dans ce qui se passe », estimant, selon elle, que l’antisémitisme d’extrême droite était « groupusculaire ».

« Nous sommes objectivement le meilleur bouclier, le meilleur rempart aujourd’hui pour les Français juifs contre la montée de ce nouvel antisémitisme islamiste », a-t-elle conclu.

La députée de l’Hérault Emmanuelle Ménard, élue avec le soutien du FN (devenu RN), a participé de son côté au rassemblement parisien.

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Sylvain Maillard évoque « les racines antisémites très claires » du RN et de LFI

« Une plainte a été déposée pour diffamation, » selon Manuel Bompard, numéro 2 de la liste France insoumise aux européennes

Sylvain Maillard (Crédit : capture d'écran YouTube/L'Opinion)

Sylvain Maillard (Crédit : capture d’écran YouTube/L’Opinion)

Le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI) « portent en eux-mêmes des racines antisémites très claires », a estimé mardi le député LREM Sylvain Maillard, une accusation « stupide » en ce qui concerne LFI, a rapidement réagi Jean-Luc Mélenchon.

Manuel Bompard, numéro deux de la liste France insoumise aux européennes, a affirmé dans un tweet qu’ »une plainte a été déposée pour diffamation » après ces propos « ignobles et mensongers ».

Invité à préciser à quels responsables politiques il pensait, et si la députée LFI de Paris Danièle Obono en faisait partie, il a répondu « par exemple ».

« Très clairement il y a un souci par rapport à ça et il y a une sorte d’amalgame sur le conflit israélo-palestinien, un mélange un peu d’un antisémitisme bon teint qui a toujours existé en France, un antisémitisme où le juif est le puissant, le juif est le riche, et finalement résonne bien avec le message porté aux extrêmes », a poursuivi M. Maillard.

Que ce soit LFI ou le RN, « ne nous cachons pas sous des masques, ils savent très bien faire de la récupération. Je pense que dans ce moment fort de lutte contre l’antisémitisme, c’est bien qu’ils manifestent à côté », a aussi estimé le député à propos de l’appel à des rassemblements partout en France mardi soir, signé par une vingtaine de partis.

Le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon a réagi lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale de 25 minutes : « La France insoumise n’a pas, comme l’a dit stupidement un député LREM, une racine antisémite ».

« S’agissant de nous, cette accusation est spécialement douloureuse : nombre d’entre nous ont eu à connaître des discriminations raciales, homophobes et autres. Par nos personnes, nous sommes du côté des victimes et non du côté des bourreaux (…) On ne peut être raciste et membre de LFI, car le fondamental de LFI est l’appartenance commune et égale à l’humanité », a-t-il argumenté.

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Antisémitisme: Des partis entre République et Ménilmontant, « ambiguité » de LFI

18 membres du gouvernement défileront à République; NPA, Parti des indigènes de la République, Solidarité Palestine, Comité Adama, et l’UJFP manifesteront à Ménilmontant

Jean-Luc Mélenchon pendant une manifestation contre la réforme du droit du travail, à Paris, le 23 septembre 2017. (Crédit : Geoffroy Van Der Hasselt/AFP)

Jean-Luc Mélenchon pendant une manifestation contre la réforme du droit du travail, à Paris, le 23 septembre 2017. (Crédit : Geoffroy Van Der Hasselt/AFP)

La France insoumise (LFI) se retrouve au centre d’une polémique pour son « ambiguïté » présumée vis-à-vis de l’antisémitisme, alors que la manifestation de mardi à laquelle pourrait participer Jean-Luc Mélenchon s’annonce tendue, près d’un an après son départ forcé de la marche pour Mireille Knoll.

Des membres du gouvernement ont vilipendé la réaction de Mélenchon, qui s’est récemment rapproché de Jeremy Corbyn (chef du Labour britannique, duquel 7 élus ont fait défection lundi pour protester contre l’antisémitisme au sein du parti travailliste) aux insultes proférées par des « gilets jaunes » samedi à l’encontre du philosophe conservateur, Alain Finkielkraut.

De quoi susciter en retour l’ire de Jean-Luc Mélenchon sur Twitter, lundi : « Agnès Buzyn, au nom du gouvernement contre la France Insoumise, montre que pour les macronistes la lutte contre l’antisémitisme n’est pas sincère. Juste un prétexte politicien pour régler des comptes », a dénoncé sur Twitter Jean-Luc Mélenchon.

Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, a déclaré : « Je vois Jean-Luc Mélenchon parler d’’instrumentalisation de l’antisémitisme’. C’est une ambiguïté malsaine. On attend de lui qu’il condamne, point barre, pas qu’il relativise et fasse de la théorie du complot ».

Les critiques viennent aussi d’autres formations. La tête de liste EELV, Yannick Jadot, s’est notamment dit « stupéfait, choqué, outré, d’entendre des responsables politiques qui finalement minimisent les actes d’antisémitisme ».

La Licra a pour sa part visé les propos de Thomas Guénolé, coresponsable de l’École de formation de LFI, les comparant avec ceux de la « presse d’extrême droite en 1936 ». Le politologue insoumis avait tweeté, dimanche : « Cela fait des années qu’Alain Finkielkraut répand la haine en France. Contre les jeunes de banlieue. Contre les musulmans. Contre l’Éducation nationale, etc. L’insulter, comme insulter quiconque, est condamnable. Mais le plaindre, certainement pas. »

« Ils ne l’ont pas insulté en le traitant de réactionnaire mais comme juif. Ça ne fait jamais tilt? Relativiser c’est déjà accepter ! #çasuffit », a rétorqué Olivier Faure, premier secrétaire du PS.

Menaces de mort

Les militants de LFI sont « blessés » par ces controverses, a confié à l’AFP leur directeur des campagnes et numéro 2 sur la liste pour les européennes, Manuel Bompard, qui a clairement condamné dimanche les insultes contre Alain Finkielkraut. « Chez nous, les plus anciens se mobilisent depuis 40 ans contre toute forme de racisme ».

Le siège parisien du mouvement a reçu lundi deux appels de menaces de mort, a-t-il rapporté. Le responsable se dit en outre inquiet pour les manifestations de mardi contre l’antisémitisme, dans ce climat et après le précédent de mars 2018, lorsque Jean-Luc Mélenchon avait été contraint à quitter précipitamment la marche blanche pour Mireille Knoll. Craignant que des groupuscules s’organisent pour les exclure, les Insoumis ne confirmeront leur participation qu’au tout dernier moment.

LFI s’est plusieurs fois débattue avec des accusations de complaisance et d’ambiguïté vis-à-vis de l’antisémitisme au nom de la défense des banlieues. En novembre 2017, la députée Danièle Obono, militante antiraciste très active, avait défendu sa « camarade » Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des indigènes de la République (PIR) et régulièrement accusée d’antisémitisme. « Les juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe », déclarait Houria Bouteldja en 2015. Face au tollé, Mme Obono avait dû préciser qu’elle était en « profond désaccord » avec le PIR.

« A la France insoumise, il y a quelque chose qui pose problème », a jugé auprès de l’AFP le directeur de l’Observatoire des radicalités Jean-Yves Camus. « Pas les convictions individuelles de Jean-Luc Mélenchon ou celles de dirigeants comme Manuel Bompard, François Ruffin, mais ce refus idéologique de considérer que certaines formes d’anti-sionisme mènent à l’antisémitisme ».

Au moins 18 membres du gouvernement défileront mardi aux côtés des formations politiques contre l’antisémitisme, soit près de la moitié du gouvernement, selon un décompte gouvernemental provisoire transmis lundi à l’AFP.

Dix ministres ont confirmé leur présence: François de Rugy (Transition Écologique), Jean-Michel Blanquer (Éducation), Agnès Buzyn (Solidarités et Santé), Jacqueline Gourault (Territoires), Frédérique Vidal (Enseignement supérieur), Franck Riester (Culture), Didier Guillaume (Agriculture), Marc Fesneau (Relations avec le Parlement), Élisabeth Borne (Transition écologique), Nathalie Loiseau (Affaires européennes), selon ce pointage interne au gouvernement.

Huit secrétaires d’État prévoient également d’être présents: Brune Poirson et Emmanuelle Wargon (Transition écologique), Christelle Dubos (Solidarités et Santé), Sophie Cluzel (Personnes handicapées), Agnès Pannier-Runacher (Économie et Finances), Julien Denormandie, Gabriel Attal (Jeunesse) et le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

Le président de la République Emmanuel Macron ne participera pas au rassemblement organisé à Paris, a fait savoir l’Élysée. Quant au Premier ministre Édouard Philippe, qui s’est affiché en pointe dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Matignon n’avait pas répondu lundi en début de soirée quant à sa présence à la marche.

Le NPA, pro-palestinien, appelle dans un communiqué à combattre « l’antisémitisme et tous les racismes », et à refuser « toutes les récupérations », raison pour laquelle il se joindra à un rassemblement « contre l’antisémitisme et contre son instrumentalisation », mardi soir au métro Ménilmontant (Paris XXe).

Dénonçant la « recrudescence des actes antisémites » et les « paroles nauséabondes et clairement antisémites » adressées au philosophe Alain Finkielkraut ce week-end, le NPA estime que pour combattre cette haine « réellement, il est indispensable de ne pas avoir l’indignation à géométrie variable et la récupération facile ».

Il récuse ainsi ceux qui « délivr(ent) des brevets d’antiracisme, alors même qu’ils pratiquent des politiques inhumaines à l’égard des migrants », et ceux qui « se servent des insultes contre Finkielkraut pour salir tout un mouvement social, celui des ‘gilets jaunes’… ».

« C’est parce que la lutte contre l’antisémitisme est une chose trop importante pour être laissée aux opérations de récupération diverses et variées que nous n’associons pas nos voix à celles de ces pompiers pyromanes, aussi hypocrites que dangereux », explique le parti d’extrême gauche.

Le NPA se joindra par conséquent au rassemblement « contre les actes antisémites, contre leur instrumentalisation, pour le combat contre le racisme sous toutes ses formes », organisé à Ménilmontant mardi à 19H00, et non au rassemblement contre l’antisémitisme à l’appel de nombreux partis, place de la République.

Le Parti des indigènes de la République (PIR), Solidarité Palestine, le Comité Adama, l’Union juive française pour la paix (UJFP) ont notamment annoncé leur participation au rassemblement de Ménilmontant.

Le Rassemblement national (RN), de son côté, ne défilera pas mardi aux côtés des formations politiques contre l’antisémitisme mais rendra un hommage séparé aux victimes des actes antisémites, a annoncé lundi le parti d’extrême droite dans un communiqué.

Le RN (ex-FN) explique qu’il « n’entend pas défiler aux côtés de formations et de dirigeants politiques qui soit n’ont rien fait depuis trente ans contre l’implantation des réseaux islamistes dans les quartiers, soit les ont encouragés, soit même entretiennent à leur égard un double langage irresponsable et criminel ». « C’est donc en dehors de cette manifestation-instrumentalisation que les élus du Rassemblement national et (la présidente) Marine Le Pen rendront hommage aux victimes des actes antisémites en prenant l’initiative de gestes à haute portée symbolique », ajoute le parti.

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